Châteauroux – Journée de cohésion 26 avril 2025 (part.1)

Retour sur la journée cohésion à Châteauroux (Partie 1) : Matinée du 26 avril 2025 

Décidée en assemblée générale d’octobre 2024, cette journée cohésion du 26 avril 2025 répondait à plusieurs objectifs : Permettre à nos membres de se retrouver ou de faire connaissance dans un cadre accueillant, consolider une connaissance de sites aéronautiques en confrontant des approches différentes des nos spécialistes infras ou historiens et enfin renouer avec une pratique de visites de terrains en groupe. Une quinzaine de nos membres ont répondu présents à cette journée, dont le programme particulièrement riche proposé par Didier Dubant et la logistique assurée par Henry-Pierre Marquis ont comblé les attentes.

Retour en images sur les sites visités, avec des textes préparés par notre membre et spécialiste de l’histoire aéronautique dans l’Indre, Didier Dubant :

Lieux visités autour de Châteauroux dans le cadre de la journée cohésion 2A du 26 avril 2025

 

1. Le départ : Rendez-vous fixé à 8h30 pour un briefing de la journée. Le (beau) temps est au rendez-vous ! Didier nous présente le déroulé du programme avec un démarrage par l’évocation de Jacques Balsan, qui aux commandes de son Blériot XI, sera le premier à décoller et atterrir avec un plus lourd que l’air dans le département de l’Indre.

La journée s’annonce sous les meilleurs auspices ! (coll. JM Borde)

 

2.Le terrain de Vineuil : L’Ecole d’aviation militaire française de Vineuil (au nord de Châteauroux), de février 1917 à juin 1919

Ultime vestige visible du terrain de Vineuil : le château d’eau. Coll. G.Labeeuw

dessin de Georges Villa intitulé « Avions dans les nuages 1921 »

 

Les conditions d’accès au site ne nous ont pas permis de nous rendre au pied de l’ancien terrain et du château d’eau mais nous avons pu approcher des environs et découvrir l’histoire du site :

En février 1917, une piste annexe de l’Ecole d’Aviation militaire de Châteauroux est implantée à Vineuil (36).

Au moment de l’armistice, 3000 personnes sont présentes sur le site. La fermeture est effective en juin 1919 et la liquidation des équipements en 1920.

Ce fut Georges Emile Marie Villa (1883 – 1965), le célèbre dessinateur, caricaturiste, graveur et illustrateur français qui assura sur place le rôle d’officier liquidateur.

 

A noter qu’à la même époque (de 1917 à décembre 1919) se trouvait au Nord-Ouest d’Issoudun, sur la commune de Paudy, le camp principal du Third Aviation Instruction Center (le 3ème Centre d’Instruction pour l’Aviation), une école destinée à former les aviateurs américains devant rejoindre le front. L’effectif initialement prévu était pour cette école de 250 officiers, 900 élèves et 4.300 hommes de troupes. L’officier qui dirigea du 28 août 19198 à noël 1918 la plus grande école d’aviation du monde avec ses 14 terrains (Fields) et un cimetière (le site n° 13) fut le Lieutenant-colonel Hiram Bingham, l’archéologue à l’origine de la découverte le 24 juillet 1911 de la découverte de la cité Perdue Inca du Machu Picchu au Pérou.
Pour le seul mois d’août 1918, le temps de vol cumulé dans cette l’école fut de 12.610 heures avec 1.000 avions (chaque jour 500 appareils volaient, pendant que 500 autres étaient en révision au sol). 

 

3. La cité américaine de Brassioux (commune de Déols)

A l’entrée de la Cité Brassioux. Coll. G. Labeeuw

La visite se poursuit par la Cité de Brassioux qui fut construite en 1958, en dehors des agglomérations de Déols et de Châteauroux, à un peu plus de quatre kilomètres au nord du centre ville de Châteauroux et le long de la Route Nationale 156 Châteauroux-Levroux, Blois (devenue la D956). Située à seulement deux kilomètres et demi à vol d’oiseau à l’ouest de l’ancienne usine d’aviation de Déols (et du site de l’actuel Aéroport “ Marcel Dassault ” de CHATEAUROUX CENTRE), la Cité de Brassioux s’en trouvait cependant par la route distante d’environ six kilomètres en empruntant à Déols la route de Villers. Le trajet par la route de liaison entre Brassioux et la base de La Martinerie était d’environ dix kilomètres.
Sur 615 logements, destinés à des militaires américains et à leurs familles initialement prévus, seulement 350 furent édifiés par « la Cie Immobilière Marc Rainaut et Cie », dont le siège était à Paris.
L’Air Force fut à l’origine de constructions similaires sur d’autre sites français : le village Pershing à Chaumont Air Base, Les Clairs Chênes à Etain Air Bases, la Cité Lafayette à Evreux Air Base, la Cité Marquette à Laon Air Base et la Toulaire à Toul Air Base.
Le 23 mars 1967, les Américains quittent la base alliée de Châteauroux-Déols, les maisons sont revendues à des Français et le 26 février 1968, le Conseil municipal de Déols décide de remplacer les dénominations de rues de l’époque américaine par des noms de fleurs.

Exemple :

  • Anémones (allée des) transformée en Texas drive
  • Glycines (allée des) transformée en Ohio drive

Un exemple de villa de plain-pied conçue pour les personnels américains. Coll. G. Labeeuw

 

4. De l’usine d’aviation Marcel Bloch (SNCA SO) de Déols à l’Aéroport de Châteauroux Centre

Devant l’aile sud de l’usine. Coll. Jean-Michel Borde

Nous poursuivons vers l’usine d’aviation Marcel Bloch.

L’histoire aéronautique du site débute en avril 1936 lorsque Marcel Bloch (qui deviendra après la guerre Marcel Dassault – né à Paris en 1892 et mort à Neuilly-sur-Seine en 1986) décide d’installer au nord de Châteauroux et le long de la RN20 une usine d’aviation de 10.000 mètres carrés. Il demande à son ami d’enfance l’architecte Georges Hennequin (1893 – 1939) de concevoir cette usine. Objectif initial y produire le bimoteur polyvalent Bloch MB 131.
Très rapidement les nouveaux bâtiments de teinte blanche et de teinte rouge produisent le chasseur monomoteur Bloch MB 151, puis le MB 152 et pour finir la version MB 155 débute lorsque les troupes allemandes pénètrent dans le département de l’Indre en juin 1940. Entretemps la construction d’une usine Blindée : « la Centrale Blindée C » comme Châteauroux, avait débuté à l’Est de l’usine d’aviation, mais elle ne sera qu’à l’état de fondation lorsque l’armistice survient.
Côté usine d’aviation, au niveau de la cour d’honneur, tout à côté du bureau que pouvait utiliser Marcel Bloch lorsqu’il passait à Déols (bureau qui se situait à l’étage dans la rotonde la plus méridionale) fut réalisé, fin 1939, un abri souterrain anti-aérien de dimensions restreintes (type poste de commandement protégé). Il était destiné à la direction de l’usine d’aviation de la SNCASO et fut réutilisé à l’époque américaine pour stocker de l’armement dans ce lieu stratégique à proximité de l’entrée de la base.

Les bâtiments de l’Usine Marcel Bloch le 26 avril 2025. Coll. G.Labeeuw

  • L’usine d’aviation de Déols se trouve ensuite en zone libre jusqu’à l’opération « Attila », le 11 novembre 1942, puis sera utilisée tout comme la Base aérienne de La Martinerie pour des Ecoles de Chasse de la Luftwaffe. Après la guerre l’usine d’aviation de Déols va réparer des Ju52, NC 170, Siebel 204 et produire en 1946-1947, 80 bimoteurs Bloch 175 T destinés à la Marine.
  • En août 1951, les forces de l’armée de l’air américaine prennent officiellement la direction de l’usine d’aviation de Déols. Le matériel français est remplacé par du matériel américain, les ouvriers eux restent sur place et apprennent désormais à intervenir sur des avions à réaction.
  • Le 15 septembre 1952 la toute nouvelle piste en béton de « l’aérodrome américain de Déols » est mise en service sur l’emplacement de l’ancien champ d’aviation en herbe. Cette piste est longue de 2.517,64 mètres, large de 64 mètres et à une largeur utile de 63 mètres.
  • En 1954-1955, à 800 mètres de l’usine d’aviation française de nouvelles installations sont édifiées (un mess, un dortoir).
  • En 1955, une aire de stationnement pour avions lourds est ajoutée en avant de cette même zone.
  • En 1956-1957, des bâtiments opérationnels viennent renforcer les installations complémentaires : une nouvelle tour de contrôle de cinq étages, un poste incendie limité à un rez-de-chaussée, un poste de commandement et intendance avec salle de briefing, une aérogare de fret, un dispensaire et une coopérative-magasin de vente.
  • En 1956-1957 une voie de circulation est édifiée à l’est de la piste qu’elle rejoint en trois points. Cette voie de circulation dessert 10 parcs rectangulaires pour avions lourds de 84 m de long et 42 mètres de large.
  • Les plus grands bâtiments de l’usine d’aviation française ayant des ouvertures et une hauteur insuffisante pour les avions lourds, les Américains font construire en 1957 un hangar (769) côté piste pour effectuer l’entretien des plus gros avions existant à l’époque. Sa superficie est de 10.740 m2 avec 182 mètres de long, 91 mètres de large et une hauteur libre sout entrait d’environ 12 mètres.

Le hangar 769 et l’extension pour la cabine de peinture (coll. Labeeuw). Voir à ce sujet l’article correspondant : https://www.anciens-aerodromes.com/?p=138050

  • Le 25 novembre 1957, la route de liaison reliant les deux entités constituant la base américaine, c’est-àdire l’aérodrome de Déols et les installations de La Martinerie, est ouverte à la circulation. C’était la première fois que l’on réalisait en France deux kilomètres de chaussée en béton sans joints de dilatation.
  • 1961 la SERIMA (la Société d’Entretien et de Réparation Industrielle de Matériel d’Aviation) prend la suite d’AEMCO-BREGUET. Dès 1964, les américains commencent à diminuer la charge de travail confiée aux ouvriers de l’usine d’aviation de Déols.
  • Mars 1967, les américains quittent Châteauroux et Déols.
  • Le 1er janvier 1989, SUD-AVIATION prend à Déols la suite de la SERIMA, puis en 1970 la S.N.I.A.S celle de SUD-AVIATION.
  • En 1975, la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Indre devient gestionnaire de l’Aérodrome (1977 : construction de l’aérogare, 1989 : création de la Zone Industrielle Aéroportuaire).
  • 1991 : Inscription des bâtiments de l’ancienne usine d’aviation de Déols à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.
  • 1994 : la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Indre transfère la gestion de l’aéroport au Syndicat mixte de l’aéroport de Châteauroux-Déols.
  • Le 25 janvier 1994, l’Aéroport de Châteauroux-Déols est baptisé « Aéroport Marcel Dassault ».
  • En 1995, la piste est rallongée vers le Nord, sa longueur est portée à 3.500 m.
  • A partir de 1998 : rachat, réhabilitation et revente des bâtiments des anciennes usines Bloch par la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Indre (en l’an 2000 : inauguration de l’espace entreprise sur la Zone Industrielle Aéroportuaire, dans les anciens bâtiments administratifs de l’usine de 1936).
  • Mars 2007, l’aéroport passe aux mains de l’établissement public régional : Aéroport Châteauroux-Centre en application du processus de décentralisation de 140 aéroports français (Arrêté n° 2007-03-0011 du 2 mars 2007).

Entretemps, nous avons rejoint l’Aéroport Châteauroux-Centre où le directeur de l’Aéroport, Didier Lefresne, nous livre quelques un des secrets de l’histoire de l’aéroport et nous emmène faire un tour de piste.

Le directeur de l’aéroport, Didier Lefresne. Coll. JM Borde

Devant le véhicule d’intervention du SSLIA. coll. JM Borde

Pendant la crise sanitaire due à la COVID-19 ce sont plus de 140 millions de masques et 37 vols qui ont transités par l’aéroport. Durant cette même période, en plus de nombreux autres avions, onze Airbus A380 de British Airways furent stationnés en même temps sur le tarmac de Châteauroux. Le site, qui est consacré au fret aérien, assure également le démantèlement et le recyclage d’avions. Il comporte des entreprises de peinture et de maintenance. C’est aussi l’un des principaux lieux en Europe d’entraînement des pilotes aux procédures de décollage et d’atterrissage.

En 2023 l’aéroport de Châteauroux à inauguré un nouveau hangar de 8520 m2. Il est utilisé pour la maintenance aéronautique et peut accueillir un Airbus A380 ou jusqu’à cinq Airbus A320 en même temps. Le site vient également de se doter d’une nouvelle tour de contrôle.
A l’est de l’Aéroport de Châteauroux Centre se trouve le C2FPA depuis 2007, le Centre Français de Formation des Pompiers d’Aéroport.

Le tour de piste nous permet également de découvrir le pélicandrome, l’ILS, le quai d’arrivée de la voie SNCF. En prime, roulage sur la piste avec allumage des PAPI, depuis le seuil 21 : le profil en long de la piste est bombé, de telle sorte qu’on n’aperçoit pas le seuil 03 !

Hangar de maintenance livré en 2023. Coll. G.Labeeuw

 

5. Déols – L’Escale Village

Le restaurant l’Escale Village, créé en 1936

Enfin pour clore cette matinée particulièrement riche en découvertes, nous nous retrouvons au restaurant L’Escale Village, dont l’histoire est intimement liée à celles des personnels de l’usine Marcel Bloch :

  • Le 25 juillet 1936, Alphonse Carteron, demande l’autorisation d’installer face aux « usines d’aviation Marcel Bloch », en cours de construction, un commerce d’Epicerie Café Restaurant et souhaite obtenir une licence de Restaurateur susceptible d’avoir des pensionnaires.
    Gêné par le terrain alourdi, suite à la fonte des neiges tombées en fin d’année 1938, le 3 janvier 1939 à 12h45 un Bloch MB 131 lors d’un premier vol de réception ne parvient pas à décoller en direction du sud. L’appareil s’embarque à droite, brise la barrière de clôture du terrain, traverse la route nationale 20 et termine sa course contre deux voitures devant l’angle du café restaurant désormais géré par M. Henri Gaulthier. Dans l’avion seul le chef-pilote Heu est blessé (une fracture du tibia et des plaies de la face). Dans le restaurant, cinq personnes sont légèrement blessées par des éclats de briques et de verre.
  • En 1948 l’Annuaire de l’Indre dans la liste des Cafés-Restaurants de Déols indique : « Carteron, Le Grand Verger ».
  • En 1975 « L’Escale Brasserie » occupe l’emplacement précédemment occupé par Alphonse Carteron.

Une pause appréciée mais rapidement menée, qui nous permet néanmoins de mieux faire connaissance et de partager des anecdotes sur l’histoire de l’aviation dans l’Indre ou sur la présence américaine.

 

La suite dans l’article suivant …