Chippelle

PaysFrance
DépartementCalvados
NomCHIPPELLE
Autre appellationALG A-5
Commune (s)CARTIGNY-L'EPINAY, SAINT-MARTIN-DE-BLAGNY
Coordonnées49° 14' 31'' N / 00° 58' 15'' W
OACIN/A
SituationAu NW de la forêt de BALLEROY
UtilisationAérodrome américain 2eme GM

Précisions succinctes apportées par François Robinard, extrait de son livre « 50 aérodromes pour une victoire » – page 86 – (voir ci dessous) avec son aimable autorisation.

ALG « Advanced Landing Ground », pouvant être traduit en français par « Aérodromes de l’avant » dont l’aménagement, au plus prés de la ligne de front, pouvait apporter rapidement un soutien aux troupes engagées.
ALG B : Terrains Anglais – ALG A : Terrains Américains
Codification A-5, nom de code FUNCTION

Construction par le 820th EAB

Date de début de la construction : 16 juin 1944

Date de mise en service opérationnelle : 5 juillet 1944

Fin d’activité opérationnelle : 5 septembre 1944

Unités présentes sur le terrain :

  • 404th Fighter Bomber Group puis 404th Fighter Group (13 juin 1944) 9th Air Force/IX Tactical Air Command/84th Fighter Wing
    – 506th Fighter Bomber Squadron puis 506th Fighter Squadron (4K) 506th Fighter Bomber Squadron (ex- 620th Fighter Bomber Squadron)
    – 507th Fighter Bomber Squadron puis 507th Fighter Squadron (Y8) 507th Fighter Bomber Squadron (ex- 621st Fighter Bomber Squadron)
    – 508th Fighter Bomber Squadron puis 508th Fighter Squadron (7J) 508th Fighter Bomber Squadron (ex- 622nd Fighter Bomber Squadron)
    (Changement d’appellation du Group et des Squadrons le 13 juin 1944)
    Group au complet le 05 juillet 1944

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Historique

Plan d’implantation du terrain (Coll François Robinard)

Ne cherchez pas la commune de Chippelle sur une carte ou un annuaire de la Basse-Normandie, vous ne la trouverez pas. Pas plus que le lieu dit d’ailleurs car c’est en se rendant sur le site de construction après avoir quitté Cricqueville (A-2) que les hommes du 820th E.A.B. du Lt Cl Trumbull s’arrêtèrent au milieu d’un groupe de maisons dont l’adresse était le « lieu Chipel ». Ce furent les dernières qu’ils rencontrèrent avant d’arriver précisément sur le site. N’étant pas familiers des difficultés du cadastre ancestral français, ils le baptisèrent ainsi. En fait les installations s’étalèrent sur 2 communes, le lieu Chipel est sur Cartigny l’Epinay ainsi qu’une partie de la piste, l’autre est sur St Martin de Blagny. D’emblée, ils rencontrèrent des difficultés avec la nature du sol assez spongieux à cet endroit. De grands travaux de drainage furent nécessaires. En plus le lieutenant colonel fut obligé de renvoyer une partie de ses effectifs sur A 2 qui avait été initialement prévu pour accueillir des chasseurs, donc avec une piste plus courte, qu’il fallait porter à 1500 mètres pour des chasseurs-bombardiers plus lourdement chargés.
Les travaux continuèrent néanmoins sans désemparer sur le site A 5 où devait être tracée une piste de 1500 mètres alignée en 06/24 et recouverte de grillage à mailles carrées (SMT). Des sites de tentes pour l’hébergement et l’administration devaient également être construits ainsi qu’un route d’accès aménagée, en élargissant la voie d’accès existante. A installer également, un dépôt de ravitaillement et de munitions, des réservoirs de carburant et d’eau potable et un réseau électrique sommaire afin de pouvoir éclairer le camp et assurer les communications.
Le 30 juin, une partie du bataillon fut dirigée sur Grandcamp pour déminer et marquer une bande de terrain pour avions de liaison (L-2)
Le 3 juillet les premiers P 47 du 404th Fighter Group furent autorisés à se poser sur A5 et le terrain fut déclaré opérationnel 2 jours plus tard. Leur travail terminé ici, ils se dirigèrent vers Balleroy pour y construire A 12 à Lignerolles.

Vue sur A 5, une bâche de jeep, un morceau de toile hâtivement peint façon damier, 4 branches coupées dans la haie voisine en guise de piquets. Voilà l’abri du contrôleur de piste. Comme quoi on peut faire partie de la plus grande armée aérienne du monde et avoir recours aux moyens de fortune (Coll François Robinard)

C’est le 26 juin qu’arrivèrent les ordres pour faire mouvement sur la France. Les « rampants » embarquèrent à Southampton le 29 et touchèrent les côtes françaises à Omaha où ils passèrent la nuit du 30. Le 1er, les camions de l’état major se dirigèrent sur A5 et c’est dans la soirée du 4 que le premier contingent de pilotes arriva, puis enfin le 5 les derniers par bateau (un ancien Steamer belge, le Prinz Albert, vétéran de Dunkerque). Le Group était maintenant au complet sur le site A 5.
Un vétéran rapporte : «Ah ! la France, le vin, les femmes et les chansons. En fait de vin, nous n’eurent que du cidre, du Calvados et autres eaux de vie, les femmes n’étaient pas très jolies quant aux chansons nous n’entendirent que les nôtres. Il s’avéra néanmoins que ces breuvages furent d’excellents produits de substitution aux boissons fortes que nous avions pris l’habitude de consommer en Angleterre et les premiers mots de français que nous apprîmes furent « très bien » (Jolly good).
“Nous avons dressé les tentes dans les champs autour de ces installations et avons bricolé des abris avec des morceaux de bois récupérés sur des baraquements allemands de la région de St Lô car nous n’étions pas à plus de 15 kms de cette ville. Puis, au fur et à mesure de nos récupérations, nous avons construit des salles de briefing et de repos, des bars etc…Le 508th était particulièrement bon dans ce genre d’exercice. Le colonel Mc Colpin voyait ça d’un très bon œil et pratiquait volontiers la technique de l’émulation entre squadrons. Chaque fois qu’il le pouvait, il invitait un commandant de squadron à visiter les installations d’un autre pour lui dire que c’était mieux que chez lui et l’inciter ainsi à faire un effort à son tour.”
“Quand la boue due aux fortes précipitations du début de l’été commença à durcir sous le grillage du revêtement de la piste, les premières opérations débutèrent depuis le terrain. Nous étions le 8 juillet. Maintenant le soleil dardait ses rayons et la poussière remplaça la boue.
Lorsque les avions mettaient leur moteur en route, ils soulevaient un immense brouillard de poussière qui aveuglait littéralement tout le monde et qui empêchait les pilotes de voir devant eux. Ils prirent alors l’habitude de regarder, non plus vers l’avant, mais sur le côté et, prenant le tube de leur mitrailleuse comme viseur, ils le plaçaient sur le bord de la piste et le tenaient sur celui-ci tout le temps du roulage, tout en faisant attention au creux à mi piste. “Quand nous décollions vers le sud-ouest, il fallait virer aussitôt car si on allait trop loin devant nous, nous étions à portée des tirs d’armes légères ennemies”

Terrain A 5 photographié par un Arado 234 de reconnaissance photo de la Luftwaffe

La piste était orientée nord-est/sud ouest et elle était entourée de petits vergers de pommiers et de quelques fermes. Elle avait été tracée sur un terrain assez spongieux et présentait en son milieu un creux assez prononcé si bien que quand vous décolliez, la seconde partie de la piste était assez pentue. Les taxiways et les aires de dispersion s’étiraient à travers arbres et haies dans de petits plants de pommiers de chaque côté de la piste.

Profil Arado 234 (Coll François Robinard)

Ainsi que l’explique fort bien Philippe Bauduin dans son remarquable livre intitulé « Les photos de l’avion espion », l’Allemagne, fort en avance en matière de propulsion à réaction avait mis en service dès le 15 juillet 1944 sur le terrain de Juvincourt près de Laon dans l’Aisne un puis deux Arado 234 biréacteurs normalement bombardiers mais qui, équipés de caméras remplaçant le chargement de bombes, se révéleront des avions de reconnaissance quasiment invincibles puisqu’ils voleront plus haut et plus vite que n’importe quel intercepteur allié. Quand on connaît déjà l’avance technologique allemande en matière d’optique, on avait là tous les ingrédients pour faire de cet avion, un « espion » remarquable. Toutes les installations alliées en Normandie furent, non seulement photographiées mais renseignées de façon étourdissante, apportant par là la démonstration que les services d’espionnage allemands fonctionnaient également fort bien, ce qui épaissit encore plus le mystère de la non découverte de l’armada alliée durant sa traversée de la Manche. C’est assurément là un des grands – sinon le plus grand – mystère de la Seconde Guerre Mondiale, aucune hypothèse exposée par les historiens n’étant, à ce jour, véritablement probante.

La situation du terrain A-5 favorisait les missions éclairs. Dix à quinze minutes après avoir quitté le sol, ils étaient au-dessus de l’objectif. La moitié de ce temps étant passé pour la mise en formation , ils avaient l’impression d’avoir la main à la fois sur le bouton de relevage du train et sur celui de largage des bombes.

Une dramatique erreur

Le 24 juillet, les pilotes sanglés dans leurs appareils attendaient l’autorisation de décoller pour participer à l’opération Cobra. Ils ne savaient pas que du fait du temps l’attaque aérienne de grande envergure qui devait précéder cette offensive avait été reportée au lendemain. Ils l’ignoraient d’autant plus que 350 bombardiers sur les 1 586 qui devaient participer au bombardement de préparation n’avaient pas reçu cet ordre d’annulation. Au-dessus de leur tête vrombissait, presque invisible, le flot de bombardiers lourds. Le son semblait venir de St Lô pour s’éloigner vers le nord-est et l’Angleterre. Soudain une série de violentes explosions secoua tout le terrain. Tout le monde se rua vers les fox-holes (trous individuels), y compris le Colonel et tout son état-major. Près du mess des officiers et sur le dispersal du 508th, cinq foyers d’incendie s’étaient déclarés. Des bombes au phosphore envoyaient sur les avions leurs sinistres traçantes blanches, tel un mortel feu d’artifice. Les munitions et les bombes à fragmentation d’un P 47 en flammes explosaient une à une, envoyant balles et éclats dans toutes les directions. Puis des hommes surgirent, casqués avec masques à gaz et carabine, prêts à répondre à une nouvelle attaque. Les blessés commençaient à crier et à appeler au secours, des pilotes étaient extraits de leur avions en feu. Certains ne survécurent pas à leurs blessures . Ils figurent pour toujours sur la plaque commémorative posée sur le mur de la petite église de St Martin de Blagny.
Enfin les ambulances arrivèrent suivies par une foule de soldats choqués sortant des haies et des trous individuels avec précaution. Tout le monde était persuadé d’avoir subi une attaque allemande jusqu’à ce que 3 bombes de 100 livres américaines non explosées soient découvertes sur le terrain.
Il fut finalement déterminé que c’était un B 24, probablement un des 2 aperçus par un servant de DCA à travers un trou dans les nuages, dont le bombardier pris de panique alors que son avion avait reçu quelques éclats sans importance avait largué 20 bombes qui tuèrent 4 hommes, en blessèrent 14, détruisirent 5 avions et en endommageant 14 autres. Jamais la Luftwaffe ne fit autant de ravages dans leurs rangs ajoute le rapporteur de ces événements tragiques. Dans le même temps, une erreur tout aussi tragique frappa, à quelques kilomètres de là la 30th I.D. qui eut à subir de nombreuses pertes. Elle fut encore frappée par erreur le lendemain et perdit 102 hommes tués dont son chef, le Général Mc Nair, et 380 blessés !

 P 47 Old Hickory. Ce P 47 Thunderbolt porte la devise de 30th Infantry Division que le 404th FG avait pour charge de protéger et qui dut partager le même sort funeste dû a des erreurs de bombardement lors de l’Opération Cobra (Coll François Robinard)

François Robinard

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Pour plus d’information, nous vous recommandons le livre de François Robinard.

ISBN 9 782840 483274 – Editions Heimdal – Commande directe possible