Le renouveau de l’Aéro-Club de l’Ouest (ACO)

Anciens-Aérodromes vous propose une très longue histoire des aérodromes d’Angers qu’ils soient implantés à Avrillé ou à Marcé aujourd’hui. En effet le Musée Régional de l’Air qui a pour nom aujourd’hui « Espace Air Passion » publie plusieurs fois par an « le magazine » qui reprend la vie ancienne des aérodromes et l’activité intense du Musée. Nous allons essayer, au fil des mois à venir, de vous conter cette passionnante saga.

Avec nos remerciements à l’équipe d’Espace Air Passion

Extrait du magazine du Musée Régional de l’Air n°126 – Printemps 2016 – Pages 22 à 25
« Angers est libéré depuis août 1944 et la vie reprend. L’Aéro-club de l’Ouest, qui avait vu son activité limitée au modèle réduit et à des activités culturelles depuis 4 ans se prend à rêver de grands espaces et l’équipe dirigeante, sous la présidence de Pierre Gasnier du Fresne, s’en donne les moyens. Il faut tout à la fois relancer l’ensemble des activités, mais inclure l’aéro-club dans le tissu socio-éducatif local tout en valorisant son image à l’échelon national et international.
Ce travail de longue haleine prit vingt ans, mais grâce à un trio légendaire, Gasnier du Fresne avec un immense carnet d’adresses, René Hersen le patron, chef pilote, Madame Suzanne Broggard, la secrétaire si dévouée, sans oublier Alexandre Bellanger l’architecte, Wilfried Giraud, le mécanicien, Robert Bénion et Georges Mareine, les futurs instructeurs, en 1963, l’Aéro-club de l’Ouest était une entité reconnue et se classait, au palmarès des clubs français, parmi les tout premiers.« 

Epaves d’avions allemands et américains sur l’aérodrome d’Avrillé. On distingue à l’extérieur, à gauche de l’image, un des Piper biplace qui sera récupéré par l’Aéro-club de l’Ouest peu après. En haut de l’image, le bâtiment détruit. (Collection Espace Air Passion)

 

Afin de mieux comprendre la situation géographique particulière de l’aéro-club de l’Ouest Anciens-Aérodromes vous donne quelques points de repère d’Angers de son environnement et des lieux emblématiques de cette aéronautique régionale. En premier lieu un plan IGN des deux aérodromes par rapport à Angers.

Carte IGN, de l’agglomération Angevine … et détail en rouge de la place de l’ancien aérodrome d’Avrillé.

 

1945
L’aérodrome d’Avrillé n’a été que peu modifié par les Allemands et l’on découvre la géographie qu’il conservera jusqu’à sa disparition en octobre 1998.

Photo US datant du 14 août 1944. L’aérodrome a été bombardé copieusement.
(Source IGN Photothèque Nationale)

Bien sûr, les pistes ne sont que des bandes gazonnées et leur tracé réel très incertain, au milieu des trous de bombes ; le balisage est quasi inexistant et ce qui reste des hangars abrite encore de nombreuses épaves. Bien entendu l’accès à tous ces bâtiments est dangereux car, s’ils ne furent pas, a priori, piégés, les obus non éclatés étaient nombreux (1).
Le terrain est toutefois ouvert à l’aviation civile et l’Aéro-club de l’Ouest est bien décidé à repartir d’un bon pied. Pierre Gasnier, son président depuis 1908 dirige l’association renaissante d’une main ferme et son immense carnet d’adresses fait merveille.

Atterrissage forcé, en bordure de la piste, d’un YAK des FFL (Sauvage) pour éviter les maisons du bourg d’Avrillé.
(Collection Espace Air Passion) 

Le siège de l’aéro-club (rue de la Préfecture) ayant été réquisitionné par divers organismes, Pierre Gasnier a trouvé un local au 14 rue Paul Bert et où le bureau fonctionne tous les jours. Bien que réputée provisoire, cette adresse fut maintenue jusqu’au milieu des années soixante. Il faut ensuite réinsérer le club dans les instances administratives et le 19 avril 1945 la Fédération Nationale des Sports Aériens informe le président que l’Aéro-club de l’Ouest est affilié à la FNSA sous le numéro 63. De plus, cette affiliation permettra de toucher des subventions d’Etat soit 110 000 francs, versés en deux fois en 1945.
Sur l’aérodrome, la station météo, qui n’a pas trop souffert de la guerre, conservera son emplacement et voit le début des observations systématiques et régulières dès le mois d’avril 1945. Le personnel sera civil et militaire jusques 1949 puis civil uniquement ensuite.

Georges Mareine et M. Anciaux, gardien de l’aérodrome, devant un FW-190.
(Collection Espace Air Passion)

Et puis, il a fallu restaurer les infrastructures. Brouettes, pioches, et beaucoup d’un immense enthousiasme. Par dizaines, sous les ordres de chefs d’équipe bénévoles, le terrain d’Avrillé a peu à peu commencé à ressembler à un aérodrome… plus trop de trous de bombes au moins sur les pistes, un bout de manche à air de fortune ; Certes, on pouvait toujours rêver d’aventures aéronautiques devant l’épave d’un Focke-Wulf 190 abandonné sur l’aéroport ou lorsque l’Escadrille Normandie-Niemen se posait à Avrillé, mais du rêve à la réalité… Il ne restait plus qu’à trouver de quoi voler !
Et comme par hasard, est ressorti d’une cachette, le Pou-du-Ciel réalisé avant-guerre par Wilfried Giraud (2). Bien sûr, il n’était pas immatriculé et ne disposait d’aucun document officiel, mais à l’époque, tout le monde s’en moquait éperdument ! Il fallait relancer l’activité ou plutôt toutes les activités de notre pays.
Pendant ce temps-là, René Hersen, le chef pilote que tout le monde appelait Patron dès cette époque, largement soutenu par le président Pierre Gasnier du Fresne, agissait de toutes ses connaissances pour faire attribuer par les services de l’État, un planeur à l’aéro-club de l’Ouest. Toutefois, tous les clubs français sont confrontés au même problème et la production industrielle (et administrative) ne peut faire face à toutes les demandes. L’ordre d’affectation n’arrivera qu’en fin d’année.
À l’automne de cette même année, Monsieur Landreau, dont le garage, sur la nationale au 162, se situait en face de l’aérodrome, reçoit son Starck 75, le n° 2, immatriculé F-PBGI.

Starck AS-75 n° 2 F-PBGI de Landreau 
(Photo Jean Bretaud – Collection Espace Air Passion)

Mais il fallait relancer l’Aéro-club de l’Ouest, très durement touché par la guerre et Pierre Gasnier a l’idée d’une grande exposition. Il sollicite le Ministère de l’Air, la Société Philatélique de l’Anjou et tous les sponsors connus… et du 13 au 21 octobre se tiendra la Semaine de l’aviation, avec exposition de timbres aéronautiques et conférences. Et là encore, miracle de la renommée et du carnet d’adresses, le Ministère de l’Air informe, par courrier du 15 septembre 1945, que M. Charles Tillon, Ministre de l’Air, accepte son patronage pour cette manifestation.

Enveloppe timbrée pour la Semaine de l’Aviation organisée par l’aéro-club de l’Ouest.
(Collection Espace Air Passion)

Afin de valoriser les affranchissements, de très nombreuses cartes furent envoyées à travers l’Europe à des destinataires inexistants tels Gasnier du Fresne, poste restante Stockholm Suède, et sont donc revenues à Angers, ce qui constitue une précieuse collection.
Et pendant ce temps-là, l’exposition a eu un grand succès, avec des timbres et des modèles réduits ; le bilan financier est intéressant car il en ressort un bénéfice de 30 373 francs que se sont répartis l’Aéro-club de l’Ouest et la société philatélique.
Toujours dans ce cadre de l’ouverture de l’aéro-club vers le monde, Pierre Gasnier établi des liens avec la Fédération des Syndicats Viticoles de l’Anjou, où il trouve une intelligente compréhension et collaboration qui durera de très longues années.
Enfin, en ces derniers jours de l’année, le planeur Castel 242 n° 104 est attribué à l’aéro-club par ordre d’affectation n° 2185 du 5 novembre 1945 et ramené à Angers par voie routière le 29 du même mois et portera le nom de « Capitaine Y. Prungée ». Il ne volera toutefois pas immédiatement.

1946
Le 14 janvier 1946 arrive enfin le premier C-800 (n° 140), en provenance de Beynes et piloté par René Hersen et Jean Ménard, remorqué par un MS-502 piloté par Fromage.
Tout cela était bel et bien, mais le club ne disposait toujours pas d’avion remorqueur et l’hiver 1945/1946 fut mis à profit pour construire un treuil. Ce fut M. Landreau qui le réalisa malgré les restrictions d’usage de l’électricité et dès février René Hersen le valida grâce à quelques vols du C-800.
René Hersen et Jean Ménard réceptionnèrent « officiellement » ce C-800 (3) au cours d’un vol historique en présence de Roger Morin, Marcel Milaret (devenu l’adjoint de Roger Hervé) et quelques futurs élèves. Ce fut immédiatement un branle-bas de combat pour voler au plus tôt et dès avril la première promotion était baptisée, avec Mlle Blais de Chateaubriand comme marraine. L’organisation était d’esprit très militaire et inspirée de l’Aviation Populaire, avec rappel des valeurs et prestation de serment tandis que l’appareil prenait le nom de « S/Lt Drouelle ».

La première promotion de l’aéro-club de l’Ouest devant le C-800 n°140…et Mlle Blais, marraine de cette promo
(Collection Espace Air Passion)

Cette cérémonie fut également l’occasion de concrétiser la notion de Centre-Inter-Club tel que prévu par l’Instruction Provisoire du 24 septembre 1945. De nombreuses personnalités civiles et militaires furent invitées et presque toutes étaient présentes ce jour-là. Ce Centre réunissait sur le terrain d’Angers, grâce au matériel qui lui était affecté par l’État les aéro-clubs d’Angers, de Cholet et de Saumur.
Cependant, le C-800 et le Castel 242 étaient des biplaces école permettant de former les élèves et rafraîchir les anciens qui n’avaient plus volé depuis 1939 ; il fallait maintenant un monoplace pour concrétiser la formation et par ordre d’affectation n° 2818 du 3 avril 1946, le Nord 1300 n°8 est affecté à Angers et livré le 17 mai suivant. Il sera cassé le 24 juillet de la même année aux Coteaux du Layon par Paul Jamin à la suite d’un atterrissage hors terrain.
Le 13 avril 1946, le Castel 301s n°1026 est attribué à Angers et arrive dans les jours qui suivent (lui aussi a survécu et se trouve dans nos collections).

Castel 301S n° 1026 devant les bâtiments en ruines de l’ACO
(Photo Jean Bretaud – Collection Espace Air Passion)

Toutefois, une forte demande pour le vol à moteur existe et il faut trouver des avions et des finances. Pour les finances, comme d’habitude, c’est le moins facile et une tombola est organisée et proposée tant aux membres du club qu’aux industriels locaux qui répondent massivement, ce qui laissera un bénéfice net de 25 000 francs. Cela permettra d’envisager l’achat d’essence et d’huile pour démarrer les vols.
Pour les avions, il suffit de faire une demande motivée au Ministère de l’Air qui attribuera des appareils. Par ordre d’affectation n° 3754 du 26 juillet 1946, le MS-315 n°261 F-BBZS est attribué à l’aéro-club de l’Ouest (il sera classé R le 31 juillet 1947 et la cellule réformée sera détruite sur place. Il en sera de même pour le Bücker 181 F-BBLS affecté à la même date).
Immédiatement l’activité vol moteur reprend sous le titre de « Section tourisme » et la direction du moniteur Robert Colson dès le 1er août. Fin septembre, la section a totalisé 172 heures 26 minutes de vol dont 87 h 26 de double commande.
7 élèves sont en formation et 13 pilotes poursuivent leur entraînement.
Mais le gros de l’activité de l’aéro-club de l’Ouest reste le vol à voile basée, pour l’essentiel aux Coteaux du Layon, près d’Angers. En fin d’année, la Section de vol à voile enregistre 4 516 lancers et 302 heures de vol. De plus 44 brevets A, 42 brevets B et 8 brevets C ainsi qu’une épreuve d’altitude du brevet D sont obtenus. On trouve déjà les noms de ceux qui feront l’ossature du club dans les années à venir : MM Savigneau, Hersen, Bénion, Salomon, Henault, Renard et Ouary
En 1946, Angers abrite aussi plusieurs autres aéro-clubs sous la forme d’un Centre-Inter-Club : Châteaubriant, Bressuire et Thouars. L’aéro-club de Châteaubriant est doté par le SALS du SV-4C F-BCKY. Il sera muté à Brest en 1950.

Jean Derey et René Hersen dans le C-800 n°104
(Collection Jean Derey)

Mais l’aéro-club, c’est aussi une section modéliste très active, qui construit, vole et participe à de nombreux concours.
En particulier, l’Interrégional s’est tenu à La Baule, avec une soixantaine de concurrents et Angers a bien tenu sa place avec un classement 1er en catégorie avion (Milaret qui prend également la seconde place en planeurs) tandis que les autres angevins (Margat, Emery, Drouet et Lhutin) se classent dans le premier quart.
Quelques semaines plus tard, c’est la « Coupe d’automne » qui se tient sur le terrain d’Avrillé. La catégorie planeurs juniors fut enlevée par l’équipe d’Angers tandis que Cholet arrive en tête pour les séniors. En catégorie moteur caoutchouc
MM. Hervé et Milaret arrivent en tête.
Les modélistes de l’Aéro-club de l’Ouest ont, d’autre part, remporté de nombreux succès aux concours de Nantes, Tours, Châteaubriant, Cholet ainsi qu’aux éliminatoires du championnat de France.

 

Robert Bénion
Dit Ben’s. Né le 30 mai 1927 à Beaulieu, il nous a quittés le 6 octobre 1989. Ayant débuté le vol à voile après la guerre, aux
Coteaux du Layon, avec René Hersen comme moniteur planeur et René Colson pour l’avion, il est titulaire du brevet C et du brevet de second degré avion. Il exerça longtemps les fonctions d’instructeur bénévole (en fait sa famille tenait une armurerie place Imbach à Angers) à l’AéCO et plus d’un pilote des années soixante lui doit sa progression.
Cependant, on le voyait plus souvent dans le Storch ou le MS-317 à remorquer les planeurs et notre MS-505 porte son nom.

 

 

 

 

 

Robert Colson

 

Né à Paris le 11 octobre 1914, il devient titulaire du brevet de Pilote de Transport public no1098 daté du 30 mai 1928.
Demeurant rue Pasteur à Angers, il assure l’instruction avion à l’aéro-club de l’Ouest depuis 1936 puis, militaire, se lance dans le vol à voile après-guerre et obtient ses brevets à Challes en 1945 et 1946. C’est toutefois une discipline qu’il pratiquera assez peu.

 

 

 

 

 

Robert Renard
Né à Angers le 25 août 1920, il sera breveté pilote militaire le 7 avril 1940 et passe ses brevets de vol à voile en 1946.
Il deviendra rapidement moniteur avion et planeur et sera longtemps président de la section Vol moteur de l’aéro-club de l’Ouest. Parallèlement, il crée les Établissements Robert Renard sur l’aérodrome d’Avrillé et lance la construction de petites séries d’avions légers (Minicab, Émeraude…). Quelques années plus tard, il transforme son entreprise et construit, sous le nom de Tapi-gliss des tapis roulants pour l’industrie.

 

 

 

Article mis en page par Jean-Luc Charles, membre 2A

Notes :

(1) En 1970, Christian Ravel, alors jeune instructeur, a encore trouvé deux balles parfaitement conservées,
le long des balises.
(2) Wilfried Giraud restera le mécanicien de l’aéro-club de l’Ouest jusqu’à son décès accidentel en 1962.
(3) Par un hasard miraculeux, cet appareil a survécu et est rentré dans les collections de notre musée en 2007