1910 – Aérodrome de La Crau

Jean-Luc Charles & Henri Conan, membres de 2A

Toute cette histoire d’aérodrome commence par la lecture et le scan d’une « Revue-Aérienne » de février 1910. Nicolas Kuchto, un bon ami, se débarrasse de sa documentation aéronautique très abondante et parmi laquelle se trouvait un grand nombre de Revues de 1910 à 1914.
Le premier numéro disponible porte le n°32 avec en première page une très sympathique photo de « Paulhan en Amérique ! » et dans la rubrique « Nouvelles Sportives » on parle de Héliopolis, Châlons, le Gross III, et un petit article attire mon attention car je ne connais pas « Dans la Crau ». De plus en page suivante et à l’intérieur de l’article une belle photo d’un hangar en cours de finition. J’ai pensé que ce sera peut-être le plus vieux hangar que l’on trouvera sur le site de 2A.

Petite compilation pour ne faire qu’un article et ci-dessous le résultat.

 

Recherche sur 2A ; Pas de Crau. Sur le net, et de fil en aiguille, j’aboutis sur wiki qui annonce que l’aérodrome recherché n’existe pas mais que sur l’aérodrome de Salon-Eyguières il y a eu « L’Aéro-Model-Club de la Crau ». On est sur la bonne voie.
Cette fois dans l’Atlas de 2A, on nous dit que dans le 13 il y a « La Jasse-Salon-Eyguières » mais dans l’Atlas de la DGAC, qui est hébergé sur notre site, pas de trace de la Crau. Seule l’histoire de Salon est développée avec comme date de départ, 1933.
Il ne reste plus qu’à faire appel à nos membres. Les réponses rapides se succèdent, comme d’habitude.
Henri, 1h30 après, comme à son habitude donne le préliminaire : « L’aérodrome de La Crau est celui qui est à 1 ou 2 km de la gare de Miramas. Salon-Eyguieres-La Jasse est un peu plus au nord et n’a d’ailleurs été créé, sauf erreur, que pendant la Grande Guerre pour l’école d’Istres. A l’époque la ville de Miramas était plus au sud et on l’appelle maintenant Miramas-le-Vieux. Le terrain a ouvert il y a 110 ans le 27 mars 1910 pour le premier meeting d’aviation en Provence. Blanc et Saraille étaient constructeurs d’avion et ont été peu performant sur ce meeting dominé par Metrot sur Voisin. Je ne connaissais pas cette vue de hangar. Pour le meeting les organisateurs avaient fait construire 7 grands hangars que l’on peut voir en tapant sur le net *Miramas aviation*. »

En effet Henri a raison on trouve des cartes postales sur « ebay » montrant des hangars dignes d’un très grand meeting.

Carte postale (DR)

Je vais passer la dizaine de réponses de nos membres, toutes les plus intéressantes les unes que les autres, qui me mettait sur la bonne voie.
La suite de l’étude des Revues-Aériennes permet de se faire une idée plus précise de l’activité de cet aérodrome qui était bien prometteuse, en 1910.
L’article ci-dessous nous signale que le jour de Pâques, 27 mars, sera donc le jour de l’inauguration du terrain de Miramas qui a pour nom : « Aérodrome de La Crau ».

(1910-04-10_Coll-NK-JLC_n36_Revue-Aerienne_212-213_La-Crau)

Comme annoncé l’inauguration avait dû se faire le dimanche 27 mars mais la manifestation principale s’est produite le lundi 28. Remarquez le nombre de visiteurs à ce premier meeting : 30.000 personnes, c’est considérable.

Un autre entrefilet dans les informations de la L.N.A. de fin avril commence à expliquer ce que sera le meeting de la Pentecôte, celui du 15 mai.


Dans le n°40 de la Revue-Aérienne du 10 juin 1910 et toujours dans la rubrique L.N.A. on présente l’organisation d’un autre meeting sur ce GRAND aérodrome.
Vous noterez bien les dimensions imposantes de la piste ; longueur 5 km et largeur 130 m. Le nombre de hangars est aussi conséquent : 14.

Promesse d’une nouvelle semaine d’Aviation.

Cette fois dans le n°41 datant du 25 juin c’est le résumé du meeting annoncé le 10 juin.

Pas de nouvelles dans la Revue-Aérienne du meeting de juillet 1910 mais en septembre on parle de l’avion de Henri Blanc. Ce personnage est le premier nommé dans l’article de février 1910. Il est un des créateurs de l’aérodrome de La Crau.

Je n’ai pas trouvé de Henri Blanc dans les constructeurs français d’avions du Trait d’Union.

Les nouvelles du L.N.A. parues en décembre 1910 dans le n°52 font état des avantages à faire partie de la Ligue. Vous noterez que La Crau est citée au même titre que Douai-La Brayelle.

Calme plat dans cette revue durant l’année 1911.

En mai 1912 il y a une reprise de l’activité avec des nouveaux pilotes et avions. Henri Blanc est toujours là, mais il n’est plus seul à être cité.

De nouveau un an sans nouvelles et en juin 1913 on découvre un bel article avec une belle photo des hangars.

Henri de compléter l’information :

« Au début je croyais que c’était pour le meeting, mais en fait en mai 1913 étaient de passage à Miramas trois batteries du 55ème régiment d’artillerie, parties de Nice et se rendant au champ de tir de Nîmes pour des tirs réels.

La direction de l’aérodrome de La Crau avait bien voulu mettre son importante installation à la disposition de l’autorité militaire. Les hommes étaient logés dans les hangars, les chevaux étaient rangés en ordre sur le magnifique terrain de l’aérodrome. »

Et enfin en août 1913 une information où est noté l’aérodrome de La Crau. Cet aérodrome va, ou peut servir, aux épreuves de la Coupe « Aéro-Cible Michelin ».
En fait il s’agit de rechercher « les meilleurs procédés à utiliser pour le tir en aéroplane ».

Et de nouveau Henri de conclure par un article local de bien mauvais augure pour cet aérodrome.

Avant d’arriver à une solution définitive pour le dimensionnement de cet aérodrome nous avons fait plusieurs essais qui n’ont jamais été validés. Par contre les recherches approfondies d’Henri dans les journaux de Marseille nous ont fait aboutir, après de nombreuses discussions, à la conclusion suivante ; L’aérodrome de La Crau n’est rien d’autre que le site appelé aujourd’hui l’Établissement principal des munitions « Provence » (EPMu Provence-Méditerranée).

Parmi les articles retrouvés par Henri on peut voir une très belle approche de cette surface d’environ 200 ha. Date du journal « L’Auto » : 21 mars 1910.
Dans les recherches on a pu noter que cette piste oblongue faisait 3333 mètres. Pourquoi ?
Simplement pour que les aviateurs ayant réalisés trois tours de piste auront volé 10 km JUSTE. Belle distance pour l’année 1910.
Henri a retrouvé un grand nombre d’articles sur cet aérodrome et 2A ne veut pas déflorer le document qu’il est en train de préparer. Nous ne vous présenterons ci-après qu’une interprétation qui ne fait pas l’unanimité mais qui ne doit pas être très loin de la vérité.

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Carte IGN de Miramas et des environs. (DR)

Juste quelques mots sur la suite de cet aérodrome. Henri explique :
« En 1909 une entente s’établissait entre les organisateurs et M. G…., un riche industriel de Marseille, qui possédait en Crau de vastes domaines pour la location de 200 hectares. Le bail était signé jusqu’en 1927 avec promesse de vente. En 1912 après une vente aux enchères (voir la dépêche particulière de l’Excelsior du 21 mars ci-dessus) suite à une faillite il y aura deux nouveaux dirigeants (toujours de l’Aéro-Club de Provence).
Pendant la WW1 il y aura utilisation militaire (entrepôts, etc.) puis en 1917 cela devient un camp d’aviation dépendant d’Istres.
Y-a-t-il eu expropriation à titre militaire ? Je ne le sais pas mais cela doit être le cas. Il faudrait consulter les archives du SHD, des Domaines des BdR ou de la ville et actuellement … c’est assez difficile.
En 1923, l’Armée de terre installe une zone d’entrepôt en lieu et place de l’aérodrome (devenant l’Entrepôt de réserve générale de munitions de Miramas, ERGMu en 1935).
Il sera un temps occupé par l’armée allemande.
En 1994 il s’appelle « Etablissement du matériel de Miramas »
Le détachement de Miramas est, depuis le 27 mai 2011, l’Établissement principal des munitions « Provence » du service interarmées des munitions comprenant environ 150 personnes civiles et militaires. Le terrain du détachement de Miramas fait toujours 200 hectares (article de la Marseillaise suite à un vol d’armes).
Donc il me semble, à tort ou à raison que les limites du terrain de l’Établissement principal des munitions « Provence » doivent être (à 99 %) celles du terrain initial ? »

Grand merci Henri pour ce travail de fond sans oublier tous les autres membres qui ont participé.