Historique – Châteauroux-La Martinerie

La Base militaire de Châteauroux-La Martinerie – (département de l’Indre)

Etude et présentation de Didier Dubant

Hébergeant depuis le 3 juillet 1998 le 517e régiment du Train la base militaire de La Martinerie fut créée le 25 octobre 1915. Actuellement installée sur des terrains relevant des communes de Déols, Diors et Etrechet, la base de Châteauroux – La Martinerie (trois cents hectares, dont quinze bâtis) est située à quatre kilomètres à l’est de la ville de Châteauroux. Elle est constituée de deux ensembles distincts implantés de part et d’autre d’un axe ouest-est la D925 (la route de Lignières, ancienne RN 725). L’occupation permanente du site explique la bonne conservation d’un certain nombre d’installations anciennes.

A l’origine l’Ecole d’Aviation militaire de Châteauroux s’est développée en 1915 sur 101 hectares au sud de la route de Lignières sur les communes de Déols et Etrechet. Elle fut créée pour la durée de la guerre, comme Ecole de Perfectionnement des élèves pilotes. L’Ecole d’aviation de Châteauroux-La Martinerie était alors réputée comme Centre de Formation des pilotes de liaison et d’observation. On y enseignait le maniement de la T.S.F. et celui des appareils photographiques. De 1916 à 1918, 2.450 brevets furent attribués à l’Ecole d’Aviation militaire de Châteauroux dont 297 à des cadets Américains.

En 1920, l’Aviation de Combat (chasse + bombardement) est réorganisée. La base de la Martinerie est alors attribuée au 3e R.A.C. (Régiment d’Aviation de Chasse). Les terrains provisoirement occupés depuis 1916 sont déclarés d’utilité publique, le 27 novembre 1921.

Piste, baraquements de bois et hangars du 3e R.A.C. à Châteauroux La Martinerie (collection Didier Dubant) –

A ses débuts, le 3e R.A.C. comportait quelque huit cents hommes de troupe et gradés, des baraquements de bois et dix avions dans trois hangars. Mécaniciens et pilotes se répartissaient en deux groupes de trois patrouilles qui utilisaient Spad, Caudron, Nieuport 29 ou 62 et Henriot 14.

Dans la partie sud-ouest de la base subsistent encore en 2008 deux anciens hangars d’aviation français édifiés à l’extrême fin des années vingt. Ces deux hangars à ossature et charpente métalliques sont dotés sur les côtés dans leur partie haute de grandes baies vitrées. Chaque hangar comporte une double toiture à deux pentes jointe par une gouttière en V inversé perpendiculaire à leur façade qui est ouverte vers le sud-est, c’est-à-dire du côté du champ d’aviation.

Hangars à ossature et charpente métalliques édifiés à Châteauroux-La Martinerie dans la fin des années vingt. Chaque hangar comporte une double toiture à deux pentes jointe par une gouttière en V inversé perpendiculaire à leur façade (collection Didier Dubant) –

Avec les années, la surface de la base s’accroît progressivement et en 1929 elle finit par passer au nord de la Départementale 925 (la route de Déols à Lignières) absorbant d’un seul coup une douzaine d’hectares. Des casernements y sont édifiés au début des années trente. Ils marquent la croissance de la Base Aérienne103.

Au sud de la route de Lignières, trois anciens hangars d’aviation français subsistent encore en 2008. Ils remontent aux années trente : un hangar double de construction métallique avec bardage en briques de parement, un hangar quadruple de construction métallique avec bardage en briques de parement, auquel est adossé à l’arrière un bâtiment de forme rectangulaire à couverture constituée de sheds et un petit entrepôt doté d’une toiture simple à deux pentes.

Toujours au sud de la route, mais plus vers l’est et alignés selon un axe nord-sud, regardant tous vers le champ d’aviation à l’ouest, quatre anciens doubles hangars d’aviation français de construction métallique avec bardage en briques de parement construits dans les années trente subsistent toujours en 2008.

Quelques années plus tard, dans le cadre du triplement du potentiel offensif de l’Armée de l’Air, en octobre 1936 est décidée la permutation entre le 3e R.A.C. devenu Escadre de Chasse avec la 32e Escadre de Dijon. La 32e escadre était constituée de deux groupes équipés de bombardiers moyens les groupes I/32 et II/32. Le II/32 quitte le 12 octobre 1936, Dijon pour Châteauroux où il perçoit le 20 octobre 1936 des monomoteurs Mureaux 115. Le 15 octobre 1936 le I/32 quitte Dijon pour Châteauroux, avec ses bimoteurs Bloch 200. Ces deux groupes restent à la Martinerie jusqu’au début de la guerre. Le Ier septembre 1939, le I/32 retourne à Dijon et le II/32 quitte Châteauroux pour rejoindre Chissey dans le Jura.

En 1940, la base aérienne de Châteauroux-La Martinerie, lieu de passage de nombreuses unités de l’armée de l’air, est bombardée à plusieurs reprises par l’aviation de bombardement allemande, puis après la défaite de juin 1940 devient l’un des sites de stockage des avions de l’armée de l’air désormais contraints à demeurer au sol.

Après le 11 novembre 1942 le site est utilisé par des écoles de chasse allemandes le Jadfliegerschule 3 transformée en Jadgeschwader 103, puis la 2. JG 105.

A l’est de la base de Châteauroux-La Martinerie sur la commune de Diors, début 1944 les autorités d’occupation font construire des alvéoles isolées devant abriter des bombardiers légers. Ces alvéoles photographiées par les alliés le 2 mai 1944 ont une forme rectangulaire et sont constituées de murs latéraux en béton (long de 20 mètres et séparés de 30 m). Renforcés à l’extérieur par de la terre, ces murs servaient d’appui à une couverture demi-tonneau métallique. Ces alvéoles qui étaient raccordées à la base aérienne par un chemin commun, ne semblent pas avoir été achevées. Quatre des six emplacements d’alvéoles photographiées en 1944 sont aujourd’hui redevenus des terres de labour.

En 1944, la base est à plusieurs reprises bombardée par l’aviation alliée.

Le 24 janvier 1945, Châteauroux-La Martinerie est la première école de pilotage à ouvrir après la libération. Puis à partir de mars 1946, la base se transforme en Ecole des Transmissions et Entrepôt où sont stockés divers modèles d’avions avant de rejoindre leurs unités d’affectation.

Lorsque les autorités françaises remettent en 1951 le site de Châteauroux-Déols aux autorités militaires américaines, 133 hectares complémentaires sont acquis ce qui porte sa surface totale à 386 hectares. Les premiers temps de la présence Américaine sont héroïques. Le 7029th Base Complément Squadron, joue sous les ordres du général HICKS le rôle d’échelon précurseur pour préparer les lieux en vue de l’arrivée du 73rd Air Depot Wing. Des travaux de raccordements ferroviaires sont immédiatement entrepris et de gros porteurs américains se posent sur le terrain toujours sommairement aménagé. A partir du 4 juillet 1951, les hommes logent sur la partie orientale de l’ancien champ d’aviation dans Tent City : deux-cent-quarante tentes de dix lits. En 1952, les soldats américains sont progressivement transférés dans les casernements réhabilités en zone nord et au début du mois d’octobre 1952 les premiers éléments de baraquements préfabriqués arrivent sur le site de La Martinerie pour remplacer “Tent City ”. D’une surface double, « Quontown  » avec ses préfabriqués métalliques accueillera ses premiers résidents en janvier 1953. Les vestiges de deux de ces préfabriqués métalliques construits sur dalle de béton subsistent encore en 2008. Lorsque l’on survole la zone, les fondations en béton de la partie ouest de Quontown se distinguent encore malgré l’épaisseur des buissons qui recouvrent désormais les lieux. Fin décembre 1952, l’achèvement de la piste d’envol en dur sur l’aérodrome de Déols rend inutile les atterrissages à la Martinerie. Les lieux sont désormais strictement réservés au stockage des pièces détachées et réserves de guerre destinées aux Armées de l’Air des pays de l’O.T.A.N. ou non, concernées par les mesures d’assistance auprès des forces ayant acquis du matériel U.S. (les pays concernés furent la France, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le Danemark, la Norvège, la Grande-Bretagne, la Grèce, la Turquie, La Yougoslavie et l’Iran).

Les vestiges d’un baraquement préfabriqué métallique de type Quonset encore subsistant en 2007 – (cliché Didier Dubant 2007 DR)

La piste d’envol achevée sur l’aérodrome de Déols, les entreprises de construction se tournent vers l’édification de bâtiments neufs à La Martinerie. Juillet 1953 : 1.200 ouvriers sont à pied d’oeuvre à La Martinerie : un hôpital, un théâtre, une chapelle, un Mess, des logements et des locaux administratifs sont en construction. Des casernements et divers bâtiments fonctionnels sont ensuite construits au nord, puis dans la partie nord-ouest du site. Les travaux s’achèveront en mai 1955, réseau d’assainissement compris.

Au sud-est de la Base au début de l’année 1953 une surface de stockage d’un million de pieds carrés (308.800 m2) sur soixante-quinze hectares est réalisée dont 93.000 m2 d’entrepôts couverts.

1954, Châteauroux Air Depot passe sous le commandement de l’Air Materiel Force, Europe.

1956, la Base Américaine de Châteauroux-Déols devient le Central Air Material Area Europe (CAMAE).

Juillet 1956, un golf est ouvert officiellement à l’emplacement de l’ancienne zone d’atterrissage de la base de Châteauroux-La Martinerie.

Le 5 septembre 1956, le nouveau commandant du CAMAE “ George F. SMITH ” inaugure des appartements aménagés dans des caravanes à La Martinerie dans le secteur de Quontown.

1960, la base est transformée en : Centre O.T.A.N. d’approvisionnement de Châteauroux.

Le jeudi 23 mars 1967 une ultime cérémonie marque le départ des Américains de Châteauroux et de Déols : “à dix-sept heures, heure à laquelle chaque soir depuis quinze ans les couleurs américaines et françaises descendaient le long des mâts dans la vaste cour d’honneur de La Martinerie, une brève cérémonie marquait en présence de centaines de personnes tant militaires que civiles, la fermeture officielle de la base de l’U.S. Air Force ”.

Le 1er juin 1968, l’échelon liquidateur du centre OTAN d’approvisionnements rejoint définitivement le Luxembourg : «le drapeau du Nato ne flottera plus sur le bâtiment n° 356 de La Martinerie ! ».

L’emprise de la base militaire de Châteauroux-La Martinerie retourne en 1968 à l’armée française : trois Centres d’Instruction du Service du Matériel : les CISM numéro 1 de Montluçon, numéro 2 de Lunéville et numéro 3 de Metz y sont regroupés.

En 1976 au moment où le matériel devient une arme à part entière, le CISM devient l’ESMAT (l’Ecole de Spécialisation du Matériel de l’Armée de Terre), école qui subsistera jusqu’à l’arrivé du 517e régiment du Train en 1998.

Intégralement implantée sur les commune de Diors et Etrechet, la zone industrielle de La Martinerie réutilise depuis le 1er juin 1968 une grande partie des 93.000 m2 d’entrepôts de l’ancien “NATO Supply Center ” : « une zone d’expédition de stockage de 82.000 m2, une zone d’expédition et de réception de 13.000 m2, dont 2.000 m2 de couverts, 2.000 m2 d’ateliers, 7.000 m2 de bureaux ”.

La base militaire de la Martinerie depuis le nord-est. Au premier plan la zone nord (au centre les bâtiments au toit rouge encadrent la cour d’honneur). A l’arrière plan au centre du cliché les hangars d’aviation de la zone ouest – (cliché Didier Dubant juillet 2007 DR).

Cette zone industrielle de la Martinerie fut prise en charge à la demande de l’Etat, par la Chambre de Commerce et d’Industrie de l’Indre, qui se chargea de la transformation du centre de stockage de La Martinerie en zone industrielle et de la commercialisation de celle-ci.

La zone industrielle de La Martinerie réutilise depuis le 1er juin 1968 une grande partie des 93.000 m2 d’entrepôts de l’ancien “NATO Supply Center ”- (cliché Didier Dubant juillet 2007 DR). Didier Dubant – octobre 2008.

Sources :

Dubant D., Carrillon M., Mardelle S., Rollin N., Promenades dans Déols. Histoire des rues et lieux-dits d’une Commune de l’Indre. Office de Tourisme de Déols, 1998, 256 pages

Dubant D., Déols et ses environs, Editions Alan Sutton, 1999,128 pages

Dubant D., 50 ans d’aviation dans le ciel de l’Indre 1909-1959, Editions Alan Sutton, 2006, 160 pages

Dubant D., Base américaine de Châteauroux-Déols 1951-1968, Editions Alan Sutton, 2008, 144 pages.