Retour sur la journée cohésion à Châteauroux (Partie 2) : Après-midi du 26 avril 2025 et matinée du 27
Suite de l’article n°1
6. Châteauroux – la Martinerie : zone sud-ouest et CNTS
Nous poursuivons notre périple en nous rendant sur le site de la Martinerie à quelques km, via l’entrée du Centre National de Tir Sportif de Châteauroux-Déols. Là nous nous garons sur le parking « P1 – Bessoneau » (sic), dont nous sommes évidemment surpris par cette orthographe inédite, d’autant que les hangars métalliques qui nous font face n’en sont évidemment pas… même si certains argumentent sur l’existence d’une appellation de « Bessonneau métalliques ». Le site a été repris en partie pour y aménager le CNTS en 2018, qui a été largement médiatisé lors des JO 2024.
Nous sommes accueillis par Monsieur Jean-Jacques Bérenguier, président de l’association des amis de la Martinerie, qui nous autorise à visiter les hangars métalliques, datant de la fin des années 20 – début années 30, dans lesquels sont entreposés des navettes Keolis, le site servant pour des essais de navettes autonomes. La charpente métallique ainsi que les portes sont impressionnantes, mais en état relativement dégradé.

Hangars type Lajoinie ou Pantz construits à la fin des années 20 ou début 30. Coll. G.Labeeuw

L’intérieur. Coll. JM Borde
Mais nous laissons derrière nous les hangars, et les débats de nos spécialistes sur le type exact (Lajoinie ou Pantz), qui nous promettent un article dédié à ce sujet, pour écouter Didier Dubant nous expliquer l’histoire de cette zone :
L’Ecole d’Aviation Militaire française de Châteauroux fut créée à La Martinerie le 25 octobre 1915 sur 101 hectares au sud de la route de Lignières sur le territoire des communes de Déols et Etrechet. De 1916 à 1918, 2450 brevets y furent attribués dont 297 à des Cadets Américains.
En 1920 l’Aviation de Combat (chasse + bombardement) est réorganisée et le site de La Martinerie se voit attribuer le 3e Régiment d’Aviation de Chasse.

Les installations de La Martinerie en 1922. Coll. D. Dubant

Les deux mêmes anciens hangars d’aviation dans la partie Sud-Ouest de la base, photographiés en 2007. Coll. D.Dubant
Dans la partie Sud-Ouest de la base subsistent encore deux anciens hangars d’aviation français (nos fameux Lajoinie ou Pantz) édifiés à l’extrême fin des années vingt – voire début des années 30.
Avant de poursuivre cet historique, nous nous dirigeons vers le site du CNTS pour y découvrir cette toute nouvelle installation sportive qui aurait fait pâlir notre président (de 2A évidemment). En 2018 ouvrait en effet sur le site de La Martinerie, le CNTS (le Centre National de Tir Sportif), la première pierre ayant été posée en 2016. C’est sur ce site qui correspond au champ d’aviation de l’ancienne école d’aviation militaire de la première guerre mondiale, que se déroulèrent les épreuves de tir des jeux olympiques et paralympiques d’été de Paris 2024.
Nouvelle photo de groupe, devant l’œuvre « Les Piliers de la République » de Guy de Rougemont, au son des tirs d’entraînement dans la fosse olympique.

Au CNTS, photo de groupe devant les piliers de la République. Les hangars visités en arrière plan. Coll. D.Dubant
7. Châteauroux – la Martinerie : Les hangars Double-Tonneaux
Au début des années 30 des casernements sont édifiés au nord de la D925.
Au sud de la route de Lignières, trois anciens hangars d’aviation remontent aux années trente dont un hangar double et un hangar quadruple.
Plus au Sud-Est quatre anciens doubles hangars sont alignés selon un axe Nord-Sud.
Nous allons visiter ce groupe de quatre hangars double-tonneaux dont certains abritent désormais une casse. Leur état est pour certains très dégradé.

Les quatre groupes de hangars double-tonneaux. Coll. G.Labeeuw
Quelques années plus tard, en octobre 1936 dans le cadre du triplement du potentiel offensif de l’Armée de l’Air, est décidé la permutation entre le 3e R.A.C. devenu Escadre de Chasse et la 32e Escadre de Dijon constituée de groupes équipés de bombardiers moyens les groupe I/32 et II/32.
Le 1er septembre 1939, le I/32 retourne à Dijon et le II/32 quitte Châteauroux pour Chissey-sur-Loue dans le Jura.
A partir d’octobre 1939, le site de Châteauroux est utilisé comme Centre d’Instruction de Bombardement.
Le 24 janvier 1945 Châteauroux-La Martinerie devient la première école de pilotage à ouvrir après la libération, puis à partir de mars 1946 se transforme en Ecole des Transmissions et Entrepôt où son stockés divers modèles d’avions avant de rejoindre leurs unités d’affectation.

Coll. Labeeuw
8. Châteauroux – la Martinerie : Tent City et la zone de stockage OTAN
En face des double-tonneaux se trouvait « Tent City », dont Didier nous raconte l’histoire :
Lorsque les autorités françaises remettent en 1951 le site de Châteauroux-Déols aux autorités militaires américaines, 133 hectares complémentaires sont acquis ce qui porte la surface totale de la base à 386 hectares. Les premiers temps de la présence Américaine sont héroïques. Le 7029th Base Complement Squadron joue, sous les ordres du général Hicks, le rôle d’échelon précurseur pour préparer les lieux en vue de l’arrivée du 73rd Air Depot Wing. Des travaux de raccordements ferroviaires sont immédiatement entrepris et de gros porteurs américains se posent sur le terrain toujours sommairement aménagé.
A partir du 4 juillet 1951, les hommes logent sur la partie orientale de l’ancien champ d’aviation dans « Tent City » : deux-cent-quarante tentes de dix lits. En 1952, les soldats américains sont progressivement transférés dans les casernements réhabilités en zone nord et au début du mois d’octobre 1952 les premiers éléments de baraquements préfabriqués arrivent sur le site de La Martinerie pour remplacer « Tent City ». D’une surface double, « Quontown » avec ses préfabriqués métalliques accueillera ses premiers résidents en janvier 1953 (les vestiges de deux de ces préfabriqués métalliques construits sur dalle de béton subsistaient encore en élévation en 2008). Fin décembre 1952, l’achèvement de la piste d’envol en dur sur l’aérodrome de Déols rend inutile les atterrissages à la Martinerie. Les lieux sont désormais strictement réservés au stockage des pièces détachées et réserves de guerre, destinées aux Armées de l’Air des pays de l’OTAN ou non, concernés par les mesures d’assistance auprès des forces ayant acquis du matériel U.S. (les pays concernés furent la France, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le Danemark, la Norvège, la Grande-Bretagne, la Grèce, la Turquie, la Yougoslavie et l’Iran).
La piste d’envol achevée sur l’aérodrome de Déols, les entreprises de construction se tournent vers l’édification de bâtiments neufs à La Martinerie.
Juillet 1953 : 1200 ouvriers sont à pied d’œuvre à La Martinerie : un hôpital, un théâtre, une chapelle, un Mess, des logements et des locaux administratifs sont en construction. Des casernements et divers bâtiments fonctionnels sont ensuite construits au nord, puis dans la partie nord-ouest du site.
Les travaux s’achèveront en mai 1955, réseau d’assainissement compris.

La Martinerie, zone Sud-Est depuis l’ouest. Derrière les panneaux photovoltaïques, les hangars double-tonneau de l’ancienne base aérienne et à l’arrière plan les grands entrepôts américains photographiés en 2024. Coll. D. Dubant
Notre petit groupe poursuit la visite par la zone de stockage OTAN, dont Didier nous évoque les caractéristiques démesurées :
Au Sud-est de la base au début de l’année 1953 une surface de stockage d’un million de pieds carrés (306 800 m2) est réalisée sur soixante-quinze hectares, dont 93.000 m2 d’entrepôts couverts. Illustration n° 26 : La Martinerie, zone Sud-Est depuis l’ouest. Derrière les panneaux photovoltaïques, les hangars double-tonneau de l’ancienne base aérienne et à l’arrière plan les grands entrepôts américains photographiés en 2024.
1954, Châteauroux Air Depot passe sous le commandement de l’Air Materiel Force, Europe.
1956, la Base Américaine de Châteauroux-Déols devient le Central Air Matérial Area Europe (CAMAE).
Juillet 1956, un golf est ouvert officiellement à l’emplacement de l’ancienne zone zone d’atterrissage de la base de Châteauroux – La Martinerie.
1960, la base est transformée en Centre OTAN d’approvisionnement de Châteauroux.
Le jeudi 23 mars 1967 une ultime cérémonie marque le départ des Américains de Châteauroux et de Déols : « à dix-sept heures, heure à laquelle chaque soir depuis quinze ans les couleurs américaines et françaises descendaient le long des mâts dans la vaste cour d’honneur de La Martinerie, une brève cérémonie marquait en présence de centaines de personnes tant militaires que civiles, la fermeture officielle de la base de l’US Air Force ».
Le 1er juin 1968, l’échelon liquidateur du centre OTAN d’approvisionnement rejoint définitivement le Luxembourg : « le drapeau du Nato ne flottera plus sur le bâtiment n° 356 de La Martinerie ! ».

Les anciens entrepôts OTAN du Central Air Matérial Area Europe. A l’époque, près de 93 000 m² de surfaces couvertes. Coll. G.Labeeuw
L’emprise de la base militaire de Châteauroux-La Martinerie retourne en 1968 à l’armée française : trois Centres d’Instruction du Service du Matériel : les CISM numéro 1 de Montluçon, numéro 2 de Lunéville et numéro 3 de Metz y sont regroupés.
En 1976 au moment où le matériel devient une arme à part entière, le CISM devient l’ESMAT (l’école de Spécialisation du Matériel de l’Armée de Terre), école qui subsistera juqu’à l’arrivée du 517e Régiment du Train en 1998.
Intégralement implantée sur les communes de Diors et Etrechet, la zone industrielle de La Martinerie réutilise depuis le 1er juin 1968 une grande partie des 93.000 m2 d’entrepôts de l’ancien « NATO Supply Center » : « une zone d’expédition et de stockage de 82.000 m2, une zone d’expédition et de réception de 13.000 m2, dont 2.000 m2 de couverts, 2.000 m2 d’ateliers et 7.000 m2 de bureaux ».
L’ESMAT (l’Ecole de Spécialisation du Matériel de l’Armée de Terre) subsistera jusqu’à l’arrivée du 517e Régiment du Train le 3 juillet 1998.
La dissolution de ce régiment le 30 juin 2012 (avec roulage de l’étendard le 23 mai 2012) marquera la fin de la présence militaire sur le site de La Martinerie.
9. Châteauroux – la Martinerie : Visite du musée » Maison départementale de la Mémoire militaire«
Cette passionnante pérégrination s’est conclue au sein de la très riche Maison de la Mémoire militaire où nous avons été accueillis par Monsieur Jean-Jacques Bérenguier, président de l’association « Les Amis de La Martinerie » qui gère la Maison départementale depuis une dizaine d’années.
La Maison de la Mémoire militaire, installée dans un bâtiment de 750 m² construit par les Américains en 1952 et rénovée il y a une dizaine d’année présente des milliers d’objets répartis sur une dizaine de salles soigneusement aménagées évoquant les différents occupants du site : une salle de conservation des drapeaux, des uniformes d’aviateurs, des salles consacrées au 517e Régiment du Train et bien évidemment des salles relatant la présence des Américains (plus de 10 000 entre 1952 et 1967). Nous nous attardons évidemment dans ces dernières salles où sont entreposés dans des vitrines un nombre important d’objets utilisés durant cette période. De nombreuses photos et articles de presse relatent la construction des pistes et bâtiments durant la période OTAN, la vie des Américains ou encore des maquettes des lotissements de Brassioux nous permettent de remettre en perspective notre visite du matin.

Maquette du site de La Martinerie

Maquette (partielle) du village de Brassioux
Enfin, nous découvrons dans une salle récemment aménagée une vitrine un peu particulière…. dont nous allons bientôt en comprendre l’histoire…

Les fragments de l’avion d’Yves du Manoir
10. Châteauroux – la Martinerie : Cérémonie de remise des fragments de l’avion d’Yves du Manoir remis à la maison de la mémoire militaire
Ce n’était probablement pas planifié mais nous avons pu naturellement participer à un évènement local original qui consistait en la remise officielle des restes (très partiels) de l’avion d’Yves du Manoir tombé à l’entrainement le 2 janvier (à 23 ans) aux commandes de son avion à Reuilly dans l’Indre. Cette cérémonie était présidée par Monsieur Gil Avérous, Maire de Câteauroux et président de Châteauroux Métropole. Ces vestiges étaient confiés par Monsieur Jean-François Reille descendant des propriétaires de la maison où des débris étaient tombés.
Didier nous explique les circonstances de la mort d’Yves du Manoir :
Le 2 janvier 1928, un brouillard épais recouvre la commune de Reuilly et ses alentours. Vers 10h50 le bruit d’un moteur de Caudron commence à se faire entendre des habitants de Reuilly. Tout à coup le bruit de moteur est remplacé par un bruit de bois cassé, puis plus rien. Yves du Manoir, vient de se tuer en effectuant un exercice de vol sur le triangle Avord-Romorantin-Châteauroux. Ce grand sportif capitaine du quinze de France a percuté une ligne de hauts peupliers près du chemin de la Valterie en tentant de lire, dans l’épais brouillard, le nom qui figurait sur la façade de la gare de Reuilly.
Sur le lieu de la chute se trouve une stèle que fit élever sa mère Mme du Manoir. Elle représente l’empennage vertical d’un avion et porte gravée l’inscription suivante : “Yves, Frantz, Loys Le Pelley du Manoir, ancien élève de l’école polytechnique, sous-lieutenant aviateur est tombé ici en service commandé à l’âge de vingt-trois ans, le 2 janvier 1928, chevalier de la Légion d’honneur. Union de Prière ” (transcription D. Dubant). Sur la stèle un portrait de profil est signé « 1930 Jean Puiforcat » qui était un orfèvre reconnu (1897-1945) et qui est également l’auteur de la statue d’Yves du Manoir élevée au Stade Olympique de Colombes (Hauts-de-Seine) qui fut dénommé Stade olympique Yves-du-Manoir de 1928 à 2002, puis Stade départemental Yves du Manoir depuis 2002 et où se déroulèrent les Jeux Olympique d’été de 1924.
La coupe de France de rugby porta le nom de « Challenge Yves du Manoir « de 1932 à 2000.

Discours de Jean-François Reille, dont les grands-parents avaient été témoins du crash, à l’occasion de la signature de la convention de remise officielle à la Maison départementale de la mémoire militaire des fragments de l’avion d’Yves du Manoir Photo : JM Borde

Parmi les présents lors de la remise des fragments de l’avion d’Yves du Manoir, de droite à gauche : Jean-Jacques Bérenguier, Jean-François Reille, la Sénatrice de l’Indre Nadine Bellurot et le Maire et président de Châteauroux Métropole, Gil Avérous. Photo : JM Borde
Articles de presse :
11. Retour le dimanche matin à l’aéroport pour voir atterrir un Antonov 124
Et enfin pour les plus motivés, le lendemain matin à 8h45, nous avons pu assister à l’atterrissage d’un AN124 qui est venu se stationner juste devant la nouvelle tour de contrôle haute de près de 42 m au podium.
Et promis, nous garderons secret la nature du chargement 😉
Remerciements
Merci tout particulièrement à :
- Didier Dubant, membre 2A local, spécialiste de l’histoire aéronautique de l’Indre, auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire de cette belle région, pour nous avoir préparé un programme aussi riche accompagnés de nombreuses explications
- Henry-Pierre Marquis, membre du Conseil d’Administration de 2A pour l’organisation logistique et le lien avec les membres
- à nos membres 2A qui ont fait le déplacement pour l’occasion, parfois de très loin !