La Seconde Guerre mondiale sur l’aérodrome de Satolas

Le 15 mai 1938, au cours de la séance extraordinaire du Conseil municipal de la commune de Satolas et Bonce, Monsieur le Maire donne lecture de la lettre du Chef du Génie de Lyon-Air en date du 9 mai. Il envisage la réalisation de travaux urgents nécessitant l’acquisition d’intérêt public pour l’Etat de terrains dont la commune est propriétaire au lieu-dit ‘Planaise’. Ceux-ci figurent à la matrice cadastrale sous le numéro 42 de la section F pour une contenance de 72 hectares 83 ares et 50 centiares. Le Conseil municipal autorise Monsieur le Maire à signer la promesse de vente.

Le 6 juillet 1938, l’Administration obtient des 28 locataires des lots communaux de ‘Planaise’ la signature de l’autorisation d’occupation de 55 hectares et 12 ares moyennant une indemnité totale de 20.700 francs. Un seul locataire, Monsieur Morat, dont les lots sont d’un seul tenant, reste à exproprier.

C’est par un courrier, en date du 6 juillet 1938, émanant de la Direction générale des Contributions directes de Vienne et adressée Monsieur le Commandant Vincent, chef du Génie de l’Air de la 4ème Région aérienne à Lyon, qu’apparaît pour la première fois le terme de ‘terrain de Satolas’. La prise de possession des terrains est effective à compter du 18 août 1938.

Dès l’automne 1938, des travaux de terrassement sont entrepris : arrachages d’arbres et de haies, comblement de fossés, nivellement, etc… Ils sont confiés à l’entreprise de travaux publics Maïa et fils de Lyon, qui utilisent d’énormes engins de travaux publics, nouveau à l’époque, des tracteurs à chenilles de marque Caterpillar. Une bande gazonnée d’envol de 1.000 mètres est aménagée, approximativement orientée nord/sud, à une altitude de 250 mètres.

Le 7 novembre 1938, l’acte de vente des terrains est présenté par le Chef de bataillon Vincent du service du Génie de Lyon-Air à Monsieur Joseph André, Maire de Satolas et Bonce. L’acte administratif est enregistré à Grenoble, le 10 mars 1939. Les terrains sont vendus pour la somme de 229.872 francs, soit 3.200 francs l’hectare. Cette somme servira ultérieurement à la commune de Satolas et Bonce à se libérer de ses dépenses de travaux pour l’adduction d’eau.

Au printemps 1939, les travaux d’aménagement se poursuivent : la société Aster procède à l’aménagement dans des fouilles de 3 soutes à essence d’une contenance de 10.000 litres chacune ; la société S-Estiot et Cie de Dijon procède, au sud du terrain, au montage d’un hangar métallique pour avions du type Standard 3 D de 20 par 30 mètres (toujours en place en 2020); des travaux d’élargissement et de mise en état des chemins vicinaux.

A la déclaration de l’état de guerre, le 3 septembre 1939, le terrain d’aviation de Satolas est assigné comme terrain de desserrement au Groupe Aérien Régional de Chasse 562 (GARC 562) stationné à Bron, qui deviendra Groupe de chasse III/9 (GC III/9) en janvier 1940. Ce n’est que le 5 février 1940, que le lieutenant Cottaz, Commandant la Compagnie de l’Air 123/105 stationnée sur le terrain du Bourget du Lac effectue une liaison en vue afin d’aménager le terrain de Satolas pour accueillir des unités aériennes.

Le 7 février 1940, le Commandant Viguier, commandant du GC III/9 se rend sur le terrain de Satolas afin d’étudier l’organisation des cantonnements de son unité et de la Compagnie de l’Air 121/105. Un cantonnement convenable, qui est trouvé à Colombier, sera occupé par la Compagnie de l’Air le 15 février.

Au printemps 1940, l’implantation de baraques de type ‘Adrian’ se poursuit sur le terrain d’aviation à proximité du hangar à avions.

Le 10 mai 1940, après le bombardement de la base aérienne de Bron, au petit matin, le GC III/9 fait mouvement vers le terrain d’aviation de Satolas, vers 14 heures. Son potentiel en avions est de 8 Bloch 151 et de 8 Dewoitine 501, puis porté à 19 Bloch 152.

Les journées du 1er et 2 juin 1940 sont particulièrement mouvementées pour les pilotes du GC III/9. Ils décollent pour affronter les formations massives d’avions allemands qui viennent mitrailler et bombarder la région lyonnaise. Deux victoires aériennes à leur actif.

Les fermiers du voisinage du terrain ne sont pas habitués aux mouvements des appareils sur le terrain d’aviation. Le 11 juin 1940, une fermière s’engage avec son tracteur attelé d’une remorque de foin au moment précis où un appareil se présente pour atterrir. La fermière est tuée nette, le pilote est indemne.

Le 17 juin 1940, devant l’avancée des troupes allemandes, le GC III/9 reçoit l’ordre de desserrer sur le terrain de Vinon (Alpes de Haute-Provence). Un petit détachement est laissé sur le terrain pour procéder aux destructions d’usage. Toutefois, rien n’est prévu pour la destruction des citernes à essence qui contiennent 30.000 litres d’essence (il est dit, dans le voisinage de cette époque, que le siphonnage fonctionnait en libre-service, et que le caissier n’adressa sa facture qu’après la guerre).

En octobre 1940, l’Etat procède aux démontages de la plupart des baraques ‘Adrian’.

En décembre 1940, avec le début des restrictions alimentaires et suivant une disposition de l’administration relative à l’organisation de cultures légumineuses aux abords des grandes agglomérations, le terrain d’aviation de Satolas est mis à la disposition de l’entreprise de travaux publics Chemin qui le cède au comité social de l’entreprise de travaux publics Maïa. Monsieur Joseph Buisson, salarié de Maïa, est le fermier de ce ‘domaine’.: le hangar à avions est transformé en écuries à bovins et chevaux; des pièces habitables sont aménagées dans l’appentis du hangar; un puits de 48 mètres de profondeur est creusé, une pompe alimentée par un moteur à gazogène pompe l’eau.

Au cours de l‘été 1942, ce ‘domaine’ est sous-loué au comité social de la société Bronzavia, société qui participe à la construction aéronautique, et met les terres en cultures fourragères.

Au cours de l’occupation allemande, en 1943, des militaires allemands ont présenté au maire de Colombier-Saugnieu un plan prévoyant la création d’une piste de liaison entre l’aérodrome de Bron et celui de Satolas, ainsi que l‘extension vers le nord de ce dernier. Des hommes de la localité sont requis pour couper les arbres et les haies, des travaux de nivellement sont confiés à l’entreprise Maïa. Seule la rapidité des événements a changé le cours des choses.

Dès les premiers jours de septembre 1944, à la Libération, le génie de l’armée américaine aménage une bande d’envol en terre battue d’environ 1300 mètres de long sur 50 mètres de large, orientée nord/sud. Pour cela, il fallut réquisitionner quelques terres au nord et au sud du terrain d’aviation. Bien que nivelé grossièrement, le terrain labouré à plusieurs repris au cours des années d’occupation ‘ressemble plus à un champ de pommes de terre qu’à un terrain d’aviation’ (témoignage d’un pilote français à l’époque). L’aérodrome de Satolas a pour code opérationnel ‘Y24’.

Le samedi 9 septembre 1944, l’escadrille de reconnaissance 02/33 ‘Savoie’ équipée de huit Spitfires V arrive sur l’aérodrome de Satolas venant de Montélimar-Ancône (Drôme). Un détachement tactique de deux Lightning P 38 de l’autre escadrille du groupe 2/33 est également affecté sur ce terrain. Le Tactical Reconnaissance Squadron 225 de la Royl Air Force équipé de Spitfire V et IX rejoint également le terrain. Un détachement d’appareils américains, des P 38 Lightning du 23rd Photo Reconnaissance Squadron et des P 51 Mustang du 111st Tactical Reconnaissance Squadron séjourneront du 7 au 23 septembre. Les appareils, une dizaine par escadrilles, sont dispersés autour du terrain, principalement dans les futaies au sud-est du terrain. A Saugnieu, autour de l’église sont installés les camions et remorques du squadron anglais. Ces véhicules sont équipés en laboratoire photographiques. C’est là que des spécialistes développent et interprètent les films pris par les caméras qui équipent les appareils lors des reconnaissances. A l’époque, une jeune femme de Saugnieu ne s’est-elle pas éprise d’un aviateur anglais ? Le 22 septembre, les unités françaises font mouvement vers Dijon-Longvic, le squadron 225 vers Salon de Provence.

Le 4 décembre 1944, le Groupe 1/35 Aviation des Alpes fait mouvement de Bron vers le terrain de Satolas. Les appareils du groupe: trois Morane 500 et quelques appareils de tourisme réquisitionnés de marque Caudron ou Potez sont abrités dans le hangar du terrain. Ultérieurement, ils sont rejoints par des Douglas A 24. La plupart du temps, ces appareils opèrent leurs missions depuis les terrains d’aviation de Passy-Le Fayet (Haute-Savoie), de Gap-Tallard (Hautes-Alpes) ou de Grenoble-Eybens (Isère). Les personnels et l’Etat-Major de cette unité s’installent à Saint Laurent de Mure.

Le 28 février 1945, à la suite d’incidents techniques au cours de son décollage de l’aéroport de Bron, le B 26 Marauders n°32 du Groupe de bombardement moyen ‘Bretagne’ s’écrase en bordure de la localité de Saugnieu. Deux membres d’équipage trouvent la mort. Sur le lieu de l’accident, une stèle honore leur mémoire

https://www.aerosteles.net/stelefr-colombier-marauder

Le 8 mai 1945, l’Armistice met fin à la Seconde Guerre mondiale sur le front européen.

 (C) Cercle Aéronautique Louis Mouillard – Paul Mathevet 07/2022