Des avions de légende anglais en escale sur l’aéroport de Lyon-Bron

23 mai 1917: le Handley Page 0/100 n°3124 se pose à Bron.

Au cours de la Première Guerre mondiale, l’aviation britannique mit au point un bombardier à long rayon d’action pour effectuer des missions sur des objectifs éloignés. C’est ainsi que la firme Handley Page construisit un type d’appareil géant dénommé 0/100 qui intervint sur le front français.

En 1917, l’utilisation de ce type d’appareil à long rayon d’action (onze heures de vol en croisière) fut envisagée sur le front des Dardanelles, en mer Égée. Le Handley Page 0/100 n°3124 fut transféré des usines de Cricklewood, près de Hendon, à la base de Manston. Dans le plus grand secret, l’appareil fut aménagé avec des hamacs pour le confort de l’équipage et avec des équipements de restauration pour la durée du trajet. Des pièces de rechange furent chargées, y compris les pièces d’un moteur Rolls-Royce Eagle IV et une hélice à quatre pales attachées sur le dessus du fuselage. L’équipage choisi était composé du Commandant K.S. Savory DSO, pilote, du Flight Lieutenant H. McClelland, 2ème pilote, du Lieutenant P.T. Rawlings, RNVR(1), navigateur, de  l’Ingénieur J.L. Adams, ingénieur d’essais et du Leading Mechanic B. Cromack, mécanicien navigant. Cet équipage avait pour mission d’attaquer deux navires de guerre allemands (le croiseur de bataille Goeben et le croiseur léger Breslau) mouillés dans la baie de Stenia, près de Constantinople (Istanbul). Ces deux navires menaçaient dangereusement le trafic maritime allié en Méditerranée.

 

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Handley Page 0/100

 

 

Le 22 mai 1917, l’appareil décollait de Manston à 10 h 30 et se posait sur le terrain de Villacoublay, trois heures et demie plus tard. Le 23 mai, le bombardier Handley Page se posait à Bron où il y demeura une journée, car les conditions météo étaient très défavorables sur le sud de la France. Après une escale à Fréjus, l’appareil atteint Pise, le 29 mai, puis Rome et Naples dans le brouillard. L’arrivée du Handley Page dans cette ville est publiée dans les journaux italiens, et la nouvelle est reprise par la presse britannique. Les services de renseignement allemands sont ainsi informés, mais la destination finale de l’appareil n’est pas mentionnée. Le 3 juin, le détroit d’Otrante sur l’Adriatique est franchi. Sur un terrain d’aviation anglais en Albanie, l’appareil est déchargé d’une partie des pièces de rechange afin de lui permettre de franchir les montagnes des Balkans. Le terrain d’aviation de Thessalonique en Grèce est atteint le 7 juin 1917, après un total de 55 heures de vol effectif, puis celui de Marsh, sur l’île de Lemnos, dans la mer Égée, est atteint le lendemain. Après trois vaines tentatives de bombardement des navires allemands, le 9 juillet 1917, le Handley Page bombarde les navires et sous-marins allemands au mouillage. Un navire est coulé et un autre endommagé, mais les deux croiseurs sont intacts. Après cet échec, l’appareil fut utilisé pour le bombardement de cibles au sol. L’utilisation de l’avion posait de graves problèmes dus à la fréquence d’éclatement des énormes pneus qui supportaient le poids important de l’appareil à pleine charge sur la surface caillouteuse de l’aérodrome et au manque de pièces de rechange.

Le 30 septembre 1917, lors d’une mission de bombardement, l’appareil qui connaît des ennuis de moteur est contraint de se poser sur l’eau. Pendant trois heures, le Handley Page 0/100 n°3124 reste en surface sur la mer Égée avant de couler. Les trois membres d’équipage sont faits prisonniers par les soldats turcs.

 

12 novembre 1919 : arrivée du Vickers Vimy, immatriculé G-EAOU, à Lyon-Bron.

En juin 1919, le Capitaine John Alcock et le Lieutenant Arthur Whitten-Brown réalisèrent, à bord d’un Vickers Vimy FB 27, un vol sans escale de 3300 kilomètres sur l’Atlantique nord entre Saint-Jean de Terre-Neuve au Canada et Clifden en Irlande du Nord.

En mars 1919, le gouvernement australien proposa un prix de 10000 Livres (1 million de dollars de 2015) à l’équipage australien qui réussira à voler de l’Angleterre vers l’Australie, soit 11000 miles. Six équipages participeront à ce raid connu sous le nom de ‘Great Trans-Planet Air Race’. Le Capitaine Ross Smith, pilote, et son frère Heith MacPherson Smith, co-pilote, et les deux mécaniciens, Jim Bennett et Wally Shiers qui occupent les postes de mitrailleurs avant et arrière, composent l’équipage du Vickers Vimy FB 27, immatriculé G-EAOU, n° de série F 8630.  Le Capitaine Ross Smith, en plaisantant, déclaraient que les lettres de cet indicatif signifiaient ‘God ‘Elp All Of Us’, soit ‘Que Dieu nous vienne en aide’.

 

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Vickers Vimy FB 27

 

L’appareil fut construit dans l’usine Vickers à Brooklands. Le 12 novembre 1919, le G-EAOU décolle de l’aérodrome de Hounslow, dans l’ouest de Londres, et arrive à Lyon-Bron après un trajet sous la neige et dans le froid, en moins de 6 heures. À chaque étape, le G-EAOU connaît des difficultés : à Pise, l’appareil s’enlise sur le terrain, puis prend la direction de Tarente. Au Caire, après une traversée de la Méditerranée en toute sécurité, une fissure apparaît dans les tuyaux d’eau de refroidissement; poursuite du vol vers Damas et Ramadi. À Bassorah, en Irak, des réparations importantes sont effectuées, puis direction Bandar Abbas, Karachi, Delhi, Allahabad et Calcutta. Si la traversée de l’Inde se passe sans problème, à l’arrivée en Thaïlande, l’appareil faillit connaître la catastrophe sur une piste récemment construite et recouverte de souches d’arbres. À son arrivée à Java, lors de l’escale à Surabaya, le G-EAOU qui s’enlise dans la boue est sauvé grâce au dévouement de riverains du terrain. Le 10 décembre 1919, l’Australie est atteinte et le Capitaine Ross Smith pose son appareil sur le terrain de Fannie Bay, près de Darwin ; celui-ci et son frère reçoivent le titre de chevalier (‘Knighthood’) et sont anoblis. Le vol a duré un peu moins de 28 jours, 135 heures et 55 minutes, et le parcours a été de 11130 miles (17910 km) de l’aérodrome d’Hounslow jusqu’à Darwin en Australie.

Le Vickers Vimy G-EAOU est aujourd’hui préservé sur le site de l’aéroport d’Adélaïde en Australie.

 

12 septembre 1994 : le Vickers Vimy, immatriculé G-EAOU, fait escale à Lyon-Bron.

En 1969, une réplique du Vickers Vimy FB 27, immatriculé G-EAOU, fut réalisée par l’Aircraft Association Vintage Flying, association locale de Brooklands, localité où se situait l’usine Vickers. Cette réplique est actuellement exposée au Musée de la Royal Air Force à Hendon.

En 1994, une deuxième réplique du Vimy, pouvant voler, et dénommée ‘Shell Spirit of Brooklands’ fut construite aux USA par l’Australien Lang Kidby et l’Américain Peter McMillan. Après plusieurs mois de tests et d’essais, l’équipage est prêt. Il se compose de Peter McMillan et Lang Kidby, pilotes, qui sont accompagnés par Jim Stanfield, photographe du National Geographic, et Dan Nelson, ingénieur d’essais.

L’équipage a prévu de suivre au plus près le parcours réalisé en 1919.

 

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Le Vickers Vimy et le Concorde sur le tarmac de Farnborough lors de l’Air Show du 11 septembre 1994.

 

L’appareil décolle, le dimanche 11 septembre 1994, lors du Farnborough Air Show en Angleterre, puis fait escale sur l’aéroport de Lyon-Bron, le lundi 12 septembre. Pise, en Italie, est atteinte en plein ouragan ; le vol se poursuit vers la Crète avant de traverser la Méditerranée et d’atteindre l’Égypte sous une très forte chaleur. Le parcours initial est modifié : la Syrie, l’Irak et l’Iran sont évités, mais, en revanche, l’Arabie saoudite et Bahreïn sont survolés avant d’atteindre Karachi au Pakistan. Des conflits frontaliers ne permettent pas de pénétrer en Inde; la Birmanie (Myanmar) refuse son survol en raison d’une épidémie de peste en Inde… ! Néanmoins, son survol est réalisé sous silence radio avant d’atteindre Bangkok en Thaïlande. Au-dessus de la Malaisie, des problèmes de vibrations au moteur droit obligent l’appareil à se poser et à subir une révision sérieuse. Sur l’île de Sumatra, la fumée dense des brûlis oblige l’appareil à voler au ras du sommet de la jungle, puis le moteur droit s’arrête. Le Vimy incapable de voler sur un seul moteur se pose dans un champ de riz, à quelques centaines de miles de l’endroit où son ancêtre de 1919 avait coulé dans un champ de boue. L’équipage qui voyait la fin de son rêve, organisa avec les locaux l’aménagement d’une piste d’envol, l’armée australienne leur faisant parvenir par avion des pièces de rechange.

Six jours plus tard, le Vimy s’envolait à nouveau pour l’Australie. Les derniers miles furent difficiles à parcourir : vols au-dessus de grandes étendues d’eau, vents contraires et turbulences persistantes. Après avoir survolé la mer de Timor, Lang aux commandes atterrit à Darwin, le 22 octobre 1994. Aucun prix en espèces sonnantes et trébuchantes n’attendait l’équipage, mais ils étaient ravis d’avoir réalisé leur rêve.

Deux mois plus tard, le Vimy sera détruit lors d’un atterrissage forcé en Indonésie.

 

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Vickers Vimy G-EAOU à Bron le 12 septembre 1994.

 

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Vickers Vimy (sept. 1994).

 

13 octobre 2018 : l’ULM Eurofox, immatriculé G-GBNZ, atterrit à Lyon-Bron.

En 2018, la Royal Air Force a fêté son Centenaire.

Des commémorations se sont déroulées tout au long de l’année. À l’automne 2018, dans le cadre de ce Centenaire, le Wing Commander Christopher Pote envisage de réaliser un vol depuis la Grande-Bretagne vers la Nouvelle-Zélande à bord de l’ULM Eurofox, immatriculé G-GBNZ, (Grande-Bretagne Nouvelle-Zélande).

Cette expédition est préparée par une équipe de six personnes fortes de leur expérience de pilote, de navigateur, de météorologiste et d’universitaire : Wg. Cdr. Kevin Gatland, navigateur sur Tornado; Wg. Cdr. Em Rickards, pilote sur Typhoon; Sqn. Ldr. Emma Landy, pilote de Sea King; Rachel Nugent, Met Office Meteorologist; Off. Cdt. Abby McGill, Yorkshire University Air Squadron ; First Officer Joe Devine, ancien pilote sur Tornado et actuellement pilote chez British Airways ; David Landy, ancien pilote testeur sur Tornado de qui dépendent les certifications du vol.

L’ULM Eurofox est un développement du Kitfox d’origine, construit depuis 1990 par Aeropro, entreprise slovaque, dans son usine de Nitra. Cet ULM, à ailes hautes et à train classique, immatriculé G-GBNZ, a été construit par cette dernière. Il y a eu lieu de transformer un avion de sport à décollage et atterrissage courts, qui a fait ses preuves, en un voyageur du monde qui aura à survoler pendant de longues heures les mers et des zones de jungle équatoriale. Pour cela, il a fallu doubler la capacité du carburant emporté (166 litres permettant un vol de 15 heures). L’appareil est doté d’une avionique avec écran multifonctions, d’un indicateur d’altitude, d’un équipement au vol IFR, d’un parachute de récupération balistique, etc… Les couleurs du fuselage font référence au patriotique rouge, blanc et bleu de la RAF.

 

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ULM Eurofox, immatriculé G-GBNZ, sur le tarmac de l’aéroport de Lyon-Bron.

 

L’expédition de la RAF entre la Grande-Bretagne et la Nouvelle-Zélande a pour objectif de visiter un grand nombre d’anciens sites importants de la RAF sur un itinéraire de 17000 km le long du chemin tracé par les pionniers des pistes aéronautiques des années 20 et 30. Pour commémorer des dates importantes de l’histoire, des sites seront visités.

Pour sa première étape, l’Eurofox décollera, le samedi 13 octobre 2018, de la base RAF d’East Kirkby (Lincolnshire) dans le nord-est de l’Angleterre, puis se posera sur la base RAF de Tempsford (Bedfordshire), au nord de Londres, où étaient basés les Lysander, enfin sur celle de Tangmere (West Sussex), dans le sud-ouest de l’Angleterre, près de la côte sur la Manche, pour faire le plein d’essence. Cette base était le lieu secret où étaient regroupés les agents des opérations clandestines avant leur embarquement sur les Lysander. Il traversera la Manche puis longera les côtes de France vers Cabourg en hommage au débarquement du 6 juin 1944, avant de rejoindre la Vallée de la Loire. De là, il suivra la Vallée de la Saône et la Plaine de l’Ain afin de survoler les terrains d’atterrissages clandestins de la Seconde Guerre mondiale. Le Wing Cdr. Pote aurait souhaité faire un posé sur l’un de ces terrains, mais ce n’est pas réalisable de nos jours. Dans son approche de l’aéroport de Lyon-Bron, il survolera à basse altitude le Mémorial de Saint-Vulbas (Ain) dédié aux ‘Passeurs du Clair de Lune’, nom donné aux équipages des squadrons 138 et 161 de la RAF qui participèrent aux missions clandestines. L’appareil se posera sur l’aéroport de Bron, Terminal Aviation d’Affaires, le samedi 13 octobre 2018, aux environs de 18 heures. Ce n’est que le mardi 16 octobre, après beaucoup d’attente, de planification… et de replanification, qu’il y eut enfin une pause dans la météo ! Christopher Pote, pilote, et Rachel Nugent, copilote, ont décollé dans la matinée, à bord de l’ULM Eurofox, de l’aéro-club de la base RAF de Boscombe Down, située près de la ville d’Amsbury dans le comté de Wiltshire, au sud-ouest de l’Angleterre. Vers 14 heures, l’appareil survolait Salisbury sans un nuage en vue avant de franchir le Channel. Mais toujours un fort vent turbulent avant d’atteindre l’aérodrome de Lyon-Bron dans la soirée.

 

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       Wg. Cdr. C. POTE et Rachel NUGENT, Meteorologist, à l’aérodrome de Lyon-Bron.

 

Le 5 décembre au matin, à bord de l’Eurofox, ils décollent pour le grand saut entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande : montée à 10000 pieds, survol de l’océan pendant 7 heures, hors de portée des liaisons radio; les seules liaisons radio ont été relayées par des avions de ligne à proximité. Puis, les collines du cap Reinga, à l’extrémité nord-ouest de l’Île du Nord en Nouvelle-Zélande. Une heure plus tard, avec un vent de 30 kt, atterrissage sur Auckland International Airport. À l’arrivée, arrosage de l’appareil par les pompiers de l’aérodrome et le traditionnel Haka.

 

(1) RNVR : Royal Navy Volunteer Reserve.

 

 Paul Mathevet © CALM 01/2022