Hydrobase de la Charité-sur-Loire

Appelée aussi « L’Escale » – Août 1930

Jean-Luc Charles et Jérôme Grosse – Membres 2A

Pascal Parpaite – Mémoire de l’Hydraviation

Géo Dazner http://geodazner.blogspot.com/2016/06/escale-1929.html

"/

 

L’histoire de ce dossier et la mise en valeur de ce trésor

Juste avant le passage à l’an 2000, un descendant de René Crozet apporte ce dossier volumineux dans le centre Onera de Meudon-la-Forêt. « Faites-en bon usage » dit-il avant de partir sans laisser d’adresse, hélas. Il n’est pas dans les missions de l’Onera d’exploiter ce volumineux dossier mais il a néanmoins été conservé précieusement durant des années avant d’être confié à l’association Anciens Aérodromes pour valorisation.

–oOo–

Les carnets de René Crozet et leurs trésors

Sur les milliers de pages des 45 carnets de notes de René Crozet, nous avons découvert un petit fascicule de 4 pages qui, en fait, est un programme de « Fêtes aéronautique et nautique » de La Charité-sur-Loire datant d’août 1929. Ce n’est pas tout car, toujours dans le même carnet, sont décrits les 4 jours de visite de notre globe-trotteur en 1930.

René Crozet, durant ce mois d’août 1930, réalise, comme il l’explique lui-même, une tournée cyclo-archéologique dans le Cher.

"/

Carnet de René Crozet n°22, page 63.

Arrivée à La Charité-sur-Loire, le mercredi 13 août 1930, à l’Escale d’hydravions. Vous pouvez apprécier, en quelques lignes, la précision quant à la localisation du site, la description des infrastructures et la mention de l’immatriculation de l’hydravion Schreck F.B.A.17 visible sur la plage. (F-AJNG F.B.A.17 HT4 n°192 de la C.A.F.). A noter aussi la présence d’un hangar Bessonneau vert.

"/

(Coll. René Crozet).

Revenons au  programme de 1929 qui est, du reste, bien intéressant. En effet, il présente sur la première page le meeting et ses animations et, sur la seconde, quelques détails comme la fête de nuit sur la Loire, le concert ou la fête foraine pour finir par le règlement du rallye aérien.

Sur le site géré par Géo Dazner http://geodazner.blogspot.com/2016/06/escale-1929.html, vous trouverez la belle affiche du meeting de 1929. Pascal Parpaite, dont nous parlerons ci-dessous, disposait aussi, de son côté, de cette affiche.

"/

(Coll. P. Parpaite).

En page 3, le développement de l’activité hydravion depuis 1925. Comme cela ressemble à un historique de la plateforme, nous l’avons transcrit ci-dessous :

« La vie de l’Escale »

Nous avons relevé sur le Livre d’Or de l’Escale d’hydravions les visites marquantes dont l’énumération suit :

 12 août 1925 : Hydravion C.A.M.S., bimoteurs HISPANO 300 C.V. Pilote : M. Maurice HUREL.

 6 février 1927 : Hydravion SCHRECK F.B.A.23 F-AIFF, moteur JUPITER 400 C.V. Pilote : M. Noguès (de retour d’Athènes).

 18 novembre 1927 : Hydravion SCHRECK F.B.A.17, moteur HISPANO 180 C.V. Pilote : M. PETIT,

                                  Hydravion SCHRECK F.B.A.17, moteur HISPANO 180 C.V. Pilote : M. CURY.

 20 mai 1928 : Fête d’inauguration de l’Escale, sous la présidence de M. JOUX, délégué du Ministre du Commerce, du Colonel CHEUTIN, délégué du Ministre de la Guerre et du Lieutenant de vaisseau PECQUEUR, délégué du Ministre de la Marine.

                                 Hydravion C.A.M.S. Pilote : Lieutenant de vaisseau PECQUEUR.

                                Hydravion C.A.M.S. Pilote : Lieutenant de vaisseau PESCHER.

                                Hydravion SCHRECK F.B.A.17 Pilote : M. Emile PAUMIER (ingénieur et concepteur des hydravions F.B.A.).

                               Escadrille d’acrobatie de trois avions MORANE.

9 juillet 1928 : Trois hydravions LATHAM, bimoteurs 750 C.V. 1ère section de l’escadrille 3E1, sous le commandement du Commandant GIZARD.

(Note manuscrite de René Crozet : s’est trompé a amerri en amont du pont – difficile.).

10 juillet 1928 : Trois hydravions LATHAM, bimoteurs 750 C.V. 2ème section de l’escadrille 3E1, sous le commandement de l’Enseigne de vaisseau PERRET.

11 juillet 1928 : Hydravion SCHRECK F.B.A.17 Pilote : Quartier-maître MONTAGNE.

31 août 1928 : Deux hydravions MOTH 80 C.V. Pilotes : BŒUF CARLO, président de l’Aéro-Club de Gênes, et X(Touriste).

18 septembre 1928 : Hydravion SCHRECK F.B.A.17, moteur HISPANO 180 C.V. Pilote : M. LESCURE (pilote d’essais chez FBA).

30 septembre 1928 : Hydravion SCHRECK F.B.A.17, moteur HISPANO 180 C.V. Pilote : M. PUJOS.

21 novembre 1928 : Hydravion SCHRECK F.B.A.17, moteur HISPANO 180 C.V. Pilote : M. COSTA.

19 mars 1929 : Hydravion SCHRECK F.B.A.17, moteur HISPANO 180 C.V. Pilote : M. BECHELER.

7 juin 1929 : Hydravion C.A.M.S., bimoteurs HISPANO 500 C.V. Pilote : M. PICHODOU et trois passagers.

14 juin 1929 : Hydravion SCHRECK F.B.A.17, moteur HISPANO 180 C.V. Pilote : M. LESCURE.

9 juillet 1929 : Hydravion SCHRECK F.B.A.17, moteur HISPANO 180 C.V. Pilote : M. LESCURE.

22 juillet 1929 : Hydravion SCHRECK F.B.A.17, moteur HISPANO 180 C.V. Pilote : M. VALLIN.

"/

En page 4, deux photos de la manifestation d’inauguration du 20 mai 1928.

L’image du haut (collection René Crozet) est de mauvaise qualité mais on peut la remplacer par celle qui est sur le site, déjà cité, de Géo Dazner http://geodazner.blogspot.com/2016/06/escale-1929.html.

"/

(Coll. Dazner).

Pascal Parpaite, membre de l’association « Mémoire de l’Hydraviation »  http://memoireshydraviation.over-blog.com/, que nous remercions vivement, nous donne les noms de ces trois hydravions photographiés lors de l’inauguration de l’hydrobase en 1928.

« Au premier plan : F.B.A.17 HMT2 n°56 F-AIPY appartenant à Henri Lumière.  (Hydravion mixte de tourisme biplace, version amphibie du HT2) ; au milieu et à l’arrière-plan deux CAMS 37 ».

 

Revenons au texte de René Crozet :

Mercredi 13 août 1930 : René Crozet dépose son vélo à son hôtel et revient au pont pour assister au décollage d’un hydravion Schreck qui s’était placé dans le sens du courant, a décollé aisément, a obliqué à gauche puis fait deux cercles serrés sur la ville avant d’amerrir avec une extrême légèreté.

Jeudi 14 août 1930 : Temps épouvantable le matin. René Crozet en profite pour faire connaissance avec les dirigeants du comité de l’Escale d’hydravions, Messieurs J.-M. Guyat (ou Guyot) et G. Clayeux. Il apprend que des vols de propagande sont assurés par deux Schreck F.B.A. de la Compagnie Aérienne Française* qui sont remisés dans le hangar Bessonneau. Le pilote se nomme Cury.

Vers 13h30, de la cour de l’hôtel, il voit passer une limousine Breguet 28-T bleue qui passe à faible allure. Juste après avoir couru sur le quai, il voit cet avion décrire des cercles sur la prairie de la rive gauche puis s’en va. Le vent n’a pas faibli durant l’après-midi et, vers 18h30, au moment où il attend à l’arrêt de bus sa famille, il voit apparaître un Schreck F.B.A.17 gris qui, après avoir réalisé quelques virages, se pose sur la Loire et gagne la plage. Il s’agit du n° 24 F-AIFA (17 HT2 transformé en HT4 quadriplaces pour la C.A.F.). Il reprend l’air et vire sur la ville.

Vendredi 15 août 1930 – Meeting d’aviation :

René Crozet, comme à son habitude, va écrire 5 pages dans son carnet pour décrire cette journée dite du meeting qui commence par un temps passable. Deux hydravions annoncés ne viendront pas, Pecqueur sur C.A.M.S. et Lumière sur Schreck.

Un Potez 25 militaire, K-663, passe au-dessus de l’hôtel et semble chercher un terrain.

Crozet fait le tour des monuments situés derrière l’église (déformation professionnelle) et redescend par le raidillon des vieux remparts jusqu’au quai de la Loire pour voir une évolution rapide d’un Schreck F.B.A. jaune. C’est le F.B.A.17 HT4 n°124 F-AJHX.

Un avion, cette fois un Hanriot 410 à moteur rotatif fixe, fait quelques démonstrations et disparaît. C’est le F-AJQA qui doit servir aux acrobaties de Romaneschi. Le pilote se nomme Brière. Après le déjeûner, la famille Crozet rejoindra le terrain d’atterrissage de cet avion, en suivant la route de Sancergues. René Crozet rectifiera, dans la suite de son texte, le type de l’appareil en Hanriot type 412 de 1929.

Traversée en barque pour rejoindre la petite île de l’Escale et, après l’arrivée des officiels, le meeting commence, avec du retard comme d’habitude. En fait, il n’y aura pratiquement que deux hydravions qui feront l’animation : le Schreck jaune F.B.A.17 HT4 192 F-AJNG et le gris F-AIFA, tous deux de la C.A.F.

Toujours sur le site géré par Géo Dazner http://geodazner.blogspot.com/2016/06/escale-1929.html, il y a une image d’une qualité extraordinaire que nous vous présentons avec l’autorisation de celui-ci.

"/

Pascal Parpaite nous donne le nom de l’hydravion.

« Au premier plan : un F.B.A. HT4 (hydro tourisme biplace sans double commande par rapport au He2) de la C.A.F. Derrière le public, on devine la dérive du HMT2 ».

Après un passage rapide du Potez 25, les deux Schreck vont faire une sarabande simultanée de décollages, de passages et piqués au-dessus de la ville, d’amerrissages. Lors d’un amerrissage et d’un trajet à flot qui le mène à la berge, le gris vire très sec et l’aile gauche heurte la rive, la coque monte sur le talus et, de ce fait, la queue s’enfonce dans l’eau.

* Note de Pascal : La Compagnie Aérienne Française a été le principal utilisateur civil des F.B.A.17. Elle était spécialisée dans la photo aérienne, les vols touristiques et quelques transports côtiers. Son siège était sur l’aéroport du Bourget. La C.A.F. a exploité une flotte de 21 F.B.A.17 HT4, 1 HT2 et 1 HMT2. Une filiale québécoise a aussi été fondée en 1925/26.

Le succès de ce meeting paraît bien compromis. Tout s’arrête un moment. Mais voici qu’on entend pétarader du côté du Hanriot. J’aperçois l’appareil qui court entre les peupliers et qui monte vers le N.W. … il revient, moteur très ralenti, face au vent. On aperçoit le passager Romaneschi qui sort du fuselage et se tient au montant sur le côté, debout. On a annoncé trapèze aérien etc. Ce sera beaucoup plus bref … Romaneschi se laisse aller et le parachute s’ouvre. »

Après cette description du saut en parachute de la vedette de ce meeting, René Crozet nous décrit les évolutions du Hanriot qui vole en crabe et en canard puis pique vers le banc de sable, remonte en chandelle, lâche un petit parachute (?) et redescend vers son pré … Le parachute de Romaneschi sèche au soleil.

Avant cette fin de journée, petit retour vers le Schreck gris échoué sur la berge. Les avaries sont graves et tout l’avant de la coque est défoncé.

Samedi 16 août 1930 :

René nous donne quelques détails sur ce meeting aéronautico-marin :

« … Le Schreck gris est à sec … Nous apprenons quelques détails sur ce meeting peu réussi. Romaneschi, malade sans doute, n’a pas voulu exécuter les exercices indiqués au programme et on a eu du mal à obtenir qu’il fasse une descente en parachute. Quant au second parachute, il n’était pas prévu au programme.

Le pilote du Hanriot avait exécuté un looping assez prolongé sur le dos (acrobatie qui nous a échappé) quand le parachute du siège de la place du passager, mal fixé sans doute s’est échappé tout seul et s’est ouvert tout seul et s’est ouvert très convenablement. Le pilote Brière a été tout étonné quand on lui a parlé de cette descente dont lui-même ne s’était pas aperçu ».

Seul élément que nous avions dans nos documents, cette belle photo montrant deux hydravions FBA. Au premier plan, le 17 HT4 n°73 F-AIKA de la C.A.F. échoué sur la grève de l’île du pont de la Batte. Le second semble aussi être un HT4.

"/

(Collection Bannwarth Paul via 2A).

Maintenant que nous avons relaté ce meeting de 1930 avec les écrits de René Crozet, il serait plus qu’intéressant de reconnaître le site.

Avec tous les renseignements fournis, nous pouvons situer ce lieu de manifestation sur la carte ci-dessous à l’endroit marqué « Ile du Pont de la Batte ».

"/

Carte actuelle de l’IGN.

En recherchant sur « Remonter le temps » de Géoportail, on peut remonter jusqu’à une photo verticale de 1947 mais rien avant cette date. Cet assemblage de photos ne nous apporte rien pour l’article sur cette hydrobase mais nous pouvons visualiser l’île citée ci-dessus et la reconstruction du pont entre l’île « le Faubourg » et la rive gauche du fleuve qui est dans le Cher (18) alors que La Charité-sur-Loire se trouve dans la Nièvre (58400).

"/

Assemblage de deux images de 1947.

(IGN – Photothèque Nationale).

Après avoir questionné Géo Dazner, nous avons appris que le pont qui est en reconstruction, côté du Cher, se nomme  « Pont du Berry et qu’une passerelle avait été installée durant les travaux de reconstruction. Ce pont avait été détruit en septembre 1944 par l’armée allemande avant sa retraite. » … et « Le hangar et  l’escale des hydravions se trouvaient sur la partie nord de l’île (à peu près dans la zone boisée face à la ville) ».

Nous avions pensé finir cet article sur cette image actuelle de l’IGN, mais…

"/

La Charité-sur-Loire (Photo actuelle de l’IGN)

Pascal Parpaite a mis à notre disposition ce qu’il avait sur cette hydrobase. Vous verrez un peu plus loin quelques photos extraites d’un site de vente et une photo couleur de la ville de La Charité comme si vous étiez sur l’île où les hydravions étaient amarrés.

"/

La-Charité-sur-Loire(Collection Pascal Parpaite).

Mais devinez quoi, dans l’ensemble des photos une carte postale nous montrant la plage et le bâtiment de l’Escale d’hydravion. Magnifique et inespéré.

"/

La plage de l’Escale(Collection Pascal Parpaite).

"/

Beaucoup d’images de cette escale d’hydravions sont en vente sur Delcampe.

La conclusion nous est fournie par Pascal Parpaite qui disposait d’une copie d’un document émanant des magazines « La Philatélie Française » n° 655 de novembre 2013 et n°656 de janvier 2014. Ces articles ont pour titre « L’escale d’hydravions de La Charité-sur-Loire ». Le rédacteur, Robert Sauvagnat, a réalisé un travail de grande qualité certainement grâce à une étude très approfondie d’archives comme « Le Petit Charitois et les Archives de l’Escale d’hydravions ». De plus, il a publié un livre, en 1999, qui a le même titre et qui est répertorié dans Les Annales des pays Nivernais, dépendant des Archives Départementales de l’Yonne (!).

On trouve, dans cet article, une lettre du Service de la Navigation Aérienne qui fait état de cette plateforme. Juste ce dont 2A avait besoin.

  • Département : Nièvre
  • Latitude : 47° 13’ N
  • Longitude : 3° E
  • Plan d’eau sur la Loire immédiatement au nord du pont de La CHARITE. Ce pont traverse une île habitée et est ainsi facile à identifier.
  • Dimensions : 1200 m x 400 m
  • Altitude : 160 m
  • Le plan d’eau est délimité par 4 balises en bois à claire-voie, peintes en blanc et rouge, de 2 m de hauteur sur 3 m de large. 2 de ces balises sont placées sur la berge Est du fleuve ; les 2 autres sur les îlots. 2 bouées d’amarrage sont installées à 80 m en aval de la pointe de l’île du Faubourg.
  • Réparations – Ravitaillement : mécaniciens en ville
  • Essence chez un garagiste à l’île du Faubourg
  • Embarcation plate constamment disponible
  • Obstacles : collines à l’Est, cheminées d’usine à 200 m au N.E.

 

Géo Dazner nous apporte, juste avant la parution de cet article, une photo magnifique du site vu de l’autre rive, côté ville. Vous noterez la disposition de la plage, la présence d’un hydravion au mouillage, le bâtiment de l’Escale et, à l’extrême droite de la photo, l’aile d’un second hydravion. Photo très paisible.

"/

(Coll. Geo Dazner).

 Note de Pascal : « Au mouillage toujours un F.B.A.17 ».

Merci à tous de la part du gérant des dossiers de René Crozet.