Synthèse du colloque Henry Potez – 18 septembre 2020

Organisé par 3AF, Alumni-ONERA et ALTYTUD – IndustriLab à Méaulte par Eric Deletombe, directeur du Rayonnement de l’ONERA en région Hauts-de-France, président du Groupe Régional 3AF Hauts-de-France et de la Commission Technique Structures et Bruno Chanetz, Jean-Pierre Dehondt, Plilippe Morinière, Sébastien Defoort, Stéphane Demilly et Thierry Masse.

 

Discours inaugural de Bruno Chanetz, président du HCS 3AF et d’Alumni-ONERA, membre du comité Arts mécaniques de la SEIN

Monsieur le Député (1), Monsieur le directeur général (2), Mesdames, Messieurs, chers Amis,
C’est avec un grand plaisir que j’ouvre ce colloque en hommage à Henry Potez, dont l’arrière-petit-fils Antoine Potez est présent aujourd’hui en ces lieux même où se trouvaient les usines Potez.
Des trois colloques historico-scientifiques que nous avions prévus en 2020, c’est le seul qui se tient effectivement cette année et à la date initialement prévue. On le doit à l’énergie d’Eric Deletombe et au soutien de Stéphane Demilly, député de la Somme. Avant de laisser la parole à Eric, je voudrais juste vous dire quelques mots sur les trois associations organisatrices de ce colloque.
En commençant par la plus ancienne : la société d’encouragement pour l’industrie nationale fondée sous le consulat, très exactement le 9 brumaire an X. Et pour ceux d’entre vous qui ne seraient pas familier avec le calendrier de notre première République, je traduis : 31 octobre 1801, soit donc 100 ans avant la loi de 1901 qui donnera un cadre aux associations. Cette société, qui fêtera ces 220 années d’existence l’année prochaine, a été créée afin de faire rentrer la France dans la Révolution industrielle. Elle poursuit aujourd’hui son activité au service de l’industrie et de l’innovation technologique.
Autre partenaire de cette manifestation, la 3AF, l’association aéronautique et astronautique de France, créée en 1972. C’est la Société Savante Française de l’Aéronautique et de l’Espace. Elle a pour objet la progression et la promotion des sciences et techniques aérospatiales. Eric Deletombe, directeur du rayonnement de l’ONERA dans les Hauts de France, est également président du groupe régional 3AF.
Encore plus récente est ALUMNI-ONERA, l’association des anciens docteurs de l’ONERA, l’Office national d’études et de recherche aérospatiales. L’ONERA a été créé en 1946. Il y en régime permanent 300 doctorants à l’ONERA et chaque année une centaine de docteurs sont diplômés. 40 % d’entre eux continuent à travailler dans le secteur aéronautique, spatial et défense et 35 % dans l’enseignement et la recherche. Alumni-ONERA a été fondée en 2016 pour conserver un contact avec eux et favoriser les échanges professionnels. Des évènements comme celui d’aujourd’hui en fournissent l’opportunité.
A tous je souhaite une excellente journée.

(1) Stéphane Demilly était encore député de la Somme le 18 septembre. Il a été élu sénateur le 27 septembre 2020

(2) Antoine Potez

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Il ne serait pas raisonnable de commencer cet exercice de synthèse du colloque Henri Potez qui s’est déroulé le 18 septembre 2020 dans les locaux d’IndustriLab, à Méaulte, sans dire quelques mots sur le parcours remarquable de cet illustre capitaine d’industrie, passionné d’aéronautique, en présence de son arrière-petit-fils, Antoine Potez, Directeur Général de Potez Aéronautique à Aire-sur-l’Adour.

Henry Potez est né à Méaulte (département de la Somme) en 1891. Diplômé ingénieur Sup’aéro en 1911, il deviendra un des grands noms de l’industrie aéronautique française, militaire puis civile. Après avoir collaboré avec Marcel Bloch (Marcel Dassault) pendant la Première Guerre mondiale pour développer l’hélice Éclair qui équipera les avions militaires français et alliés, et fondé la Société d’études aéronautiques, il revient à Méaulte en 1924 pour y créer la Société des aéroplanes Henry Potez. De ce site industriel – le plus moderne de son temps – sortira sa réalisation la plus célèbre, le Potez 25 qui fut produit à plus de 4000 exemplaires.

Potez 63-11, avion de reconnaissance de l’Armée de l’air, et avion de Saint-Exupéry dans «Pilote de guerre»

La société fut nationalisée peu avant la Seconde Guerre mondiale, et intégrée à la SCAN Société de construction aéronautique du Nord, dont il prendra la direction. Après-guerre, Henri Potez sera de tous les défis, participant à la fabrication de moteurs, de voilures, puis de nouveaux de ses propres appareils avec le rachat de la société Air-Fouga et la création de Potez Aéronautique. Partenaire majeur des programmes Mirage III et 2000, Concorde, Airbus (300, 310, 320, etc), Henri Potez n’aura de cesse de contribuer à la primauté de l’industrie aéronautique française, puis européenne. Il décèdera en 1981, à l’âge de 90 ans.

La journée débute par quelques mots d’accueil de Bruno Chanetz, président du Haut conseil scientifique de 3AF, et une brève présentation du programme de la journée, par Eric Deletombe, président du groupe régional 3AF Hauts-de-France.

  Le Colloque démarre avec le discours captivant de Stéphane Demilly, député de la Somme et co-auteur avec le capitaine Sylvain Champonnois d’un brillant ouvrage sur Henry Potez (3 fois primé, par L’Aéroclub de France, l’Académie des sciences et l’Académie française). On n’y découvre pas seulement un capitaine d’industrie, passionné d’aéronautique, mais aussi un brillant ingénieur et inventeur, et surtout l’homme de tous les défis. En 1962 le journaliste Georges Jouin qui interviewa Henry Potez pour la revue ICARE est visiblement marqué par sa personnalité puisqu’il termine ainsi : Si vous le rencontrez un jour, regardez-le et écoutez-le bien ; il appartient à la lignée des hommes … que tout intéressent et qui « foncent » toujours dans le sens du progrès. Une telle rencontre est vivifiante et réconfortante … Que cela s’ajoute à notre reconnaissance pour le célèbre enfant de Méaulte qui fait vibrer, depuis quarante-cinq ans, des machines françaises dans tous les ciels du monde.

En effet, pressentant l’essor de l’aviation civile, Henry Potez fonda en 1919 La société des aéroplanes Henry Potez, qui sort dès le 22 mars 1932 le deux millième appareil : un Potez 36. A cette occasion une grande manifestation est organisée avec le personnel de Méaulte, auquel il rend hommage. Les usines de Méaulte ont en effet obtenu les plus beaux rendements de production française.
Comme à Méaulte, les unités de Saint-Denis et Sartrouville construisent des avions, tandis que celle de Courbevoie réalise des moteurs. Entre les deux guerres, jusqu’à 10 000 personnes furent employées dans ces usines pour une production totale de plus de 7 000 avions pour équiper l’Armée de l’air, Air France et des pays étrangers. Après la Seconde Guerre mondiale, Henry Potez, qui fut maire de Méaulte de 1928 à 1940, devient maire d’Albert, troisième ville de la Somme pour trois mandats successifs. A un communiste Alfred Leclerq, qui déplore que Méaulte fabrique du matériel de guerre, il rétorque : On ne peut que reconnaître à la France des idées pacifiques indéniables, mais elle n’est pas seule ! J’ai confiance en la sagesse des hommes et des nations pour que ces armements restent inutilisés. Jusqu’au terme de sa vie Henry Potez resta attaché à l’aéronautique, gardant le contact avec son usine d’Aire-sur-Adour, aujourd’hui dirigée par son petit-fils Roland Potez, qui nous a fait l’honneur d’assister à ce colloque.
S’ensuit une présentation d’Eric Deletombe, préparée par Jean-Luc Charles, portant sur les liens historiques entretenus par l’Institut de mécanique des fluides de Lille (IMFL), aujourd’hui devenu ONERA Centre de Lille, avec la société Potez, et ce dès l’entrée en activité de l’institut en 1932. On y apprend qu’Henry Potez – alors Président de la chambre syndicale des industries aéronautiques – ne s’était en effet pas contenté de faire l’honneur de sa présence lors des inaugurations de l’établissement et de la première installation expérimentale (la soufflerie L1), il comptait bien par la suite « challenger » ses équipes de scientifiques, et utiliser leurs compétences pour le meilleur bénéfice de ses appareils (et pour remporter au passage quelques paris et défis). Ce qu’il fit à de nombreuses reprises pendant plusieurs décennies, comme par exemple pour le développement d’un montage totalement nouveau permettant la mesure des moments de roulis (stabilité transversale) dont il avait besoin, ou pour le développement d’un anémoclinomètre permettant de déterminer le vecteur vitesse du vent en grandeur et en direction, ou encore la création d’un bassin d’amerrissage qui verra aussi passer la Caravelle, le Transall, le Concorde et les premiers appareils de la famille Airbus.

Maquette de la soufflerie L1 de l’Institut de mécanique des fluides de Lille (à gauche), balance aérodynamique à 5 composantes (au centre) positionnée sous la veine d’essai L1, et maquette de la soufflerie verticale SV2 (à droite)

La première maquette – d’une longue série – à être soufflée dans la soufflerie L1 de l’IMFL. en décembre 1934 fut un avion de la société POTEZ, le bombardier Potez-540. Viendront ensuite de nombreuses autres, dont celles de la CAMS (filiale de Potez spécialisée dans les hydravions), celles des Potez 56 58 63 540 660 et 840 (illustrant la présentation), ou encore des avions Nord 262 1405 1601 et 3200.

Maquettes des Potez 56 (mesure du roulis, à gauche), Potez 540 (en haut à droite) et Potez 660 (en bas à droite)

Henry Potez attendait ainsi de l’Institut de mécanique des fluides de Lille : « non seulement des essais et des résultats sur modèles, mais aussi ce ferment d’imagination qui en se transmettant par le contact des idées est la grande cause du Progrès » … et de l’innovation, aurions nous envie d’ajouter aujourd’hui.

La parole est ensuite donnée à Thierry Masse, directeur du site de Stelia Aerospace, à Méaulte, site qui n’est autre originellement que celui de la Société des aéroplanes Henry Potez. L’histoire commence donc en 1922, nous explique Thierry Masse, avec la construction d’une usine moderne de fabrication aéronautique, première de sa génération, qui n’a plus rien d’un atelier artisanal et préfigure déjà ce que seront ces entreprises à l’avenir, et qui dispose de sa propre piste. On y travaille en série, sur une chaîne de production révolutionnaire pour l’époque, pour en sortir d’abord le biplan Potez 25, puis le monoplan haubané Potez 36 (à voilure escamotable), les Potez 43 et 50 (l’avion de tous les records), les Potez 53 (aux allures martiales), 54 et 56 (toujours à hélice).

Site de Potez à Méaulte, en 1924 (à gauche), et chaîne d’assemblage du Potez 25 (à droite)

En 1935, l’usine Potez a déjà changé de visage, mais la transformation n’est pas terminée : devenue SNCAN en 1936, puis Aérospatiale en 1974, les installations s’agrandissent pour pouvoir assembler des tronçons de Concorde, des pointes avant d’A300 alors que commence l’histoire d’Airbus, qui ouvriront la voie aux pointes avant des autres appareils de la gamme (A310, A320, A380), des aérostructures de dimensions telles qu’on pourrait presque y faire entrer les tous premiers appareils produits sur le site. Les moyens de fabrication et lignes de production ont naturellement évolué en proportion, changé d’échelle et de nature.

Evolution des moyens de fabrication et des chaînes d’assemblage au cours de l’histoire du site de Méaulte.

Aujourd’hui, et pour conclure cette présentation, le message est clair : Stelia Aerospace continue de suivre le chemin tracé par son illustre prédécesseur. Voir plus grand et plus loin, se montrer toujours plus moderne et inventif, rester attaché à une qualité non négociable, et s’impliquer dans un projet global en région à la hauteur de ses ambitions techniques et de ses valeurs humaines et sociales.

Un moment de détente est organisé en fin de matinée, avec les visites du musée de l’Épopée de l’industrie et de l’aéronautique (Bétrancourt) et d’IndustriLab, avant de partager un buffet convivial.

Les présentations reprennent en début d’après-midi, avec l’intervention de Jean-Pierre Dehondt, président de l’A.A.H.M/AIRITAGE, portant sur les défis industriels qu’Henry Potez et les usines de Méaulte (sous leurs diverses appellations) eurent à relever, de 1922 à nos jours. Cette histoire relève en effet d’une véritable course d’obstacles, les difficultés commençant avec la Première Guerre mondiale qui interrompt les projets du jeune ingénieur de 23 ans – déjà inventeur, et bientôt entrepreneur – qu’est à l’époque Henry Potez. En effet, affecté à Chalais-Meudon dans le service « fabrication d’avions », il rencontre Marcel Bloch (Marcel Dassault) et Louis Coroller, avec lesquels – premier défi – il fondera ses 3 premières sociétés, et ce sans attendre la fin de la guerre. Celle-ci, contrairement à ce que l’on pourrait croire, vient mettre un terme à ce premier épisode, la demande militaire disparaissant avant que l’avenir (pourtant radieux) du secteur civil n’ait convaincu son monde. Et c’est un Henry Potez visionnaire, qui entreprend finalement cet avenir seul, à Paris d’abord, où il finit par se sentir à l’étroit, puis à Méaulte où il décide de donner l’espace qui leur convient à ses projets. L’usine de Méaulte voit ainsi sa première pierre posée, un beau matin de 1922.

SEA IV sorti des ateliers d’Aubervilliers pour l’assemblage final (à gauche), et construction de l’usine Potez à Méaulte (1922).

Les murs sont en place ; reste à trouver les hommes, puisque les compagnons d’Ile-de-France n’ont pas suivi : ce seront des gens du cru. Quatre cents ouvriers et employés se trouvent ainsi embarqués dans la production en série des aéroplanes Potez, sur un bâti de 25 000 m2 doté qui plus est de son propre aérodrome. L’entreprise est novatrice, il faut maintenant lui donner une âme, lui forger l’esprit : rigueur, discipline, et sécurité seront les trois piliers de celui-ci. Et ce second défi est finalement gagné, l’entreprise Potez devenant la référence mondiale en la matière. Elle croît en effectif et en renom, battant record sur record, volant de succès en succès. Devenue stratégique, elle passe aux mains de la nation (SNCAN, Société nationale des constructions aéronautiques du Nord) avant que la guerre ne survienne à nouveau. Au sortir de la guerre, après avoir affronté de nombreux assauts et survécu aux multiples projets de destruction, ses murs sont toujours debout. Le ciel s’est dégagé, et l’avenir de l’aéronautique cette fois apparaît clairement : il sera effectivement radieux. Pour mieux le saisir, l’entreprise ouvre en 1947 son école d’apprentissage technique afin de former ses futurs compagnons : le lycée Potez, toujours partiellement hébergé sur le site actuel, est né. Les restructurations de l’industrie aéronautique française se succèdent, le site de Méaulte intègre Nord Aviation (1958), qui rejoint elle-même la SNIAS (1970), passe sous le giron d’Aérospatiale (1974), puis d’EADS (2000) et d’Airbus (2001), devient Aerolia (2009) et enfin Stelia Aerospace (2015).

Potez 56 – l’avion des records (à gauche), les pilotes et champions Gustave Lemoine, Maryse Hilsz et Georges Détré (de gauche à droite)

L’entreprise, toujours combative, se diversifie et se spécialise. Elle renoue avec d’anciennes relations en se lançant par exemple dans la fabrication des voilures des avions MIRAGE III de Marcel Dassault. Elle s’en crée de nouvelles, avec la fabrication de sous-structures de la Corvette, du Concorde et du Transall – portes, tronçons de fuselage, voilures. Elle se lance dans le composite dès 1979, se dote des moyens informatiques les plus modernes, se lance dans l’automatisation du rivetage des grands sous-ensembles, se robotise, innove en matière de qualité, agrandit sa piste. S’armant progressivement de ces nouvelles compétences et de ces nouveaux moyens, elle renforce sa participation au sein du programme Airbus, se positionnant en particulier sur l’assemblage automatisé de sous-ensembles de pointes avant et de sous-ensembles de fuselage métalliques (A300, A320, A330, A340, A380 et A400M) et tout récemment composites (A350). Henry Potez avait coutume de dire, nous rapporte-t-on, que compétences et motivation étaient les clés de la réussite : confrontée en 2020 à un nouveau rendez-vous avec l’histoire, mais toujours forte de ces qualités, l’entreprise aéronautique de Méaulte se tient une nouvelle fois prête à relever le défi.

Philippe Morinière prend ensuite la parole, pour nous conter de façon plus détaillée l’histoire de l’aérodrome d’Albert-Méaulte, brièvement évoqué lors de présentations précédentes ; un propos préparé par Laurent Bailleul et Jean-Luc Charles, de l’Association anciens aérodromes. Il n’est pas dit si cette histoire, dont le récit commence en 1916 durant la Grande Guerre, est déjà liée à celle d’Henry Potez. Mais l’aérodrome de Croix Comtesse, car tel est son nom à l’époque, a déjà une vocation internationale puisqu’il servira à cette époque de base à l’aviation de l’armée française puis à celle de l’aviation britannique : impossible d’imaginer que son existence n’ait pas inéluctablement conduit au choix du retour dans sa région natale, quand Henry Potez décide de créer en 1924 sa « Société des aéroplanes », en plein champs, sur le site de Méaulte. La surface occupée par l’aérodrome n’est à l’époque « que » de 35 ha. Auxquels s’ajouteront 26 ha après que la société ait été nationalisée en 1939.

Implantation et la surface du champ d’aviation de Croix Comtesse en 1916 par rapport à l’aérodrome actuel (à gauche), et vue aérienne (à droite) avant l’époque de la SNCAN

Avec la Seconde Guerre, l’aérodrome « rempile », et devient terrain de desserrement de l’Armée de l’air française, en accueillant les compagnies 73/406, 1016/403 (armements), 50/104, 53/109 et GAO 503 (appareils). Il passe aux mains des Allemands sous l’occupation et devient la « Flugplatz Méaulte n°272 » ou l’on pourra croiser de « drôles d’oiseaux » en attendant la Libération. Au sortir de la guerre, les activités civiles reprennent, et l’aérodrome d’Albert-Bray voit le jour avec la construction d’une toute première piste revêtue. Les travaux d’aménagement de l’aérodrome se terminent en décembre 1950, et l’aérodrome devient officiellement Albert-Bray (Aéroport Albert-Picardie, code OACI : FLAQ).

Plan de l’aérodrome d’Albert-Bray à l’époque de la SNCAN en 1945 et vue aérienne (au centre), extrait de la carte VAC 2020 (à droite)

Aujourd’hui, l’aéroport d’Albert-Méaulte occupe quelques 178 ha, et abrite dans un espace aérien contrôlé une piste gazonnée ouverte à la CAP et aux ULM, ainsi qu’une piste revêtue pour les avions lourds. Certifié DGAC pour l’accueil du Béluga, et ouvert au trafic international, il constitue encore et toujours une infrastructure clé et un atout important pour la pérennité des activités du site industriel de Stelia Aerospace.

Le dernier exposé de la journée, intitulé « Prospective et aérostructures futures – nouvelles configurations » est présenté par Sébastien Defoort, ingénieur de recherche à l’ONERA, et résolument tourné vers l’avenir. Introduisant son propos par le rappel de la complexification importante des défis lancés à l’aéronautique commerciale civile depuis dix ans, opposant croissance exponentielle, pression environnementale et tout récemment blocus sanitaire, Sébastien Defoort nous redit la nécessité d’entrer avec volontarisme dans une démarche d’innovation disruptive, pour tacler ces enjeux. Formellement, quatre leviers sont aujourd’hui à la disposition du concepteur pour améliorer les performances intrinsèques et réduire l’empreinte environnementale des futurs appareils, en termes d’efficacités aérodynamique, structurale et propulsive, et en termes énergétiques. S’appuyant sur des exemples d’importants programmes de recherche européens (Clean Sky 1 et 2), diverses solutions illustrant ces leviers d’action sont présentées : il s’agit ici du concept de rotor contrarotatif ouvert (CROR), ou là usage massif des matériaux composites. D’autres concepts plus originaux, jouant sur des associations partielles des différents leviers, sont également évoqués, projets dont nous ne citerons que les noms pour que le lecteur puisse facilement satisfaire sa curiosité sur l’internet : NAUTILIUS (ingestion de couche limite), AMPERE (propulsion électrique distribuée), ALBATROS (aile haubanée de grand allongement), U-HARWARD, SUGAR-Volt, CICAV (aile volante), et autres CRYOPLANEs (moteurs – ou APUs – à hydrogène).

Illustrations de deux concept-planes ONERA : l’avion léger à propulsion électrique distribuée AMPERE (à gauche) et l’aile volante avec ingestion de couche limite CICAV (à droite)

Mais la solution ultime viendra probablement de l’intégration globale de l’ensemble de ces 4 leviers d’action dans le développement d’un concept plus disruptif encore. De cette intuition est née par exemple à l’ONERA l’idée du concept-plane DRAGON, proposant l’intégration sur un concept moyen-courrier pouvant émerger à l’horizon 2035 des technologies de propulsion hybride (turbines à hydrogène génératrice d’électricité, associées à une propulsion électrique distribuée), avec des gains cumulés de consommation pouvant atteindre 30% par rapport aux avions actuels. Étudié sous toutes les coutures par les équipes multidisciplinaires de l’ONERA, le concept pourrait être transposé à des configurations encore plus innovantes en y intégrant nouvelles formes aérodynamiques, ingestion de couche limite, matériaux composites, et des sources d’énergie encore moins émettrices de CO2 telles que l’hydrogène.

Concept-planes ONERA, plus disruptifs, à propulsion hybride hydrogène-électrique distribuée : moyen-courrier DRAGON (à gauche et au centre), et extension à un concept d’aile volante étudiée dans le projet H2020 IMOTHEP (à droite)

Les échanges avec la salle qui s’ensuivent rappellent s’il en était besoin combien l’innovation technologique à l’œuvre dans le secteur aéronautique reste source de fierté pour les ingénieurs y ayant participé, et de motivation pour les jeunes générations, dont le rôle sera essentiel pour faire émerger les concepts de demain dans un contexte radicalement nouveau. Ils confortent également la place d’un organisme de recherche tel que l’ONERA dans son rôle de défricheur de solutions réalistes aiguillonnant ses partenaires industriels.

Qu’il est difficile de conclure la conférence (et cette synthèse), cette courte mais au combien salutaire respiration dans un contexte sanitaire si oppressant ! L’heure de terminer la manifestation est là, mais les participants ne donnent pas l’impression de vouloir se quitter. Interrogés sur leur appréciation de la journée et des différentes présentations, les avis et les questions fusent : il devient vite évident qu’il nous faudrait occuper encore ce bel amphithéâtre d’IndustriLab plusieurs heures si l’on voulait épuiser la discussion, ce qui n’est malheureusement pas possible. Aux organisateurs donc de remercier une dernière fois les orateurs pour la qualité, la variété et l’intérêt de leurs présentations, et les participants pour leur présence, leur enthousiasme, leur bienveillance et leur curiosité.

Remerciements : nous tenons à remercier IndustriLab, le Pays du coquelicot, et la région Hauts-de-France de nous avoir accueillis en ce beau territoire d’industrie, en cette période troublée. Nous remercions également Sophie Pouillard (ALTYTUD) et Jean-Pierre Dehondt (A.A.H.M/AIRITAGE) pour le soutien et l’aide apportée à l’organisation de cette manifestation. Merci enfin aux orateurs et aux participants (dont M. Antoine Potez), pour leur présence, sans laquelle cette journée n’aurait pas eu le même visage. Nous remercions également Rémi Capoulade et Meriem Belazouz qui ont filmé cette journée, désormais disponible sur le site COWORKING CHANNEL.

Filmographie : Alumni-ONERA et coworking channel poposent le film Des cathédrales pour le vent de Jean Tensi, époque 2, avec des témoignages sur les débuts du centre de Lille : https://coworkingchannel.news/des-cathedrales-pour-le-vent-partie-2/