Souvenirs sur les premiers vols accomplis à Romorantin par Pierre Daucourt

Extrait du fonds René Crozet

L’histoire de ce dossier et la mise en valeur de ce trésor
Juste avant le passage en l’année 2000, un descendant de René Crozet apporte ce dossier volumineux dans le centre Onera de Meudon-la-Forêt. «Faites-en bon usage» dit-il avant de partir sans laisser d’adresse, hélas. Il n’est pas dans les missions de l’Onera d’exploiter ce volumineux dossier mais il a néanmoins été conservé précieusement durant des années avant d’être confié à l’association Anciens-Aérodromes pour valorisation.

René Crozet

Une exploitation conjointe de ce dossier est en cours avec l’association Aeriastory

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Souvenirs sur les premiers vols accomplis à Romorantin par Pierre Daucourt
(4-5 juin 1911)
« Participant à l’enthousiasme général provoqué par les débuts et par les progrès rapides de l’aviation dans les années 1908-1911, la population romorantinaise attendait certainement avec beaucoup d’impatience que l’occasion lui fût offerte d’assister) la présentation de ce qu’on appelait alors un aéroplane.
Dans le courant de l’année 1910, des meetings avaient eu lieu avec un succès inégal dans plusieurs villes des environs, Orléans, Tours, Bourges ou Nevers. La difficulté relative des déplacements n’avait pas permis à un grand nombre de Romorantinais d’y assister. La preuve de l’impatience générale fut fournie par un incident qui survint vers mars 1911. A cette époque plusieurs aviateurs militaires, le capitaine Bellanger, les lieutenants Princeteau, de Malherbe et de Rose pilotant des monoplans Blériot multipliaient les tentatives de raids sur le parcours Paris-Bordeaux et Pau. Ils étaient ainsi amenés à survoler le département du Loir-et-Cher et, parfois, à utiliser un petit aérodrome situé à Pontlevoy.
Un jour, le bruit se répandit comme une traînée de poudre que le capitaine Bellanger atterrirait dans l’après-midi sur un terrain de fortune situé à proximité de la route de Romorantin à Langon au lieu-dit le Monteaux. La nouvelle paraissait confirmée par un télégramme adressé à une personnalité de la ville, propriétaire de ce terrain, télégramme affiché à la succursale de la Société Générale. Congé fut donné aux élèves du collège et des écoles : beaucoup d’ateliers et de magasins fermèrent leurs portes et une foule nombreuse se porta au lieu indiqué. Un photographe professionnel se tenait sur le terrain, prêt à prendre des clichés sensationnels. Après plusieurs heures d’attente inutile, il fallut bien se résigner à admettre que la nouvelle était inexacte, sinon fantaisiste. Quelques jours plus tard, on apprenait, non sans amertume, qu’au cours du raid Pau-Paris, le capitaine avait atterri à Lamotte-Beuvron.
Quelques mois après, la municipalité romorantinaise organisait deux journées d’aviation pour les fêtes de la Pentecôte, 4 et 5 juin 1911. Un accord avait été passé avec l’aviateur Pierre Daucourt. La notoriété de celui-ci était loin d’atteindre celle des grands pilotes que le Circuit de l’Est de 1910 et les courses Paris-Madrid et Paris-Rome mettaient en vedette. Il pilotait un monoplan Blériot directement dérivé du modèle utilisé par le célèbre pionnier, héros de la Traversée de la Manche le 25 juillet 1909, avec cette différence qu’il était équipé d’un moteur Viale de 60 cv à cinq cylindres en étoile fixe.
L’appareil, amené par la route, fut monté sous la halle qui, détruite pendant la dernière guerre, a été remplacé par une construction moderne. Dans la journée du samedi 3 et dans la matinée du dimanche 4, le public était admis à examiner l’appareil et à entendre les explications données par le pilote. Celui-ci était un homme de taille moyenne, trapu, cheveux et courtes moustaches d’un blond roux, paraissait très maître de lui. Sa femme l’accompagnait et l’assistait. De temps à autre, on faisait tourner le moteur, ce qui provoquait sous la halle un bruit assourdissant que les curieux supportaient difficilement.

Carte postale de la collection de René Crozet

Dans l’après-midi, l’appareil monté sur un camion, fut transporté sur le terrain choisi. C’était le champ de tir utilisé couramment par le bataillon du 113ème régiment d’infanterie qui tenait garnison dans la ville. Cet aérodrome de fortune se trouvait sur la route de Romorantin à Selles-sur-Cher, à 4 kilomètres environ de la ville, à gauche. Il était évidemment dépourvu de toute infrastructure. Un hangar n’y a été élevé qu’en 1912. C’est celui-là même qui, remonté à Pruniers, est utilisé par l’Aéro-Club de la Sologne. Le terrain était assez exigu, cerné de près par des bois de pins et par des vignes, bordé sur un côté par la voie de chemin de fer du Blanc à Argent et prolongé vers la butte de tir par une bande étroite. Une foule très nombreuse utilisant les moyens de transport les plus variés s’y étaient rassemblés. Bien entendu, les autorités civiles et militaires étaient présentes. L’atmosphère était celle des jours de fête.
L’appareil ayant été remonté, Daucourt exécuta deux vols, le premier sans s’éloigner beaucoup du terrain, le second en allant jusqu’au-dessus de la ville. Favorisée par un temps superbe, cette journée connut un très grand succès. Le lendemain lundi 5 juin, le vent étant un peu plus vif, l’exhibition se borna à un seul vol accompli en fin d’après-midi. Daucourt alla tourner très largement autour de la ville vers Villeherviers et Lanthenay, vivement applaudi à l’atterrissage comme il l’avait été la veille. »

René Crozet

Légende et très probablement photo de René Crozet

A la lecture de ce document on peut constater qu’un aérodrome éphémère a failli exister sur la route de Langon au lieu-dit « le Morteaux » soit au sud-ouest de Romorantin. Les 4 et 5 juin c’est bien sur le premier aérodrome qui se trouve au sud-ouest, sur la route de Selles que se fera le premier atterrissage dans Romorantin et alentour.

Le récit de René Crozet dans son carnet de notes n°1 donne aussi quelques éléments de folklore.