Orleans Saran

( Département du Loiret )

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      Etude réalisée par le Groupe d'Histoire Locale de Saran 

      et Jean-Claude Carpentier, membre de l'association ''Anciens Aérodromes''.

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    SITUATION  ET  CARACTERISTIQUES :

 

Département : Loiret (45)

Commune : Saran

Coordonnées : 47°56'22.80"N 1°52'58.20"E au N-O d’Orléans

Aire d’atterrissage: 600 m x 850 m, la partie Nord du terrain est interdite aux avions (réservée à l’instruction des troupes).

Environs: région de plaines dans les quadrants N et O, propice aux atterrissages 

Situation en 1930

 

Document Geoportail / Anciens Aérodromes

 

 

 

                                     La piste et les infrastructures américaines à la fin des années 60 ( collection GHL )

    I. LES DEBUTS

     Décidé en 1911, ouvert en 1913, l’aérodrome d’Orléans-Saran ne sera inauguré que le 14 juillet 1924. Il a été le terrain de jeux des plus célèbres pionniers de l’aviation détenteurs de records inédits au dessus de la Beauce, autour du « Pylône de Virage » de la « Ferme de Marmogne ». (source Cartophile du Loiret)                                                                                                                                                    

    A cette époque les escadrilles affectées à la IIIème armée et au 5ème corps d’armée ne sont pas stationnées à Orléans-Saran : MF 2 (appareils Maurice Farman) et HF 7 (appareils Henri Farman) à Verdun, HF 13 et MF 16 à Châlons, DO 22 (appareils Dorand) à Villacoublay et C 25 (appareils Caudron) à Buc.  

    Pendant  la première guerre mondiale ce terrain a servi de relais pour la formation des pilotes, les écoles étant installées sur le champ de manoeuvres des Groues situé plus au sud sur les communes de Saint-Jean-de-la-Ruelle et Orléans (appareils Bonnet-Labranche) et au « Camp de Cercottes » (appareils Morane-Saulnier) à l’Est de Saran.  

         

22 septembre 1922 partie Est de l’aérodrome (***)

   

    II. L’ENTRE-DEUX GUERRES                                                     

     Entre les deux guerres on compte 300 avions par an dont la moitié d’avions militaires en exercices. Etampes, Villacoublay, Versailles, Chartres, Metz, les écoles Blériot de Buc, Farman de Toussus-le-Noble, Morane de Vélizy et même des avions belges viennent y faire des lâchers de pigeons.                                                                                                    

    Cet aérodrome a désormais sa station météo, un gardien logé dépendant du port aérien de « Villeneuve-Orly », des hangars, des cuves à essence, un balisage de nuit, manche à air, cercle de localisation, balisage du terrain et de délimitation intermédiaire en rouge et blanc. Ainsi équipé, l’aérodrome de Saran est classé en 1921 terrain de secours de la ligne aérienne Paris-Bordeaux. L’aéronautique civile profitera pleinement de cet espace. L’ensemble de ces infrastructures autorise ainsi la création d’un aéroclub ambitieux : l’Aéroclub d’Orléans et du Loiret. On enregistre 887 heures de vol, dont 401 en aviation populaire, et de nombreux brevets. Les meetings se succèdent et, intéressées par l’aviation civile aéroportuaire de transport et de commerce, la chambre de commerce et la ville d’Orléans soutiennent ces manifestations. 

                            

                       1er juin 1930 (***)

       Avec la mise en place des directives de  l’Armée de l’Air  créée en1933, les militaires installent à Saran un Cercle Aérien Régional de Réservistes d’Observation (CARRO). Cette appellation ne sera pas définitive puisqu’elle évoluera de ''cercle''  en ''groupe'', puis ''d’observation'' en ''reconnaissance''.  En 1937,   c’est ainsi le GAR 505 (Groupe Autonome de Reconnaissance) devient GAO 505 (Groupe Aérien d’Observation), affecté officiellement à Orléans- Bricy mais basé à Saran.   

 

 

Saran en 1937/39 (photo GAR 505 collection Muriel Bataille)

 

Maison du gardien (collection GHL)

 

 

 

      III. LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

 

 

 

 

 

Effectif d’un GAO : 15 officiers, 30 sous-officiers, 75 hommes de troupe. Aucun hébergement n’était prévu sur l’aérodrome pour recevoir le personnel de cette escadrille.

 

Loin du théâtre des opérations le GAO 505 sera successivement affecté à Tal le 10 septembre 1939, à Chaumont le 27 septembre 1939,  à Vertain le 8 octobre 1939, à Aulnat le 16 mai 1940 et à Pau le 11 juillet 1940. Il sera ensuite dissout.

Fiche GAR 505 (source  JC Carpentier)

 

 

 

 

 

     Pendant l'Occupation, la Luftwaffe  investira l’aérodrome sans avoir d’activité particulière si ce n’est un simple trafic d’appareils de liaison entre autre pour le compte de l’infanterie: Messerschmitt Bf 108 « Taifun », Fieseler Fi 156 ''Storch'', Henschel Hs 126, Bücker Bü 131 ou Gotha 145. Un bimoteur Focke-Wulf 58 ''Weihe'' assurait un service régulier.

    Durant les années 41/42 le trafic se fait plus rare : seuls deux Junker Ju-52 stationnaient à Saran. Quelques autres avions y firent également escale : un Dornier DO 217 , un Messerschmitt Bf 109G «Gustav » à réservoir largable, un Heinkel HE 111 habituellement basé à Bricy ...  Quelques avions remarquables ont sillonné le ciel de la région: Blohm und Voss BV-138, Focke-Wulf  FW 189, 190 et 200 « Condor » (baptisé ''fléau de l’atlantique'' par Churchill ). Certains de ces derniers étaient basés à Bricy.

     Puis les Allemands condamnèrent l’accès à l’aérodrome en parsemant le terrain d’obstacles, laissant une bande de roulement E-O (sens des vents dominants) pour d’éventuels atterrissages d’avions estafettes.

       1943 : le début de l’année s’écoule sans événement particulier jusqu’à la mi-novembre, date à laquelle arrive de Châteauroux-Déols une quarantaine d’avions école de la Jagdgeschwader 2,/ JG 103* (nouvellement créée à partir de la Jagdfliegerscule 2,/ JFS 3). Il y avait entre autres appareils des Arado Ar 96 d’entraînement de 465 cv, des North American NA-57** de 450 cv, des Arado Ar 68 biplans de 680 cv et des Bücker  Bü 181.

                      [  *  La 2,/JG103 leva le camp en mars 1944 pour rejoindre Parow. Ce fut la seule période ou la Luftwaffe utilisa intensément l'aérodrome d’Orléans-Saran. ]

[ **  Les NORTH avaient été commandés par la France aux Etats-Unis d’Amérique pour la formation des pilotes Français. 230 NA 57 avaient été commandés en 1939, environ la moitié livrée en juin 1940, dont 30 affectés à l’Aéronavale.]

   Après leur départ, l’aérodrome avait été à nouveau rendu impraticable, à tel point que le 25 juin 1944, un Messerschmitt Bf 109 en difficulté s’est posé dans un champ de blé  au S-O de l’aérodrome. Le 10 août 1944, les allemands détruisent toutes les installations avant de vider les lieux, seuls les hangars militaires jumelés échapperont à la destruction. Ils abritèrent le 1er PIPER L4 à l’étoile à 5 branches de l’USAAF. Il sera suivi de bien d’autres ...

   Avant et après le débarquement, les alliés ont bombardé en France des points stratégiques. L’aérodrome de Saran ne fut pas épargné. Les missions 414  # bombardement d’Etampes 14 et 15 juin 1944 #  et 541  # bombardement de Toussus-le-Noble 11 août 1944 # ont déversé quelques tonnes de bombes sur ce terrain qu’ils savaient être secondaire.

 

           
                                      Prise de vue de l’USAAF le 10 août 1944 (***)

       1944 : Le 15 août au soir le 127ème  bataillon d’artillerie légère de la 3ème  armée du général PATTON pénètre dans le Loiret.  Le 16 août, prévenu par la résistance, il entrera à Orléans par le Nord en passant par Saran quand les Allemands attendaient à  l’Ouest ...

 

Libération d'Orléans cathédrale  (*) 

 

Faubourg Bannier  (*) 

 

     Le 1er avion Américain à se poser à Saran est un Piper L 4 « Grasshopper » qui faisait partie du groupe des appareils affectés à PATTON et qui ont soutenu la progression des chars de la division LECLERC vers Paris. Ont suivi ensuite d’autres appareils de liaison comme des Stinson L5 « Sentinel ».

 

     IV. L’APRES-GUERRE

 

   Après la guerre, l’activité de l’aéroclub est réduite à l’aéromodélisme et au vol à voile. Les militaires de Bricy participent activement à la reprise de cette activité. Le 24 août 1947, l’aéroclub redémarre pleinement. Un meeting est organisé dans lequel la patrouille de voltige aérienne de TOURS évolue en vedette.

   C’est en 1952 que l' US Army installe à Orléans-Saran le « 4 th Signal Corps » dont le quartier général est placé à la caserne Coligny d’Orléans; les hommes, le matériel et les avions sont basés à Saran.

                           

                               Caserne Coligny (collection Millard Collins)

   Le « 4 th Signal Corps » gère 24 heures sur 24 la « télécommunication-zone »  COM-Z USAREUR  (USA Europe). Leur mission est d’assurer un réseau permanent de lignes de transmissions :

1 / de Cherbourg  jusqu’en Allemagne

2 / du Havre à Paris

3/ de Dijon à Amiens, en passant par le Luxembourg et Aix-la-Chapelle

4 / des ports de l’Atlantique de La Rochelle, Bordeaux et Saint-Nazaire aux positions avancées US en RFA

5 / mettre en œuvre un matériel de pointe performant à partir de l’Europe pour la défense mondiale.

   Les « Signal Corps » utilisent des De Havilland L-20A/ U-6A « Beaver » et des U-1A « Otter » achetés en grand nombre par l’US Army pour toutes les unités y compris la Navy. Leurs silhouettes et leurs « ron ron » devinrent familiers aux riverains de l’aérodrome. La cohabitation se passe en parfaite harmonie avec les appareils de l’aéroclub. Des Cessna L-19A/O-1A « Bird Dog » (surnommé l’éclaireur) naviguent également dans les différentes unités des « Signal Corps ».

 

 

 

 

 Les hangars de l’aéro-club à Saran

(photos extraites Magazine ''Repéres'' - Ville de Saran  )

 

 

 

     Le 19 octobre 1956, le 5ème détachement de l’aviation est joint au groupe. Sa mission est de coordonner les vols de l’US Army en Europe.

                                                

 

                                                             De Havilland« Otter » à Saran  (**)

 

      De 1958 à 1967 la 2nd Aviation Company (Army) FWTT ( Fixed Wing Tactical Transport ) est rattachée au 8th TC Group (MC) stationné en Allemagne (8 U-1A « Otter ») basée à Verdun pour soutenir l’USAREUR COM-Z à Orléans et Poitiers. Elle couvre les missions opérationnelles en Espagne, Angleterre, Ecosse, Italie, Turquie, Belgique, Grèce, France et Suède.

 

Camps US (collection GHL)

 

   Parking SG ancienne route de Chartres (**)

 

   Un Beechcraft U-8  « Seminole » du « 56th Aviation Detachment » transportait les personnalités comme le Major Général ANDERSON, Commandant de USAREUR COM-Z.

   La BA 279 de Châteaudun stockera à Saran pour le compte des magasins généraux de l’Armée de l’Air les North American T 28 « Fennec » à leur retour d’Algérie. Certains seront vendus à l’Argentine et au Maroc. Seule la période d’entre-deux guerres peut rivaliser avec cette période « américaine » au niveau de l’animation de la commune et de l’aérodrome. Les « bistrots »  étaient légion, le « Baptême de l’Air », face à la piste, s’est ainsi vu rebaptisé avec humour « Le Western » !   

    
Couleurs (**)
 

Bistrot  le « Baptême de l’Air »  renommé '' le Western''  (**)

                       
                                   3 mars 1961 piste « en dur » et infrastructures américaines (***)

   Cet aérodrome n’a pas eu la réussite escomptée par ceux  qui dès sa création avaient misé sur la formidable opportunité qu’offrait le transport aérien pour une ville du centre de la France.

   Ce terrain déclaré « terrain de secours » n’aura toujours eu qu’un rôle secondaire, pourtant, il a fait rêver plusieurs générations de passionnés ; il a vécu deux guerres, à sa manière, accueilli nos alliés dans leur noble mission. Il a droit à sa place dans l’HISTOIRE.

        1967 : 1er coup de semonce : Les Américains quittent les lieux, USAREURS  COM-Z se regroupe à Heidelberg en Allemagne

        1972 : 2ème et fatal mauvais coup  « FIN DES ACTIVITES AERONAUTIQUES ». L’aéroclub, seul rescapé, déménage à Saint-Denis-de-l’hôtel .                                                                                                                              

   Les Américains, en France, représentaient la présence alliée de libération ; l’après guerre, la paix retrouvée, la liberté. Cependant pour eux une nouvelle guerre commençait, longue et sournoise, une « guerre belliqueuse »,  la « guerre froide ». Mais ça c’est une autre Histoire ! 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                          Trois vues aériennes dans les années 60 ( Collection GHL )

       

    Quel avenir pour l’ancien aérodrome ? (Collection JC Carpentier)

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                                                                                   *        *

      Remerciements :

   Etude réalisé par le GHL de Saran. Avec nos remerciements pour leur collaboration. 

    Le Groupe Histoire Locale de Saran, Mairie de Saran, 45774 Saran Cedex , détient un important dossier sur chacune des périodes de l’histoire du « champ de manœuvres et d’aviation ». Le groupe se fera un plaisir de répondre à tout demandeur désireux d’obtenir des compléments d’information.  Le GHL est membre de l'association Anciens Aérodromes.

   Contact : groupehistoirelocalesaranNO@SPAMorange.fr  

 

    Sources documentaires :

- Atlas Historique des terrains d’aviation CD-ROM édité par la DGAC

- Livre « Aérodrome Orléans-Saran » de Michel AYERBE et Bernard PREVOT  

- archives de la mairie de Saran

- archives du GHL de Saran

- Journaux « La République du Centre »  et « les ailes »   

- http://www.ww2dk  pour la période allemande

   Crédit photos :

 (*) Images Libération d’Orléans. Brochure éditée par la municipalité d’Orléans à l’occasion de l’inauguration en l’hôtel de ville d’une plaque offerte par le comité départemental France- Etats-Unis commémorant la libération d’Orléans le 16 août 1944.

(**) Photos personnelles des « US soldiers » 4th Signal Corps basés à Saran de 1952 à 1967

Joseph DICKINSON (Virginie), Millard COLLINS (Floride),  Timothy CASEY et  Nita LEGER-CASEY (Massachusetts) femme de Tim, fille du patron du « Baptême de l’Air »

(***) IGN – Photothèque Nationale

  Remerciements également à Irenée CORDONNIER, François PAQUET  et Jean-Valéry MASSET de l'association ''Anciens Aérodromes''.

 

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