Balard – Cité de l’air

Depuis la préhistoire jusqu’au 19e siècle, le site actuel de Balard et ses environs avaient une faible occupation humaine. Deux localités existaient : le bourg d’Issy (sur la colline), et le village de Vaugirard (Porte de Versailles). Sur le plan militaire, pas d’événement marquant depuis la bataille de Lutèce, en 52 av. J-C. L’histoire militaire du lieu commence avec la construction entre 1841 et 1846 de « l’Enceinte Thiers » entourant Paris et ses faubourgs. Paris s’agrandit, intégrant Vaugirard et une partie des terres d’Issy. Derrière ses fortifications, la capitale soutient le siège des Prussiens en 1870-71, ne cédant qu’après 4 mois d’isolement et 60 000 morts. Devenue inutile, l’enceinte est en 1919 déclassée et cédée à la ville de Paris, qui la démolira. Mais le secteur qui nous concerne connait un destin particulier.
Après l’exposition universelle de 1889, la Ville de Paris souhaite acquérir le terrain de manœuvres du Champ de Mars. En échange elle achète, devant la fortification sur la commune d’Issy-les-Moulineaux, et met à disposition de l’armée le futur « terrain de manœuvres » le 29 mars 1890.


Ce vaste espace plan est au début du 20e siècle situé dans une zone très industrialisée. Les pionniers de l’aviation et de l’aérostation y développent leurs activités. Cet usage « autorisé » par le ministère de la guerre, permet que se créent le berceau français de l’aviation et le premier centre d’essais en vol au monde. D’importantes manifestations aériennes y sont organisées en 1910 et 1911. Pendant la Grande Guerre, les constructeurs d’avions fournissant l’armée s’installent autour du terrain. Puis le service technique de l’aéronautique (STAé) s’installe devant le bastion 70. D’autres entités occupent les bastions, dont le premier bassin d’essais des carènes (bastion 69). Puis la démolition des bastions et le comblement des fossés permettent de nouvelles constructions et l’installation d’organismes plus importants, dont notamment la Direction des Constructions navales à l’angle de l’avenue de la Porte de Sèvres.


La Cité de l’Air (bastions 68 à 71) est la principale. Constituée progressivement à partir de 1919 pour les services techniques et le casernement, elle accueille en 1934 le ministère de l’Air créé en 1928. Elle forme alors un ensemble continu avec la Base aérienne 117 et l’aérodrome de Paris – Issy. Elle inclut, outre les administrations centrales militaires et civiles de l’Air, de nombreux laboratoires de recherches et en 1930 l’École nationale supérieure de l’aéronautique (SUPAERO, fondée en 1909) la rejoint à l’angle de l’avenue de la Porte d’Issy dans un bâtiment qui en 2015 arbore encore sa symbolique à ses fenêtres. Elle déménagera pour Toulouse et en 1970, cédant la place à l’École nationale supérieure des techniques avancées (ENSTA), qui rejoindra sa maison mère (Polytechnique) à Palaiseau en 2012 ; un centre de conférences lui succédera.


Après la 2e Guerre mondiale, le regroupement des armées dans un même ministère entraîne la création d’une aviation civile indépendante, qui doit quitter le site militaire, pour se répartir longtemps dans des immeubles plus ou moins, respectivement, dispersés et provisoires. Toutefois, certains services aéronautiques communs sont versés entiers dans l’une ou l’autre administration, pour une coopération nécessaire. La direction générale de l’aviation civile actuelle peut finalement construire son nouveau siège près de l’héliport et s’y installer… en 1999.
Les évolutions successives et les contraintes d’urbanisme drastiques de Paris ont façonné « l’Îlot Balard » de l’an 2000. La partie Est (bastion 71) où devait s’agrandir la Cité de l’air est très tôt rattachée au Parc des expositions. Dans les années 60, le boulevard périphérique sépare la Cité de l’aérodrome et « écrase » quelques bâtiments. À cette occasion, est confirmée l’appartenance respective de l’emprise des anciens bastions aux armées et de l’aérodrome à la Ville de Paris, qui le réaménage pour divers usages (Parc des sports, Aquaboulevard…), ne laissant à l’aéronautique que – temporairement – l’héliport.
Une grande restructuration est accomplie dans les années 70 avec le plan « Large » (du nom de l’architecte) qui vit construire notamment la tour A et ses deux premiers secteurs d’assise circulaire (« SAC ») dont le mess, et la tour F (prototype de la Tour Montparnasse), etc. Ce plan jamais achevé, pour entre autres des contraintes d’urbanisme et de patrimoine, laisse en place de nombreux bâtiments provisoires.
Faisons ici une place au Service de santé de l’Air, intégré depuis en interarmées, avec au bât. 17 sa direction centrale, son inspection et le CPEMPN (centre principal d’expertise médicale du personnel navigant, aujourd’hui à Percy). Le bât. 18 fut construit vers 1938 pour les laboratoires d’études concernant le personnel navigant, origine du CERMA (Centre d’enseignement et de recherches de médecine aérospatiale). Sa « ménagerie » accueillit quelques pionniers de l’espace comme la chatte Félicette, célèbre pour son vol spatial du 18 octobre 1963. Au plan local, deux services médicaux coexistaient : l’infirmerie du Service médical 50.117, puis Centre médical militaire de la Cité de l’air (bât.16 puis 17) et le Centre de santé de Balard (4 rue de la Porte d’Issy) centre de consultations et de soins à destination d’abord civile mais à usage mixte car très bien équipé.
L’Îlot Balard comprenait plusieurs parcelles plus ou moins indépendantes. Le commandant militaire de l’ensemble était le « commandant de la Cité de l’air et de la Base aérienne 117 » (en abrégé CA – BA 117), responsable global en matière de sécurité, avec des rattachements ou prérogatives variant selon les immeubles.
À la faveur des restructurations, de plus en plus de services non aéronautiques sont implantés dans la Cité de l’air. Sous la tour A, le dernier grand bâtiment construit dans les années 90 regroupa l’ensemble de ceux de la DGA. Ainsi la Cité de l’air devient de moins en moins aéronautique.
En 2007 le ministre de la Défense choisit le site de Balard pour regrouper tous les états-majors et services centraux, libérer de nombreux immeubles dans Paris (îlot St-Germain, Concorde…) et favoriser le travail en commun. Pour construire le nouvel ensemble, les contraintes d’urbanisme sont nettement assouplies ; une parcelle aura une occupation civile (Les Quadrans). Des constructions historiques disparaissent : à l’ouest les bassins d’essais de la DCN et la caserne du bastion 68, à l’est le plus ancien bâtiment (27) de la Cité de l’air, etc. Un nouveau bâtiment – mythique, hexagonal – est construit à l’emplacement du bastion 69, d’autres sur la Cité de l’air sont rénovés ou agrandis (F, G, H…). L’ensemble est redistribué en interarmées et inter services.
Mais les traces du passé subsistent dans les lieux. Portant le nom du capitaine Georges Guynemer, la Cité de l’air reste un lieu historique majeur de l’aéronautique française.

Thierry Gehan – Administrateur 2A