L’aérodrome de Saint-Inglevert

PaysFrance
DépartementPas de Calais
NomSAINT-INGLEVERT
Autre (s) appellation (s)Aérodrome des deux caps / Aérodrome de Saint Inglevert
Commune (s)SAINT-INGLEVERT
CoordonnéesLAT / Long : 50.883 / 1.736 —– N50 52 57 / E001 44 10 LAT
OACILFIS
LocalisationEntre Boulogne et Calais
UtilisationAérodrome ouvert à la C.A.P, géré par l’Aéroclub du Boulonnais

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L’aérodrome de Saint-Inglevert se trouve au nord de la commune du même nom, à 13 km au sud-ouest de Calais. Il est situé sur une colline culminant à 130m au-dessus du niveau de la mer et bénéficie d’une piste bétonnée 03-21 de 603m x 40m construite par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale.

L’aérodrome est le siège de l’aéroclub du Boulonnais, l’utilisation de la piste étant soumise à demande d’autorisation. Contacter pour cela l’aéroclub (voir formulaire et coordonnées sur leur site web).

 

Le terrain d’aviation de 1918 à 1939

La première utilisation du site remonte à la période de la Première Guerre mondiale avec la présence, sur la région, du Royal Flying Corps qui occupait alors des plaines d’aviation, notamment sur les communes de Marquise, Caffiers, Boulogne et Saint-Inglevert.

 

Voici une liste d’unités présentes sur le terrain :

 

– Squadron N° 21 du 13 au 21 avril 1918 (avions de reconnaissance et d’appui Royal Aircraft Factory R.E.8),

– Squadron N°214 du 29 juin au 23 octobre 1918 (bombardiers Handley Page 0/400),

– Squadron N°115 du 1er au 4 novembre 1918 (bombardiers Handley Page 0/400),

– Squadron N°97 du 17 novembre 1918 au 4 mars 1919,

– Squadron N°100 du 17 novembre 1918 au 4 mars 1919.

 

On y retrouve également la présence de l’aviation navale US en 1918 avec les 1ère et 2ème  Escadrilles sur Sopwith Camel avec cantonnement dans la commune de Saint-Inglevert (lieu inconnu). Il serait question d’un séjour dans un château.

(Source : Narayan Sengupta http://www.usaww1.com)

 

La localisation actuelle n’est pas celle des débuts (voir photo ci-dessous). L’aérodrome fut en effet créé en 1920 et se trouvait alors au bord de la route quittant la commune. La route d’accès actuelle longe d’ailleurs le terrain initial utilisé alors pour l’aviation populaire : elle sert de station frontière douanière de l’aéronautique civile. Ce terrain en herbe allait devenir un haut lieu de l’aéronautique régionale : installation d’un club, aménagement de deux hangars avions (34m x 30m x 8,50m), radio à ondes ultra courtes avec deux pylônes de 30m de haut (équipements nécessaires à la vérification en douane des avions étrangers y faisant escale), bâtiment d’accueil en l’occurrence l’habitation en bord de route à l’entrée du terrain actuel. Il y avait même un bureau météorologique.

Le terrain fut également, les 6 et 7 juillet 1935, le lieu d’un grand meeting aérien avec présence et évolution de nombreux appareils.

 

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Extrait d’un article des  » Ailes du Nord – juillet 1935  ». Les installations d’époque sont bien visibles. A noter l’alignement des appareils participants. (Coll. Jean-Luc Charles)

 

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Vue aérienne d’avant la Seconde Guerre mondiale. (Coll. IGN Photothèque nationale)

 

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Les trois hangars avec le bâtiment de l’aéroclub. En arrière-plan, la commune de Saint-Inglevert.

(Coll. IGN Photothèque nationale)

 

 Le Petit Journal du 2 septembre 1922 (Extrait) 

 

ALLÔ! ALLÔ!  Une hélice de rechange, s’il vous plaît!

« Calais, 1er septembre. Un avion du type Goliath quittait l’aérodrome de Croydon, hier matin, à 5 heures, avec une dizaine de passagers, à destination du Bourget.

En arrivant au-dessus de la Manche, le pilote, le comte Henri de Pérignon, dut prendre de la hauteur pour éviter une tempête qui sévissait sur le détroit. Il s’aperçut alors qu’une des deux hélices était fortement endommagée par la pluie diluvienne contre laquelle il luttait et qu’un moteur donnait mal. Par prudence, il arrêta le moteur en même temps que son second, par téléphone sans fil, avisait l’aéroport du Bourget ainsi que le poste de Saint-Inglevert, à 5 kilomètres de Calais, où il comptait atterrir pour réparer la panne.

Comme le pilote l’avait prévu, tout était prêt sur le terrain de secours de Saint-Inglevert où, en moins d’un quart d’heure, une équipe de spécialistes changea l’hélice en remettant le moteur au point. Et, tandis que l’avion décollait, l’aide pouvait aviser le Bourget que le retard à l’arrivée ne comporterait à peine que quelques minutes. En effet, au lieu de 7h45, heure habituelle d’arrivée, le Goliath atterrissait sans encombre à l’aéroport à 7 heure 57. »

 

L’aérodrome en 1939-1940

 

Exposé de Monsieur Lobez de l’association Histopale 

A la déclaration de guerre en 1939, l’aérodrome allait abandonner sa vocation civile pour devenir en décembre de la même année la base du GAO 516 (Groupe Aérien d’Observation), unité sous les ordres du Commandant Durand. Cette dernière était rattachée au 16ème Corps d’Armée.

Avec cinq Potez 63/11 et cinq Breguet 27/270, l’unité aura pour mission de réaliser des reconnaissances photographiques au-dessus de la région Nord/Pas-de-Calais et de participer à des exercices au profit d’unités d’artillerie.

Au matin du 10 mai 1940, la Luftwaffe passe à l’attaque et effectue ses premiers raids de bombardements sur la région. L’aérodrome de Marck près de Calais est pris pour cible ainsi que, vers 5h15, celui de Saint-Inglevert.

Durant plus d’une heure, les installations sont touchées lors de multiples passages . Près de 110 impacts de bombes sont recensés, ces dernières détruisant le poste de radio guidage et un Breguet. Un second Breguet ainsi qu’un Potez 63/11 sont sérieusement endommagés. Toutefois, les installations seront rapidement remises en état afin de poursuivre sans délai les missions demandées par le 16ème Corps d’Armée.

 

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Breguet 27 devant les hangars.(source Association Histopale)

 

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Bombardement du 10 mai 1940. (source Association Histopale)

 

Le 21 mai 1940 au matin, l’aérodrome reçoit un visiteur de marque, en l’occurrence le Général Weygand venu sur le littoral en tournée d’inspection. Il se pose sur le terrain et donne l’ordre aux personnels du GAO 516 ainsi qu’à son escorte de se préparer à quitter les lieux en cas de menaces trop rapprochées. En effet, des colonnes motorisées ennemies sont déjà signalées à Rue et Saint-Valéry-sur-Somme.

C’est le lendemain, à 4 heures du matin, que le Commandant Durand reçoit l’ordre d’évacuation générale pour faire replier, dès que possible, l’échelon volant du GAO sur le terrain de Rouen-Boos. L’échelon roulant placé sous le commandement du Lieutenant Thévenot et de l’Adjudant-chef Jean prend, pour sa part, la route à 5 heures à destination de Gravelines et Dunkerque. Quelques jours plus tard, les hommes embarqueront sur le torpilleur « Bourrasque ». Celui-ci sautera sur une mine; bilan : 19 disparus. Le reste du GAO gagnera finalement l’Angleterre à bord du « Branle-Bas » pour rejoindre par la suite la France et le personnel navigant à Aubière près de Clermont-Ferrand.

En ce 22 mai 1940, à 6h45, les volants évacuent à leur tour le terrain de Saint-Inglevert. Il était temps : à 7 heures, cinquante avions allemands passent au-dessus des pistes. Les conditions atmosphériques sont exceptionnellement défavorables (« temps bouché, pluie, brume, plafond de 10 à 50 mètres », note le commandant).

Durand donne l’ordre à ses hommes, afin d’éviter toute surprise de la part de l’ennemi, de survoler la mer en bordure des côtes depuis Wissant jusqu’au Havre, puis de suivre les méandres de la Seine jusqu’à Rouen.

L’échelon volant comprend tout le personnel spécialiste navigant et les mécaniciens. Pour évacuer le plus de personnel possible, chacun des cinq Potez emportera de 4 à 5 passagers et chacun des cinq Breguet en emportera 3. Sur ces dix appareils, quatre seulement arriveront sans encombre sur la piste de Rouen-Boos.

Le Potez piloté par le Lieutenant Heilmann, gêné par la brume, se pose sur le ventre dans une prairie non loin du but. Pas trop grave : les 4 hommes d’équipage sont indemnes. Un autre Potez doit quitter l’itinéraire prévu en raison d’ennuis moteur et se poser à Beauvais. Le Breguet piloté par le Sous-lieutenant Goutard, pris dans le mauvais temps, doit se poser sur la plage du Tréport où il capote. L’Adjudant Gilbertas, mitrailleur, et le Sergent Nouvel, mécanicien, sont légèrement blessés et évacués sur Rouen.

Un autre Breguet ainsi qu’un autre Potez se posent peu avant Rouen à cause du mauvais temps. Enfin, le Breguet piloté par le Sergent Vidal avec, à son bord, l’Adjudant Hubac, mécanicien, et le Sergent Rolat, radionavigant, pris à partie par trois bombardiers ennemis, doit s’éloigner de la côte. Victime d’ennuis mécaniques, il amerrit près d’un patrouilleur. Les trois hommes sont récupérés mais le Sergent Rolat, victime d’une congestion, ne peut être ranimé.

A Saint-Inglevert, il ne restait, sur les pistes battues par le vent, que trois appareils : un Potez détérioré par le bombardement du 10, un second par manque de pilote et un appareil Bloch 152 immobilisé sur le terrain par une panne de démarreur. Ces appareils et les réserves d’essence seront détruits par les derniers roulants à quitter le terrain.

Les occupants suivants furent les Allemands dont les chasseurs, notamment les redoutables Messerschmitt Bf 109, trouvèrent dans les pistes de l’aérodrome une base de départ supplémentaire idéale pour se lancer dans la fameuse bataille d’Angleterre.

 

Informations complémentaires sur l’historique de l’aérodrome en 1939-1940.

 

Présence de l’ERC (Escadrille Régionale de Chasse) 3/561

Il s’agit d’une unité présente sur Saint-Inglevert du 27 août au 22 octobre 1939 avec huit Nieuport 622 et huit Spad 510. Sa mission était de couvrir la zone de Boulogne à Calais. Elle a effectué quelques décollages sur alerte mais, vu son matériel désuet, cela n’a pas été concluant. Le départ de l’unité se fera le 22 octobre 1939 pour Octeville.

Les Bloch 152 ne seront livrés qu’en décembre et le groupe sera alors appelé III/10 début 1940. Il couvrira alors la région avec le II/8 à Calais et le I/4 à Norrent-Fontes. En revanche, le 21 mai 1940, on peut noter que des Bloch du GC II/1 ont escorté Weygand à Saint-Inglevert au départ du Bourget via Norrent-Fontes. L’un des appareils est accidenté à Norrent-Fontes; un second, le n°166 codé 13, sera abandonné à St-Inglevert, démarreur cassé.

Le GAO 516 équipé de Breguet 27/270 et de Potez 63/11 a été envoyé sur Saint-Inglevert apparemment dès le 3 septembre 39, et n’en est parti que le 22 mai 1940 pour Rouen-Boos. Le 10 mai, le terrain a été lourdement bombardé dans la matinée. On recense, côté pertes,  quelques appareils qui ont été photographiés par les Allemands à leur arrivée : un Breguet 270 et le Potez 63/11 n°289. Il faut y ajouter le Potez 36/13 n°70 F-ALFG de l’aéroclub de Calais, et, bien entendu, le Bloch 152 n°166.

(Source : Lionel Persyn).

 

Présence de la Royal Air Force

La RAF était également présente sur l’aérodrome en avril 1940 avec le Squadron N°615 équipé du très modeste biplan HR Gloster Gladiator Mk II et du Squadron N° 607, toujours en 1940, équipé du même type d’appareil.

 

Voici une liste des quelques pertes/accidents enregistrés par l’unité durant cette période, tous sur Gloster Gladiator :

– K6137 perdu près de Saint-Inglevert le 07.02.1940,

– K7996 perdu dans le brouillard à Vitry-en-Artois le 26.03.40,

– K8000 perdu suite à collision avec le K8030 le 23.03.40.

 

1940-1944 La présence allemande 

Dès la fin de la campagne de France, la Luftwaffe s’installe sur l’aérodrome en réutilisant les hangars français et la plaine d’envol. Durant les premières semaines de la bataille d’Angleterre, plusieurs unités prendront possession du terrain :

– la I.(Jagd)/ LG 2 (Lehrgeschwader) du 20 juin au 12 juillet 1940 équipée de Bf 109e,

– le I./JG51 du 12 juillet au 20 novembre 1940 avec des Bf 109e,

– le Stab de la JG51 du 25 août au 26 novembre 1940,

– la II./ JG27 du 24 septembre au 5 novembre 1940.

Présence également du 5.(H)/32 de l’Aufkl 32 (Escadrille de reconnaissance) sur Hs 126 jusqu’en novembre 1940.

 

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Fanfare dans l’ancien hangar français. Présence à l’arrière-plan d’un Bf 109.

(Coll. Nicolas Grebert)

 

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Do-17 P, certainement du 3.(F)/10 devant les anciens hangars, près de la tour de contrôle.

(Coll. Nicolas Grebert)

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Sur la droite, emplacement des anciens hangars.

(Coll. Laurent Bailleul)

 

Par la suite, des aménagements seront provisoirement édifiés avec alvéoles de stationnement et hangars de maintenance, à l’est et au nord du terrain. Des chaussées en béton permettent de relier les emplacements à une grande piste en dur de 600m x 50m sur le site actuel de l’aéroclub.

 

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 Emplacement des hangars construits par les Allemands. Butte de tir pour le réglage des canons de bord des chasseurs. (Coll. Laurent Bailleul)

 

Dès 1941, les unités quitteront progressivement le site, l’aérodrome n’étant plus utilisé qu’épisodiquement par quelques appareils isolés ou par des avions de transport Junkers Ju 52 venant ravitailler les personnels présents sur le site.

 

"/Atterrissage d’un Junkers Ju 52 à proximité d’une alvéole abri.

(Coll. Nicolas Grebert)

 

En 1943, le site devient le Stützpunkt 134 Paderborn, du nom d’une petite ville de Rhénanie, avec la présence d’unités de défense s’incluant dans le dispositif du Mur de l’Atlantique. Une position d’artillerie sera ensuite aménagée en avril pour la 1./451 Artillerie Abteilung avec quatre pièces de 15cm s.FH18 en encuvement de terre établi en bout de piste. Durant l’hiver, cette unité laissera sa place à la 4./1143 Heeres – Artillerie – Abteilung avec quatre canons de 10.5cm l.FH 324. Ces pièces seront ensuite placées sous des casemates de type 669 qui ont été construites à proximité des encuvements d’origine. Elles sont orientées vers le Nord-Ouest pouvant ainsi tirer jusqu’à 13 km de distance (soit 8 km en mer). Il s’agit des casemates que l’on distingue encore de nos jours en bordure de piste.

Lors de l’évacuation de la région, les Allemands firent sauter plusieurs charges sur la piste, créant ainsi de nombreux entonnoirs afin de la rendre inutilisable.

 

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 Casemates en bord de piste. (Coll. Jean-Luc Van Campenhout)

 

L’après-guerre

Suite aux destructions causées par les Allemands lors de leur départ, l’aérodrome ne sera pas remis tout de suite en service pour l’aviation civile. Un rapport du 10 avril 1957 confirma l’abandon d’un projet de réaménagement préférant la plateforme voisine de Calais-Marck plutôt que celle de Saint-Inglevert. Le site de l’aérodrome allait s’enfoncer peu à peu dans l’oubli devenant au fil des ans un vaste terrain vague servant au stockage de récoltes et de débris divers.

Il faudra attendre l’année 1986 et la fermeture de l’aéroclub de Boulogne-sur-Mer pour voir le projet de réaménagement de la plateforme de Saint-Inglevert refaire surface, projet soutenu par un groupe de passionnés. Ces derniers vont alors s’investir durant quatre années dans le dégagement de l’ancienne piste et le déblaiement des abords en investissant leurs deniers personnels et, ce, sans oublier le concours d’entreprises amies.

C’est ainsi que, le 30 juillet 1989, la piste fut inaugurée. L’activité aéronautique revenait à Saint-Inglevert.

 

Aujourd’hui, l’aéroclub du Boulonnais est très actif : des cours de pilotage sont dispensés, on y rencontre de nombreux passionnés de tous âges qui partagent pleinement leur passion de l’aviation dans une ambiance très conviviale.

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