Le Camp de Cercottes

Cinquième terrain d’aviation de la région d’Orléans avec Bricy, les Groues, Saint-Denis-de-l’Hôtel et Saran.

Le « café aux poilus » de Mr et Mme METAIS, café restaurant bureau de tabac, se dressait chemin de la Beurrière qui aboutissait au Camp de Cercottes.

Les origines
Il s’agit initialement d’un champ de tir affecté à l’école d’artillerie du V° corps d’armée dont l’état-major est à Orléans depuis 1874. (Réorganisation de l’armée – loi du 23 juillet 1873 – décret du 6 août 1874). Le camp est créé cette même année, sur décision militaire, et nommé « Cercottes » en hommage à une fameuse bataille de 1870.

Du fait que les 120 hectares de ce camp sont en majeure partie sur son territoire, la municipalité de Saran aurait souhaité qu’il fut nommé « Camp de Saran les Aydes », lieu d’une autre bataille célèbre de 1870 dans un faubourg du nord de la ville d’Orléans, mais c’est la décision militaire qui l’emporte : il restera nommé « Cercottes ».

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Suite de la demande municipale de Saran :
20 septembre 1913 : La préfecture du Loiret transmet le dossier au service des armées.
23 octobre 1913 : Réponse du ministre de la guerre au Préfet.
27 octobre 1913 : Le Préfet au Maire de Saran communique le refus de l’armée de débaptiser le « camp de Cercottes ».
En effet, la dénomination actuelle employée depuis sa création est connue de toute l’armée et en particulier des hommes de réserve. Le conseiller d’état, secrétaire général signé Deloncle.
L’utilisation du camp va changer avec les débuts de l’aviation. Les premiers pionniers de l’aéronautique vont désormais venir s’y poser. En 1908, Blériot, après avoir réalisé Etampes-Artenay, effectuera une nouvelle liaison Etampes-Mondésir-Orléans-Cercottes battant ainsi de deux kilomètres le record de Farman, sur monoplan Blériot.

De 1909 à 1911 le terrain va accueillir une école d’aviation Morane-Saulnier qui permettra des évolutions d’appareils à destination militaire au même titre que les cerfs-volants, ballons captifs et dirigeables des aérostiers.
Ces derniers, avec leurs convois de maintenance et hangars démontables, sont déplacés pendant les grandes manœuvres avec les voitures colombiers. On compte à l’époque 100 000 pigeons, huit colombiers militaires et quarante-sept sociétés colombophiles réparties sur différents départements. Les évolutions d’aéronefs sont pourtant simplement tolérées sur les champs de manœuvres et font l’objet d’âpres discussions au sein des états major où l’on parle à l’époque d’expériences aéronautiques. Lors des grandes manœuvres à partir du champ de manœuvres voisin des Groues, les évolutions aériennes et les réglages de tirs se faisaient sur ce terrain. Le poste TSF se trouvait sur le « plateau de Saran les Aydes ».
A Cercottes, l’école d’aviation Morane-Saulnier forme des pilotes militaires. Sur les trajets Toulouse et Bordeaux, les militaires estiment idéalement placées les plateformes d’Orléans, escales qui de plus sont proches de Paris. Nombreux sont les avionneurs régionaux et parisiens qui au dessus de la Beauce testent et présentent leurs nouveaux appareils aux autorités militaires sur ce terrain. Certaines expositions d’aéroplanes destinées aux activités militaires, ouvertes au public, créent l’événement et attirent personnalités et curieux, journalistes et photographes.
La Beauce, vaste région, étend son territoire vers le Nord-Ouest d’Orléans. Châteaudun et Chartres sont des villes où l’aéronautique civile et militaire n’a pas manquée de s’exprimer.

« Au laboratoire d’aviation de Vincennes », le Cdt Estienne étudie un appareil démontable susceptible d’accompagner les unités de toutes armes et permettant aux autorités d’avoir toujours près d’elles leurs pilotes et d’en disposer à tous moments. La réalisation de remorques pour transporter les aéronefs légers ne devait pas oublier l’armement de ces aéronefs et le jet de projectiles. Le Lieutenant Colonel Estienne commandera le 22ème RAC régiment divisionnaire de la 6ème division d’infanterie du 3ème corps d’armée. » (D’après Marcelin Hodeir)
De 1910 à 1914, l’évolution de l’aéronautique est spectaculaire, tant sur les aéroplanes que dans les projets ambitieux des traversées au-dessus des océans et des vols à grandes distances destinés dans un premier temps au transport du courrier puis de passagers. Des aéronefs sont déjà armés dans certains conflits de l’époque où l’on parle des premiers combats aériens, à la carabine, et des premiers bombardements comme en Libye, en 1911, où les italiens ont utilisé des aéronefs dans le conflit qui les opposaient à l’empire Ottoman.
L’armée et la marine commandent des appareils spécifiques pour des affectations précises.
Dans chaque arme, les militaires convaincus de l’efficacité des aéroplanes veulent des appareils adaptés à leurs missions. Des meetings et concours militaires sont organisés sur tout le territoire. Des grandes manœuvres mettent en évidence cette nouvelle arme en faisant appel aux pilotes civils expérimentés sur des aéronefs équipés déjà de TSF embarqués. Le camp de Cercottes sera le lieu de multiples essais et démonstrations.


Les meetings
L’engouement du public et des élites pour les compétitions aéronautiques relayées par la presse permettra le lancement de meetings au profit de l’aviation militaire et des souscriptions nationales pour l’aider dans son développement et son équipement. Au nom du patriotisme, des fonds sont recueillis au cours des meetings comme le « Prix du Président de la République ». Pour les « aviateurs militaires », le bénéfice des recettes va à l’aviation militaire.

En 1912 un monoplan Nieuport est descendu par une batterie Turque.
Le 15 avril 1913, avec un avion biplan, moteur Anzani 12 cyl. de 100cv, qu’il a construit, venu de Port Aviation (Juvisy 91) à Cercottes, Florentin Champel* (brevet 94) établira le record de vitesse et de distance avec quatre passagers sur une distance de 250 km en 3 heures et 1 minute (« Ouest Eclair » 14 avril 1913) . Il rentre le jour même à Juvisy avec deux de ses passagers.  Les avions de Champel les plus remarqués sont les biplans Voisin N°4 moteur ENV et N°5 moteur Anzani.

L’armée et la marine commandent des appareils spécifiques pour des affectations précises. Dans chaque arme, les militaires convaincus de l’efficacité des aéroplanes veulent des appareils adaptés à leurs missions.


Le Camp de Cercottes et la grande guerre

En 1914, le camp de Cercottes sera la « base arrière » indispensable au rassemblement des troupes avant leur départ vers le front. C’est ainsi que de Marseille, grâce au réseau ferré, les «British indian corps » de l’armée Britannique 3ème Lahore division et 7ème Meerut division, avec le 47ème Sikhs du Commandant Major Davidson passeront par la Foulonnerie, halte ferroviaire qui desservait également le dépôt de munitions du polygone. Ce qui valut au camp de s’appeler un temps « le camp des indiens », il a vu passer le 2/8 Gurkhas, le 9th Bhopal infantry, le 6th Jats, le 125th Napier’s Rifles et le 39th Garhwal Rifles.
Les Groues, la Chapelle Saint Mesmin, Saint Cyr en Val et Olivet seront des lieux de campement avant le départ pour le front de différentes unités d’indiens dont les célèbres lanciers du Bengale, et autres 129th Balochs, 41st Dogras, 40th Pathans, 4/6th Rajputs et le 89° Punjabis. La ville d’Olivet garde le souvenir de leur passage, une rue de cette ville a été rebaptisée « rue du camp des indiens ».

Le  »camp de Cercottes » n’est pas une caserne comme celles qui ont cours à cette époque, quelques bâtiments en dur pour l’intendance, tout le reste n’est que provisoire et démontable; les soldats couchent sous la tente. C’était avant la guerre un camp  »dit d’été ».

Choisi par le  »service automobile » à partir de mai/juin 1916, le camp de Cercottes est visité le 8 juin 1916 par le Général Mouret (chef du service automobile).

En octobre 1917 il hébergera la compagnie de dépôt 300 équipée de chars légers Renault FT 17 préconisés par le Colonel Estienne organisateur de l’aviation. Cette compagnie est annexée à «l’AS 7 Scheinder » et à l’ « AS 37 et 38 St Chamond » qui deviendra le 500ème régiment « 500 RAS ». Les 80°, 81°, 82° batterie d’AS du 500° RAS assuraient la formation des mitrailleurs et pilotes de chars. Les personnels arrivaient du fort du « trou de l’enfer » de Marly le Roi où ils recevaient une formation élémentaire. A Cercottes, commençaient les tirs aux canons et mitrailleuses, les groupes
rejoignaient ensuite le camp de Champlieu pour y poursuivre leur instruction. Ils étaient affectés en unité de combat à leur arrivée à Champlieu.


Le choix de ce site est lié entre-autre à la proximité du  »camp des tourelles » au sud de la ville d’Orléans dans lequel, au sein de la  »TM 1402 »*, le service automobile assurait la formation  »Auto-école » des conducteurs de chars. Ce site était à  »un point moyen » des trois constructeurs de chars : Saint Ouen (production des chars Schneider), Saint Chamond (production des chars Saint Chamond) et Billancourt (production des chars Renault FT). Cercottes est aussi le site ou Albert Thomas (Sous-Secrétaire d’État à l’armement et aux munitions du ministère de la guerre au sein duquel se trouvait le service automobile) fera livrer et réceptionner dès novembre 1916 les chars  »Schneider » et  »St Chamond » sortant d’usine puis les chars Renault  »FT » à partir de début 1918. Ils sont affectés aux unités de chars constituées à Marly jusqu’en décembre 1917, à la (80° Batterie du 81° RALT  »Régiment d’Artillerie Lourde à Tracteur »), et à la 82° Batterie du 81°  »RALT » qui assureront l’instruction élémentaire ; (conduite de char et utilisation des armes) des personnels affectés à l’AS. Ils rejoindront la zone des armées, une fois leurs matériels et équipement perçus après avoir été testés à Cercottes. Le 81° RALT de Versailles est le corps support des chars jusqu’au 1er mai 1918. L’AS utilise alors deux sites le  »Fort du trou d’Enfer » à Marly-le-Roi et le Camp de Cercottes**.
Les unités élémentaires du 81° RALT  dédiées à l’AS sont les 80°, 81°, 82° Batteries et deviendront les 80°, 81°, 82° et aussi 83° Batteries du 500° RAS crée à Cercottes le 1er mai 1918 en tant que  »structure administrative et d’instruction de l’AS ». Le 500° RAS gérait les personnels permanents de Cercottes et tous les théâtres de guerre, l’instruction des équipages des unités constituées, et les dépôts en matériels (chars, véhicules à roues, bicyclettes . . .), les nouvelles unités constituées y assuraient la formation des mitrailleurs et pilotes de chars, plus les tirs aux canons et mitrailleuses. (La période d’instruction n’excède, normalement, pas plus d’un mois). Les groupes rejoignaient ensuite le camp de Champlieu pour y poursuivre leur instruction. Ils étaient affectés en unité de combat à leur arrivée à Champlieu. Il y avait aussi le  »camp AS » (Artillerie Spéciale) de Mailly-Poivre et celui de Marigny les Bains (de leurs créations fin 1917 jusqu’au début 1918); Camps qui permettaient de mettre à disposition des Groupes d’Armées Centre et Est, soit un volume conséquent d’unités de chars. Quand le camp de Champlieu est abandonné (toutes les unités en cours d’instruction sont basculées sur Cercottes fin mars 1918, et un nouveau camp est créé à Bourron (sud de Fontainebleau) pour décharger Cercottes des BCL (Bataillon de Char Léger) en FT*** et créer et installer le centre de réparation des chars ramenés du combat.

*TM 1402 (Section de Transport Militaire) : C’est dans cette section que tous les conducteurs de l’Artillerie Spéciale, en formation au Camp de Cercottes, étaient instruits à la conduite et à l’entretien des véhicules à roues. La formation sur char (pilotage et entretien) était, à Cercottes de la responsabilité de l’AS (Artillerie Spéciale).
**Les camps des chars (hors zone des Armées) Marly – Cercottes (et Bourron, à partir de l’été 1918).
Les camps des chars (dans la zone des Armées) Champlieu, Mailly-Poivres et Martigny-les Bains.
***Au début de l’AS, les « Schneider » et « St Chamond » étaient baptisés « tracteurs A » et « tracteur B », le « FT» Renault » a dès sa fabrication été qualifié de « char léger » sous différentes appellations au choix :  »Char Renault »,  »Renault FT »,  »Char FT », ou simplement  »FT »,  »Char léger » et ou  »Char léger FT ». Les lettres « FT » ont fait l’objet d’interprétations diverses : « Faible Tonnage », « Faible Taille », voire « Franchisseur de Tranchées » ! « FT est un code chronologique de la production de Renault à l’époque. Le modèle précédent était « FS » et le suivant « FU » ce dernier est un camion destiné au transport du Renault FT. Ce char n’a jamais porté officiellement la désignation  »FT 17 », ni  »FT 18 ». »
Ce n’est qu’à partir des combats de juillet 1918 que des Renault  »FT » (mitrailleuses et canons) seront en fonction pour les chars de commandement, ils ont été mis en place, en remplacement de chars détruits dans les groupes Schneider. Le terme « Tanker », utilisé par les équipages de chars, était un petit « pied de nez » au général Estienne, qui avait banni le mot « Tank » du vocabulaire de l’AS et de toutes administrations militaires ; (sans pour autant totalement y parvenir).
Pendant la guerre : 16 groupes de  »Schneider CA1 » , (rassemblés en 4 groupements) et 12  »Saint-Chamond » (rassemblés en 4 groupements), tous à quinze chars, et 8 régiments de chars légers, (3 bataillons de 75 chars) se révéleront déterminants dans la victoire des forces alliées.
La totalité de ces unités de chars sont passées à Cercottes, pour des séjours plus ou moins long, et tous les chars produits (Schneider, Saint Chamond et Renault FT) y ont transité.

En fin de guerre, début 1919, les effectifs de l’Artillerie Spéciale était de plus de 21000 Officiers, Sous-Officiers et Hommes du Rang, qui sont tous passés à Cercottes.
De fait, l’effectif réel des personnels de l’AS ayant transité à Cercottes est bien supérieur à ça, compte-tenu des personnels affectés et finalement non retenus, des tués, blessés et disparus qui ont été remplacés .


En savoir Plus sur  »l’AS » Artillerie Spéciale
http://pages14-18.mesdiscussions.net/pages1418/Pages-d-Histoire-Artillerie/liste_sujet-2.htm

L’adresse du camp: Groupe AS N°…. Camp de Cercottes par les Aydes LOIRET
http://lagrandeguerre.cultureforum.net/t83178-h-photochar-st-chamond-a-cercottes-81artillerie-lourde-vendue-metz-16-12-14

Jean-Claude Carpentier

Articles adaptés et mis en ligne par D. Flahaut