Historique – Saint-Yan

Un atterrissage clandestin écrit en lettres d’or par la RAF
Par Michel Souillat

Saint-Yan est situé en Bourgogne dans le département de la Saône-et-Loire. (ndlr)

Le 30 janvier 1943, l’officier radio du BCRA, Pierre Delaye, reçoit un télégramme lui indiquant que seront organisés à partir du 11 février, deux atterrissages clandestins de Lysander, appelés Bérénice et Sirène, qui doivent amener en France chacun deux agents : Brutus, Panier, Gallia et Triangle.

Pierre Delaye (Coll. Michel Souillat)

Le 2 février, il reçoit un autre télégramme lui demandant de faire reconnaître le terrain appelé Chamois, carte Michelin 69, à 25 mm Est d’1 gr 80 et 14 mm sud de 51 gr 60 et à 1200 m à l’Ouest de Saint-Yan. Il répond le 7 qu’il l’a déjà fait reconnaître, qu’il s’agit d’un très beau terrain et qu’il a trouvé des complicités, en l’occurrence Claude Commerçon et Jean Burdin, à Marcigny, chacun propriétaire d’une Traction Citroën 11 légère.

Copie du télégramme reçu par Pierre Delaye (Coll. Michel Souillat)

Le 9, le BCRA lui indique qu’il est envisagé de remplacer les Lysander par un bombardier Hudson puisqu’il y aura un cinquième agent, Vector.
Le 10, nouveau télégramme lui indiquant la façon de baliser un terrain pour un bombardier.
Le 12, il apprend qu’il y aura 3 passagers pour  l’Angleterre : Raoul Dautry, qui fut ministre de l’Armement du 20 septembre 1939 au 16 juin 1940 dans les gouvernements Édouard Daladier et Paul Reynaud, sa femme et son fils.
Le 13 vers 23h15, le Hudson se pose à proximité du terrain d’aviation militaire de Saint-Yan, abandonné par l’aviation française depuis le 16 juin 1940, après avoir tourné plusieurs fois au-dessus du terrain, dans le sens Saint-Yan, Montceaux-l’Étoile, Vindecy . La nature a repris ses droits, acacias et genêts empêchent tout atterrissage, de plus clandestin. Cinq passagers en descendent, l’un d’eux, Fernand Gane, perd son chapeau, soufflé par les hélices de l’avion. Il sera retrouvé le lendemain matin par deux gendarmes de Marcigny, Maurice Rizet et Georges Mathieu.
Les passagers montent dans une des Traction et partent à Roanne prendre le train pour Lyon. Les organisateurs de l’atterrissage rentrent à Marcigny avec l’autre Traction.
Le lendemain, 14, Pierre Delaye indique au BCRA que Bérénice s’est bien passé, sans incident et il demande à la RAF de l’excuser pour son balisage laissant à désirer, puisque l’avion étant déjà-là, il a fallu baliser à la hâte. Beaucoup de personnes ont dit ou écrit que le pilote avait voulu s’amuser avec les résistants en répondant par une mauvaise lettre d’identification en morse, alors que la réalité était autre, puisque venir de Marcigny avec des feux de black-out tenait déjà de l’exploit, puisqu’ils n’en sont partis qu’après 21h30, après la confirmation par la BBC de l’atterrissage. Donc qu’ils aient mis plus d’1 h 1/2 pour faire le trajet de 16 kilomètres, n’avait rien d’étonnant.
Le 17, il envoie un nouveau télégramme au BCRA, où il explique n’avoir pas eu le temps nécessaire pour s’occuper de la famille Dautry.
Le 3 mars, Pierre Delaye annonce à Londres que Chamois a été rendu inutilisable par l’installation d’obstacles.
Ce qui est évoqué ci-dessus est absolument irréfutable, puisque c’est extrait des carnets de télégrammes « Arrivée » et « Départ » de Pierre Delaye, et rédigé de sa propre main. Personne ne mettra ses écrits en doute.
Alors, cet atterrissage peu connu est pourtant historique pour la RAF, puisque c’est le premier atterrissage clandestin réussi avec un bombardier. Le général de Gaulle ne s’y est d’ailleurs pas trompé, puisqu’il a décerné la Croix de Guerre avec citation à l’ordre de l’Armée à Pierre Delaye.
La qualité du pilote de l’avion : le lieutenant-colonel Percy-Charles Pickard était alors l’as des as de la RAF, et il devait trouver la mort le 18 février 1944, lors du raid sur la prison d’Amiens, pour libérer des résistants : la célèbre Opération Jéricho.

Lieutenant-colonel Percy-Charles Pickard   (Coll. Michel Souillat)