Histoire du Brevet d’Initiation Aéronautique

 Daniel FLAHAUT Anciens Aérodromes

 

1. Création de l’aviation populaire, réglementation, motivation des jeunes pour le pilotage (1936)

Pour donner suite aux succès remportés par l’aviation militaire durant la Guerre 1914/1918 ainsi qu’au développement de ses trois missions, l’observation, le bombardement et la chasse, lesquelles avaient suscité de l’hostilité de la part de généraux dès le début de la guerre, ordre fut donné aux aviateurs chargés de l’observation d’effectuer des repérages depuis le sol afin de guider les artilleurs et déterminer les meilleurs points de visée pour leurs canons. Le résultat obtenu par l’avion se révéla plus efficace que celui des cerfs-volants sur chacun desquels était embarqué un homme chargé du repérage, mission  pour laquelle les risques étaient évidents. Il en était de même pour les ballons captifs, trop faciles à abattre et limités, dans leur utilisation, par grand vent, par temps de pluie ou de neige. La deuxième fonction assignée à l’avion fut le bombardement : en août 1914, l’aviation française s’attaqua aux hangars à Zeppelin de Metz (alors ville allemande). Enfin intervint la chasse qui neutralisa, par un tir de mitrailleuse Hotchkiss mle 1914, un avion allemand du type Aviatik au-dessus de Jonchery-sur-Vesle dans la Marne. Cet armement avait été installé par un équipage français, le sergent Joseph Frantz, pilote et l’aviateur Louis Quenault, mécanicien-mitrailleur. L’avion est tombé sur la commune de Muizon. L’aviation a ainsi fait la démonstration, durant tout le conflit, de ce qu’elle a apporté relativement à la victoire.

Entre les deux guerres, les Allemands, très consternés par le traité de Versailles, firent progresser, malgré l’interdiction qui leur avait été faite de développer de l’armement, leur aviation par l’utilisation de planeurs. Puis sous le prétexte de perfectionner le sport aérien, ils développèrent l’aviation militaire, ce qui fut constaté par les gouvernements alliés qui restèrent sans volonté politique d’interdiction tandis que les constructeurs français nationalisés s’endormaient sur leurs lauriers.

Lorsque la politique française déboucha sur le Front Populaire en 1936, l’ouverture des choses de l’air à la jeunesse fut baptisée « aviation populaire ».

 

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Pierre Cot, ministre de l’Air (1933-1934 et 1936-1939).

(Source Wikipédia)

 

Le 31 juillet 1936, le Service de l’Aviation Populaire est créé par le ministre de l’Air, Pierre Cot faisant suite à un texte rédigé par Jean Moulin. Le développement de l’aviation se fit en faveur des jeunes, développement qui, en prévision d’un nouveau conflit avec l’Allemagne, se fit aussi à des fins militaires. L’éducation sportive est instituée à cette époque par le ministre de l’Éducation, Jean Zay. Il permit l’essor de l’aviation populaire, l’accès à cette formation débouchant sur un diplôme en rapport avec cette dernière. La formation des futurs pilotes n’était pas non plus oubliée.

Ainsi, l’accès à l’enseignement aérien, ouvert à tous, est gratuit dans l’école de la République.

La formation est ouverte aux jeunes de 14 à 21 ans, de nationalité française et titulaires du certificat d’études ou d’une équivalence.

80 avions furent commandés en juillet 1936 afin de commencer l’instruction puis nouvelle commande, l’année suivante, de 715 avions et de 200 planeurs. En 1932, il n’existait que 90 clubs. En 1937, leur nombre atteint 324 grâce, en partie, à la création des SAP (Sections d’Aviation Populaire).

Le constructeur d’avions Caudron, natif de Favières dans la Somme, est à l’origine de l’école d’aviation du Crotoy. Il avait pour devise « pour vendre des avions, nous devons former des pilotes ».

Cette société fut, avec son Caudron Luciole, le principal fournisseur d’avions pour les aéroclubs (130 livrés en 1937) car, faute d’autres constructeurs français ayant pu développer industriellement leurs usines, il fallut acheter des avions en Angleterre, tels le Salmson Cri-Cri (105 livrés en 1937); une trentaine d’autres le furent par divers constructeurs, ce qui permit d’effectuer les formations. Pour compléter la liste, des planeurs Avia furent livrés aux aéroclubs pour les vélivoles.

 

2. État des lieux après 1945

Par arrêté du 12 novembre 1955, le ministre des Transports Corniglion-Molinier crée le BESA  (Brevet Élémentaire des Sports Aériens).

 

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Corniglion-Molinier, général de division de l’Armée de l’Air et ministre des Transports (1955-1956).

(Origine photo: Assemblée Nationale)

 

Un brevet, le BESA, est créé qui sanctionne l’enseignement aéronautique élémentaire et la pratique des sports aériens. L’examen devient obligatoire pour pratiquer le vol à voile à partir de l’âge de 21 ans, cependant il est ouvert aux jeunes atteignant 15 ans au 1er janvier de l’année de l’examen. Les sujets de l’examen sont sensiblement les mêmes qu’actuellement avec, en plus, des connaissances générales en algèbre, physique et mécanique. Les élèves peuvent obtenir des points supplémentaires s’ils ont eu la moyenne de 10 sur 20 à une épreuve facultative portant sur la technologie des aéromodèles.

Pour être admis, il faut obtenir une note minimum de 100. Les notes supérieures à 120, 140 et 160 permettent de décrocher des mentions. Les dates des examens sont définies par le directeur général de l’aviation civile et commerciale, leur organisation revenant au chef du service de la formation aéronautique et des sports aériens.

 

3. Le 18 mars 1968, Jean Chamant, ministre des Transports du Général de Gaulle, crée le Brevet d’Initiation Aéronautique (BIA) avec entrée en application au 1er janvier 1969.

 

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Jean Chamant, ministre des Transports de 1967 à 1969 et de 1971 à 1972.

(Origine photo : Sénat)

 

L’examen est ouvert aux jeunes gens des deux sexes d’au moins 15 ans souhaitant pratiquer le vol à voile et le vol à moteur. Un jury, désigné par le chef du Service de la Fédération Aéronautique, arrête les épreuves, note les candidats et décide du résultat de l’examen et des sanctions éventuelles. 

Sont reçu(e)s avec diplôme les candidat(e)s ayant obtenu une note correspondant à la moyenne, et ce, sans note éliminatoire pour chacune des épreuves. Le programme comprend la technique élémentaire de vol, la technologie aéronautique, la météorologie, l’histoire de l’aéronautique, la navigation et la réglementation aérienne ainsi que l’aéromodélisme.

Un examen complète les compétences par un diplôme : le Brevet d’Initiation Aéronautique (BIA). Le responsable de la formation en milieu scolaire ou universitaire est titulaire du Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Aéronautique (CAEA).

 

4. Transition vers un nouveau BIA

a) La COMIXA ou COmmission MIXte Aéronautique

La convention du 5 mars 1996 entre l’Éducation Nationale et l’Aviation Civile dépendant du ministère des Transports normalise cette activité et l’élargit à la construction amateure d’aéronefs en créant une commission mixte appelée COMIXA dont le relais est pris, dans chaque académie, par les CIRAS.

Le rôle de cette commission est de présenter au ministre de l’Éducation Nationale, de la Recherche et de la Technologie un programme d’enseignement des sciences et techniques aéronautiques et spatiales pouvant servir de support pédagogique en milieu scolaire et universitaire.

b) Les CIRAS ou Comités d’Initiation et de Recherche Aéronautique et Spatiale

Ils sont co-présidés par un représentant du ministre des Transports et un représentant du ministre de l’Éducation Nationale, les fédérations étant aussi impliquées. Ils réactualisent le CAEA et le BIA en portant, à 13 ans minimum, l’âge des candidats le jour de l’examen, organisent les deux examens et l’ouverture des options.

En 1993, les principales fédérations sportives (F.N.A. et F.F.V.V.) accordent des privilèges dans le cadre de conventions avec l’Éducation Nationale, ce qui conforte les actions entreprises. Ainsi, dès la session BIA 1994, on assiste à une généralisation des vols d’initiation en aéro-clubs associés à cette formation.

Chaque CIRAS est dépendant du Recteur qui nomme ses participants.

Pour les correspondants BIA ou les animateurs formateurs, tout prise de contact avec un établissement public de l’Éducation Nationale devait être préalablement traitée avec le délégué CIRAS du Rectorat qui le coiffe, ceci afin de savoir quel projet cet établissement a déjà bâti en ce qui concerne une préparation au BIA et s’il y trouve son intérêt ou pas.

 

5. Rôle du BIA d’aujourd’hui et encadrement par le CAEA (ont fait l’objet d’une publication en mars 2015)

Après une étude faite par un groupe de travail comprenant  l’Éducation Nationale, la DGAC et le CNFAS (Conseil National des Fédérations Aéronautiques et Sportives), les missions détaillées ci-dessous incombent au BIA et au CAEA suite à la signature d’une convention entre les parties. L’examen se passe toujours sous forme de QCM (Questionnaire à choix multiple). Il s’agit de développer une culture aéronautique initiale. En France, la force de l’aviation découle de  l’importance accordée aux métiers et aux pratiques qui ont su partager un socle culturel commun (loisirs, civil, militaire, pilote, personnel navigant et non navigant, techniciens au sol, commerciaux). Sans oublier l’intérêt industriel qui fait de la France l’un des pays les plus concernés au monde dans ce domaine. De nombreux emplois sont accessibles aux détenteurs de ce diplôme.

Le temps de formation au BIA est d’un an minimum pour une quarantaine à une soixantaine d’heures de cours, à raison d’une à trois heures par semaine, entre début octobre et début mai. Elles sont assurées soit par des professeurs d’établissements regroupés par département pour les troisièmes des collèges ou les classes des lycées, soit dans des aéroclubs, dans certains CFA (Centres de Formation des Adultes) spécialisés ou des IUT (Instituts Universitaires de Technologie).

Le programme du BIA comporte  5 matières à raison de 30 minutes pour chacune d’elles, soit au total 2h30 :

  • aérodynamique, aérostatique et principe du vol,
  • étude des aéronefs et engins spatiaux,
  • navigation, réglementation, sécurité des vols,
  • météorologie et aérologie,
  • histoire et culture de l’aéronautique et du spatial. 

Une épreuve d’anglais en option, d’une durée de 30 mn également, a été maintenue permettant d’acquérir jusqu’à 20 points de plus.

Les activités aéronautiques scolaires constituent un excellent levier pédagogique permettant d’établir un lien prospectif entre l’éducatif et l’aéronautique représentée par l’aviation commerciale et l’aviation militaire, à savoir l’Armée de l’Air et de l’Espace, l’Alat (1), la Gendarmerie, la Police Nationale, la Sécurité Civile. Quant à l’industrie de fabrication et d’entretien qui a besoin de  personnels de haute technicité, ces diplômé(e)s sont particulièrement recherché(e)s, pouvant bénéficier ainsi de salaires convenables.

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Remise du diplôme BIA en 2016 à 83 bénéficiaires par les pilotes de la Patrouille de France sur l’aérodrome de Merville-Calonne (62).

(Photo D. Flahaut)

 

(1) Aviation légère de l’Armée de Terre