Le triomphe international, national et régional de Costes et Bellonte.

Le 2 septembre 1930, nos deux héros se posent à Curtiss Field après avoir passé plus de 37 heures dans le Point d’Interrogation, ce Breguet XIX Grand Raid qui avait déjà réalisé de très grands exploits avant cette traversée légendaire de l’Atlantique « contre les Alizés ».

 

International

Durant les mois de septembre et octobre, nos deux aviateurs et leur avion, devenu légendaire, réalisent une tournée américaine des grandes villes. L’accueil est triomphal dans toutes ces villes.
Cette tournée américaine aura pour nom « le Tour de l’Amitié » et totalisera, en distance de vol, 19000 km.

 

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                                                                 (Photo Natacha Charles)

 

Note sur le retour du Point d’Interrogation et de son équipage :

L’équipage du Point d’Interrogation embarque avec leur avion démonté sur le paquebot France le 17 octobre 1930 à New York et arrive au Havre le 24. Remontage rapide et, le 25 octobre, il s’envole pour le Bourget où il est accueilli comme il se doit.

Origine : http://autographe.com/pdf/Bellonte.pdf 

Pour connaître les détails sur toutes ces périodes, nous recommandons de bien étudier le pdf ci-dessus qui est le reflet de la vente du fonds « Bellonte » en 2016 à l’Hôtel Drouot.

 

National

Le 25 octobre 1930, c’est au tour de l’Etat français de mettre à l’honneur nos deux héros. Gaston Doumergue, Président de la République, décore de la Légion d’Honneur Dieudonné Costes et Maurice Bellonte. C’est ensuite au tour de Laurent-Eynac, alors Ministre de l’Air, de les recevoir. Et pour clôturer cette journée mémorable, c’est enfin à l’Aéro-club de France de les accueillir.

 

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                                      29 octobre 1930 : Le dîner du Gouvernement de la République.

                                                                  (Collection J.-M. CROMBEZ)

 

Mais ce n’est pas le propos du jour. En revanche, de nombreux sites Internet décrivent toute cette journée chargée de souvenirs.

 

Régional

Cette fois, c’est le « Tour de France » qui commence par la patrie du constructeur de cet avion devenu légendaire, Louis Breguet. Douai sera donc la première étape, immédiatement suivie de Lille.

Mercredi 12 novembre 1930 : Départ de Villacoublay à 9h30 pour arriver à l’aérodrome de Douai « La Brayelle » vers 10h45.

 

Trois belles images de la collection de Georges Loncke qui était lui-même pilote à Douai, Lille, Berck …

 

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L’atterrissage, …

 

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… les gendarmes à cheval sont débordés. La foule attend les héros du jour à leur descente d’avion

 

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… l’avion est remisé dans le hangar de La Brayelle.

 

La tournée honorifique peut débuter pour Costes et Bellonte car tout le monde veut les voir.

Le défilé dans les rues de Douai commence. Destination finale : l’Hôtel de Ville.

 

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Deux images de la Collection de Jacques Cottereau de Douai.

 

Il serait possible de continuer à décrire tous les événements de cette journée à l’aide des nombreux articles parus dans la presse régionale mais on risquerait d’oublier certains détails. Parmi tous ces journaux, il y en a un qui est édité sous une forme différente, celle d’un hebdomadaire.

Le « Grand Hebdomadaire Illustré » du 16 novembre 1930 fait sa page de couverture sur cette visite. On y trouve aussi une page complète comportant deux photos sans grand intérêt, ainsi qu’un article « clair, net et précis », qui plus est, bien rédigé.

J’ai donc pensé transcrire cet article qui doit nous donner toutes les précisions sur l’organisation de cette journée.

 

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G.H.I. du 16.11.1930. (Collection J.-L. Charles)

 

 « Les héros de la traversée de l’Atlantique, Costes et Bellonte, ont commencé, le 12 novembre, le tour d’amitié à travers la France. On sait que la première escale de cette tournée est Douai, d’où les aviateurs se rendront successivement à Lille, Metz, Strasbourg, Nancy, Dijon, Clermont-Ferrand, Lyon, Marseille, Perpignan, Toulon, Pau, Bordeaux, Angers, Rouen et Reims.

A bord du « Point-d’Interrogation », révisé et remis au point, Costes et Bellonte ont pris leur vol à 9 h. 30, à l’aérodrome de Villacoublay, pour Douai. De nombreux amis des deux pilotes assistaient, au départ de l’appareil qui s’est effectué normalement, par un temps splendide.

Vers 10 h. 45, le « Point-d’Interrogation », tout rouge, est annoncé à La Brayelle, et, après avoir fait quelques tours de piste, atterrit sans incident ; tous les noms de villes où, au cours de leurs multiples randonnées, les aviateurs se sont arrêtés, sont peints sur la coque de l’aéroplane.

Triomphalement, Costes et Bellonte sont transportés sur les épaules des Douaisiens enthousiasmés, et c’est aux cris de « Vive Costes ! », « Vive Bellonte ! », qu’ils sont conduits devant les personnalités. Le service d’ordre est débordé.

Des bouquets, faits des plus jolies fleurs, sont offerts en nombre incalculable ; puis ils sont conduits au monument des aviateurs tués à la Brayelle, pour rendre hommage à leurs aînés ; puis la cohue est inimaginable, et il est très difficile aux officiels de se frayer un passage.»

 

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Le monument Madiot de La Brayelle. Ce monument existe encore aujourd’hui mais il est caché par un énorme bosquet.

(Collection Jacques Cottereau – Douai. Cette image est identique à celle que l’on trouve sur le site Aérostèles.)

 

Les aviateurs montent ensuite en voiture découverte et, suivis d’une multitude d’autos, s’en vont vers les usines Breguet, la Chambre de commerce et l’Hôtel de Ville, où des réceptions sont organisées.

 

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Les usines Breguet de Douai. Louis Breguet est entre Costes et Bellonte.

(Collection Jacques Cottereau – Douai)

 

Peu après, les héros de l’Atlantique gagnèrent Lille en auto.

A leur vue, la foule pousse de vibrantes acclamations auxquelles les vainqueurs de l’Atlantique répondent d’un geste familier de la main dont le cinéma et les photographies se sont déjà emparé.

Costes et Bellonte remercient en quelques mots M. le Préfet du Nord, le commandant Grotard, président de l’Union des officiers de réserve et les dirigeants des clubs d’aviation qui leur souhaitent une
cordiale bienvenue. Puis ils prennent place en compagnie du comte de Montigny, dans l’auto de M. Hector Franchomme, président de l’Automobile-Club du Nord, que son propriétaire conduit lui-même.

 

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 La sortie de la préfecture de Lille.

(Collection J.-M. Crombez)

 

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Au premier plan, de gauche à droite :

Athelstan Marin-la-Meslée, père d’Edmond Marin-la-Meslée et secrétaire de l’Aéro-club de Lille, Favières, adjoint à la Mairie de Lille, Charles Delesalle, député du Pas-de-Calais avant de devenir en 1933 sous-secrétaire d’Etat à l’Air, Costes, le préfet Langeron, Bellonte, le comte Alfred de Montigny, président de la Ligue Aéronautique du Nord et Charles Crombez, président de l’A.A.N.F. (Association Aéronautique du Nord de la France).

 

« Et c’est alors, jusqu’à la préfecture, un défilé triomphal à travers une mer humaine que le service d’ordre est impuissant à refouler sur les trottoirs. Sur la place de la République, noire de monde, les sociétés patriotiques, avec leurs drapeaux, attendent les deux aviateurs, dont l’arrivée est saluée par La Marseillaise, jouée par la musique du 43ème régiment d’infanterie. Des milliers de poitrines poussent des hourras frénétiques lorsque Costes et Bellonte, juchés sur le perron de la préfecture, saluent la foule qui ne cesse de les acclamer. Dans le salon d’honneur, M. Langeron souhaite au nom du département, une cordiale et affectueuse bienvenue aux deux héros et dit l’admiration qu’a suscitée dans le Nord et à Lille leur magnifique exploit.

A leur sortie de la préfecture, les aviateurs remontent en automobile avec M. Charles Crombez. L’enthousiasme sur la place de la République est indescriptible : des vivats sont chantés, tandis que les étudiants qui entourent la voiture des vainqueurs de l’Atlantique, répètent inlassablement les « chics » et les cris de guerre particuliers à chacune des grandes écoles.

Costes et Bellonte arrivent à l’hôtel de ville un peu avant 17 heures et, après avoir échangé quelques poignées de main, pénètrent dans le vaste hall brillamment illuminé où a lieu la réception prévue.

Par la rue Saint-Sauveur, la rue Faidherbe et la place du Théâtre, le cortège gagne ensuite le Cintra, siège du Club d’Avions Légers des Flandres. 

Une réception, d’un caractère plus intime que les précédentes, a lieu dans la salle du premier, réservée au club.

Toujours acclamés par la foule de plus en plus dense, les deux héros arrivent à la Bourse du commerce où M. Pierre Thiriez, remplaçant M. Alfred Descamps, leur souhaite la bienvenue.

Après avoir bu une coupe de champagne, les aviateurs traversent le hall de la Bourse au milieu des acclamations. Une brillante fête mondaine, un banquet qui était offert dans la salle des Ambassadeurs par les sociétés les ayant reçus à Lille, a terminé cette journée.»

 

Ainsi s’achève cette journée mémorable.

 

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Le dîner de la salle des Ambassadeurs. (Collection J.-M. Crombez)

 

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Le menu du dîner du 12 novembre 1930. (Collection J.-M. Crombez)

 

Le saviez-vous ? 

Les archives de Monsieur Cottereau de Douai recèlent de fabuleux trésors. En effet, qui se souvient que, dans les années 30, les chansonniers raillaient sur l’actualité et, dans certains cabarets, on chantait aussi la Gloire de nos héros, mais souvent avec un certain « Humour pas toujours valorisant » ?

Les trois pages suivantes de la chanson sont à votre disposition sur demande.

 

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L’après « Costes et Bellonte »

Costes occupera plusieurs fonctions dans les années qui vont suivre son exploit. En 1933, lors de la création d’Air France, il sera inspecteur technique puis, en 1936, administrateur de la société de fabrication de moteurs Hispano-Suiza, chargé des questions commerciales.

Durant toutes ces années, il voyagera en France afin de dispenser une parole aéronautique de spécialiste. C’est ainsi qu’il devait faire une conférence à Lille vers 1935-1936.

Les Ailes du Nord, journal mensuel régional et très corporatiste, s’en fait l’écho. C’est après avoir rendu compte du bon accueil des pilotes qui est fait dans notre région que l’on peut lire ceci :

« …. Beaucoup moins chaleureux l’accueil qui était réservé à Costes, le conférencier. Le grand pilote transatlantique qui a décidément un teint bruni et qui semble venir tout droit du Sahara, paraissait à Ronchin, marcher en plein désert. Son passage fut discret, un peu trop même. A sa conférence du soir, public clairsemé et réfrigérant. Il y eut un film très instructif. S’il conduit mieux un avion que le fil d’une causerie, Costes fut cependant très intéressant et l’on entendit également une causerie plus nerveuse de M. Conty, une conférence dans laquelle le jeune et distingué représentant d’Air-France se double d’un poète, et avec une magnifique aisance. »

C’est en faisant une corrélation de l’événement avec une photo qui m’a toujours posé problème que j’ai pu assembler les deux faits, le texte et la photo ci-dessous.

 

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(Collection Maurice Defives).

 

Sur cette image prise à Lille-Ronchin, on découvre 4 personnages particuliers :

A gauche de Costes, Henri Mignet qui était de passage à Lille pour les essais d’une maquette de Pou dans la soufflerie de l’I.M.F.L., Dieudonné Costes qui a l’air un peu dubitatif, Guez, l’homme qui, à Lille, s’occupait d’organiser les meetings et le président de la section « L’Envol », Maurice Defives, qui faisait voler des avions légers de type Pou.

 

J’insiste beaucoup sur le personnage qui se nommait Guez car c’était certainement lui qui avait organisé la conférence de Costes.

Afin de mettre un point final au passage de Costes à Lille, il est bien intéressant de lire la suite de l’article des Ailes du Nord :

« A quoi tient ce peu de succès du séjour à Lille du grand aviateur ?

Nous le savons fort bien et tout le monde le sait, sauf certaines gens qui pourraient bien un jour l’apprendre à leurs dépens, que dans la réussite d’une fête, d’une réunion, d’une manifestation la Presse entre désormais – et nous sommes modestes – pour une part de 50%. Ce gaffeur, chargé de préparer à Lille la venue de Costes, l’ignorait sans doute. Dans un cercle d’amis où il ne soupçonnait pas la présence d’un journaliste, il annonça un peu haut, avec désinvolture, qu’il prenait à son compte la publicité dans la Presse et qu’il « ferait marcher les journaux ». Hélas, un petit mot d’ordre circula. Mes journaux ne « marchèrent » pas, Costes ne fit pas recette.

Ce qui prouve que les choses ont un peu changé, qu’il peut coûter cher de considérer les journalistes pour des sortes de larbins qu’on méprise ou qu’on achète, que ceux-ci sont, plus que jamais, décidés à user de réciproque, à être utiles aux gens courtois et à laisser « tomber » froidement les autres, qui du reste, n’offrent aucun intérêt. »

 

Jean-Luc Charles – Membre 2A