Histoire de la Liller Halle de Spire en Allemagne 

                                 Jerome Grosse (membre 2A)

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Les Usines Thomson à Lesquin

Le nom de Liller Halle au Musée des techniques de la ville de Spire en Allemagne m’a interpellé. Pourquoi ce nom de Liller Halle (en français la Halle de Lille) ?

Eh bien, tout démarre à Paris en 1893 avec la création de la Compagnie Française pour l’exploitation des procédés Thomson-Houston (CFTH).

Celle-ci est créée  pour exploiter en France les brevets de la société américaine Thomson-Houston (futur General Electric, conglomérat américain fondé en 1892 suite à la fusion d’une partie de Thomson-Houston Electric Company et d’Edison General Electric Company).

CFTH  deviendra par la suite Thomson-Brandt puis Thomson.

Avant la guerre de 14-18, il y avait 4 usines à Paris et 1 autre à Lesquin.

Lesquin produisait des turbines à vapeur, des dynamos, des câbles, des téléphones, des moteurs électriques, des batteries et des ampoules électriques.

 

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L’usine de Lesquin en 1920 (Coll Jerome Grosse)

 

Le bâtiment principal du musée, la Liller Halle, avait été assemblé en 1913 dans le nord de la France à Lesquin, près de Lille, pour la société Thomson-Houston.

Lorsque les usines aéronautiques du Palatinat établies à Speyer en 1917 eurent à fabriquer des avions militaires, elles cherchèrent un centre de production adéquat.

Le mieux et le plus rapide fut de trouver un bâtiment à ossature métallique que l’on pourrait assez facilement démonter et transporter. L’usine de Lesquin fut complètement démantelée par les troupes allemandes puis transportée à Speyer et reconstruite en 1915.

 

La ville de Spire

Spire (Speyer en allemand) est une ville portuaire et un arrondissement du Sud du Land de Rhénanie-Palatinat. C’est une ancienne ville impériale dont l’imposante cathédrale romane est l’un des monuments majeurs de l’art du Saint-Empire romain. Cette cathédrale a été, pendant près de trois cents ans, le lieu de sépulture de huit rois et empereurs allemands.

Pendant la guerre de 14-18, la région du Palatinat faisait partie de la Bavière. Les usines Pfalz travaillèrent donc pour les Königlich-Bayerische Fliegertruppe.

 

Structures de la Liller Halle

Le bâtiment à trois nefs a une superficie de près de 8 000 m² et consiste en une construction en fer ou en acier dont le squelette est solidement maçonné de briques.

Une estimation de 700 tonnes de poutrelles est donnée par les archives de Spire.

L’usine de Lesquin avait été construite en 1899 sans doute en plusieurs étapes.

Le bureau d’études était celui d’Edmond Sée (1836-1909) et de son fils Armand (1868-1913).

En 1866, Edmond avait créé à Lille avec son frère Paul le premier cabinet d’ingénieur industriel. Tous deux étaient des Ingénieurs Arts et Métiers sortis de Chalons.

La conception de ce bâtiment est très moderne : des toitures en shed (c.-à-d. à redans partiels ou dents de scie) bien éclairées, des vitrages tout le long du bâtiment et des portées importantes entre chaque travée de piliers métalliques.

 

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La Liller Halle à Lesquin avant son démontage (extrait publication DR)

 

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 La Liller Halle à Spire abandonnée dans les années 80. (coll.Jérôme Grosse)

                                 

Les Usines Pfalz de Spire

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Affiche usine Pfalz.

 

Cette société avait construit, sous licence, avant la Première Guerre mondiale, des monoplans Morane-Saulnier (mis en service actif sous les désignations Pfalz A et E), puis avait produit, également sous licence, des L.F.G. Roland D.I et D.II ainsi que des Rumpler C.I et C.IV.

 

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La première usine Pfalz. (source inconnue DR)

 

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Affiche usine Pfalz.

 

"/La Liller Halle est à droite. (coll.Jérôme Grosse)

 

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Un superbe Pfalz Parasol à Houplin-Ancoisne en 1915. Les locaux reconnaîtront les marronniers de la Pouillerie. (coll.Jérôme Grosse)

 

Désireuse de fournir à la Luftstreitkräfte (ancêtre de la Luftwaffe) un nouveau chasseur léger, la société Pfalz décida début 1917 de monter son propre bureau d’études. Pour gagner du temps, les ingénieurs allemands décidèrent de demeurer dans les standards de l’époque.

C’est ainsi que naquit le D.III au printemps de 1917 et, à la fin de la guerre, le Triplan Pfalz Dr. I.

Plus de 2500 avions sortirent des chaînes à la fin de la guerre.

 

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Un Pfalz D.III aux mains de Franz Hailer. (coll.Jérôme Grosse)

 

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Le Pfalz  D.XII du Lt. Josef Raesch a été détruit par un bombardement anglais en août 1918. Les pilotes de la Jasta 43 posent humoristiquement sur le terrain de Santes.

(coll.Jérôme Grosse)

 

"/Nancy Place Stanislas. (coll.Jérôme Grosse)

 

La Seconde Guerre mondiale

En 1932, la société Pfalz Flugzeugwerke disparaît. En 1937 est créée  la Flugwerke Saarpfalz GmbH. Elle était chargée d’exécuter des  travaux de maintenance ou de transformation sur les Focke-Wulf Fw 58, les Heinkel He 45, He 46, He 51 et He 111 ainsi que sur les Junkers Ju 52 et Ju 88.

1500 personnes y travaillèrent pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

Les occupations françaises à Spire

En 1919, l’armée française d’occupation en Rhénanie a confisqué ces usines pour en faire un entrepôt de véhicules militaires, actif jusqu’en 1926. Les derniers contingents français ont quitté la ville en 1930.

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les usines se trouvèrent de nouveau en zone française d’occupation (période allant de 1945 à 1984) ; elles servirent de caserne tout en étant peu à peu démantelées.

En 1956, la plupart des anciens bâtiments furent démolis et des casernes furent construites pour les soldats français : ce fut le Quartier Martin.

En 1945, le 6ème Régiment de chasseurs d’Afrique arrive à Spire.

De 1961 à 1984, le 1er Régiment de Spahis occupa l’ancien siège administratif de Pfalz.

D’autres régiments, ceux du Génie (les 10ème et 32ème), occupèrent un autre site : le Quartier Normand.

 

"/Les usines Pfalz à la fin de la Seconde Guerre mondiale: à gauche, la Liller Halle et, à droite, la future caserne des Spahis. (DR)

 

"/Caserne des Spahis : ancien siège administratif de Pfalz. (coll.Jérôme Grosse)

 

"/Le 1er Régiment de Spahis défile à Spire avec son célèbre burnous. (coll.Jérôme Grosse)

 

"/Le dernier camion du 10ème Régiment du Génie quitte Spire le 22 mai 1997.

(coll.Jérôme Grosse)

 

La création du Musée des techniques de Spire

Les sans-abri vivaient dans la caserne, un cirque hivernait dans la Liller Halle, les fenêtres étaient cassées. Les murs barbouillés ainsi que de grandes parties du Wilhelmsbau d’aujourd’hui ont été victimes d’un incendie.

 

"/Liller Halle en 1989. (coll.Jérôme Grosse)

 

En 1989, les propriétaires du Musée de Sinsheim (40 km à l’est de Spire) achetèrent le site.

Sinsheim est le plus grand musée privé d’Europe et accueille plus d’un million de visiteurs par an.

Les travaux de rénovation ont commencé en août 1990. Le musée des techniques de Spire (Technik Museum Speyer) a été officiellement ouvert le 11 avril 1991, la Liller Halle servant de salle d’exposition.

 

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Le Musée de nos jours et la Liller Halle.

 

Que sont devenues les usines Pfalz-Flugzeugwerke ?

Eh bien, elles sont toujours là, non loin de la Liller Halle, le long du Rhin.

Entre 1956 et 1958, la Ernst Heinkel-Fahrzeugbau y fabriqua les voiturettes Heinkel Kabine.

 

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Voiturette. (coll.Jérôme Grosse)

 

Les usines aéronautiques de Spire subirent ensuite les fusions avec Fokker, MBB, DASA et AIRBUS.

Le 1er janvier 1997, l’usine est officiellement cédée aux employés restants. Le nom de la première usine aéronautique de Speyer est réutilisé: Pfalz-Flugzeugwerke ou PFW.

Les usines aéronautiques  Pfalz sont connues dans le monde entier sous l’acronyme PFW. En juin 2006, le nom a été changé en PFW Aerospace AG. En 2011, Airbus reprendra 74,9% de PFW. Depuis lors, PFW exerce ses activités sous le nom de PFW Aerospace GmbH.

 

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Vue aérienne. (DR)

 

Sources :

Journal Wiwa-Lokal

Archives de la ville de Spire

Archives de la PFW

Archives Thomson-Houston

Archives du Musée de Spire

 

Jérôme Grosse

Membre 2A

Arzon, le 11 octobre 2018