Georges Guynemer à Bierne

Introduction
Georges Guynemer a près de 20 ans quand la guerre éclate en 1914. Né dans une famille aisée, de constitution fragile, très tôt attiré par l’aviation naissante, inapte au service armé, il devra utiliser ses relations pour entrer dans l’aéronautique militaire.
Il obtient son brevet de pilote à Avord en avril 1915 et devient rapidement caporal puis sergent. Il remporte sa première victoire aérienne le 19 juillet 1915 aux commandes d’un Morane-Saulnier « Parasol » de 80 ch.

La naissance d’un « as »
En décembre 1915, il descendra 3 autres avions, ce qui lui vaudra la Légion d’honneur, le jour de sa majorité, le 24/12/1915 remise par R. Poincaré, président de la République.
Le 13 mai 1916, c’est au sous-lieutenant Georges Guynemer, jeune « as » auréolé de huit victoires que revint l’insigne honneur de présenter au corps des aviateurs le drapeau remis par le président de la République, Raymond Poincaré, lors d’une cérémonie sur la base aérienne de Dijon qui portera son nom jusqu’à sa dissolution en 2016.
Ses avions successifs Morane, puis Nieuport, puis SPAD, étaient peints en jaune, portaient le n°2, étaient appelés « Vieux Charles ».

L’escadrille des cigognes
Au 1er novembre 1916, le Groupe de Combat 12 comprend les quatre « Escadrilles des Cigognes » suivantes : la N 3 (celle de Guynemer), les 26, 73 et 103. C’est à cette date que fut adopté l’insigne de la cigogne par chacune des escadrilles. Cet oiseau majestueux est imposé comme emblème à toutes les escadrilles du Groupe de Combat 12, et la cigogne est représentée selon plusieurs modalités. Celle de l’escadrille N3 « la cigogne en vol à ailes basses », est la plus connue.

Le metteur au point
Il était souvent absent de son escadrille car il s’occupait beaucoup du perfectionnement des avions en liaison avec l’ingénieur en chef de chez SPAD, M. Louis Béchereau, tant au point de vue moteur, (mise au point moteur 200 ch) que des armes (mise au point du tir à travers l’hélice). Notamment le SPAD XII, dit « Spad canon » équipé, outre une mitrailleuse, d’un canon de 37mm identique à celui des chars Renault de l’époque et tirant à travers le moyeu de l’hélice. Mais il avait l’inconvénient d’être difficile à manier (recharge à chaque coup) et fut vite abandonné. L’avion avec lequel il a été abattu était un SPAD XIII équipé de 2 mitrailleuses Vickers de 7,7mm de 500 cartouches chacune.

La Gloire
A la fin de 1916, il a 25 victoires à son actif. Il fait la une des journaux, il est devenu une gloire nationale. Il est promu capitaine le 21/2/1917.
Pilote infatigable, parfois solitaire, ce qui lui vaut des reproches de sa hiérarchie, il est crédité de 53 victoires, dont 6 dans le ciel des Flandres.
Après 45 victoires, la croix de Chevalier de la légion d’honneur lui est remise le 5/7/2017 peu avant son départ pour Bierne.

Le terrain d’aviation de Bierne
Il s’agit d’un terrain créé par l’armée britannique qui avait la responsabilité des opérations dans notre secteur au début de 1917 . Il était situé au droit du chemin Danel, face à la ferme aujourd’hui occupée par la famille Coevoet. La piste était orientée O/E (vents dominants). Notons que c’est précisément à cet endroit qu’il avait été envisagé de créer « l’aéroport de Dunkerque » dans les années 1960.
On trouve dans nos archives beaucoup de documents officiels d’expropriation des terrains ainsi que de demandes d’indemnités des cultivateurs. Félix Coquelle, conseiller général, maire de Rosendaël, intervient auprès de Paul Meesemacker, maire de Bierne pour le règlement rapide de l’indemnisation de terrains, propriété de sa belle-mère.

Le séjour de Guynemer à Bierne
Son escadrille des cigognes est arrivée à Bierne le 12 juillet 1917, en provenance de Bonne-Maison (commune de Fismes dans la Marne), pour prendre part à la bataille des Flandres (offensive franco-anglaise juin/octobre 1917). Guynemer sortait d’une assez longue période de maladie. Il est logé à la ferme Deroo (aujourd’hui Debruyne, route des sept planètes).

(Photo extraite du site d’Albin Denis http://albindenis.free.fr/ – Coll. Philippe Guillermin)

 

La ferme Deroo, route des sept planètes
Elle était exploitée par la famille de Lucien Deroo, marié à Marie-Madeleine Janssen. Ils avaient 4 enfants : Marie (1911), André (1912), Suzanne (1913) et Joseph (1914). Pour l’histoire notons qu’ils émigrèrent au Maroc en 1932.
Récit de Madame Lucien Deroo : « C’était un grand mince, gentil mais très énervé. Cela devait provenir de sa santé délicate. Il était capitaine à l’époque. Quelquefois avec ses amis, il offrait à diner à des officiers venant d’ailleurs. Il ne pouvait pas les recevoir dans les baraques sous les arbres, alors il me demandait l’autorisation de disposer d’une pièce dans la ferme. Je préparais la table et des chaises dans la salle à manger, et ils passaient la soirée là. Je les laissais entre eux. Il était toujours discret, la gloire paraissait le gêner.
A la « popote » lorsque les officiers fêtaient un exploit, M. Guynemer demeurait du plus grand calme, le plus simple comme éloigné du bruit.
Il avait confectionné pour les enfants de la ferme un petit aéroplane en bois, maquette hélas détruite.
De temps en temps, on voyait les avions partir et revenir, parfois il en manquait…
Le témoignage de M. Joseph Deroo (un fils) indique qu’il y a logé jusqu’à son dernier jour. En effet on peut penser que Guynemer dont l’escadrille, même officiellement basée à St Pol sur Mer depuis début septembre, rentrait le soir à Bierne où il trouvait la quiétude qu’il affectionnait. De plus, il se trouvait à l’abri par rapport à St Pol sur mer, terrain exposé aux bombardements (raffinerie, port).
Il était absent le 13 août 1917, quand Albert 1er, le roi des belges, le Général en chef britannique Haig, le Général Anthoine commandant la 1ère armée procèdent à une remise de distinctions sur le terrain de Bierne.

Un autre as : L’adjudant Fonck
Muté à la SPA 103, il arrive à Bierne fin août 1917. Il logea à la ferme de Diomède Vernaelde, la plus proche du terrain (actuellement ferme Coevoet, chemin Danel). On peut donc dire que les 2 plus grands as de l’aviation française de 1914/1918 ont logé ensemble à BIERNE.
Son dernier vol
Il avait remplacé le capitaine Heurtaux, blessé, comme commandant de l’escadrille N3. Le 11 septembre 1917, le Commandant Brocard, commandant le groupe de combat était attendu à St Pol sur Mer pour signifier à Guynemer sa « mutation » à l’arrière. Il était devenu un enjeu national, et on le sentait tendu, surmené.
Guynemer décolle à 8h35 sur son SPAD XIII N° S504 en compagnie du lieutenant Bozon-Verduraz. Ils se perdent de vue au cours d’un accrochage au-dessus de Poelkapelle (5km au Nord d’Ypres).

Épilogue
Son avion ayant été abattu dans une zone dévastée par les bombes de la bataille des Flandres de 1917, son corps n’a pas été formellement retrouvé, même si les autorités allemandes certifient qu’il a été inhumé avec les honneurs militaires. Il aurait été abattu par le Lieutenant Wisseman, lui-même tué fin septembre. Plusieurs zones d’ombre entourent le mystère de sa mort, sur lequel je laisse les spécialistes le soin d’épiloguer.

Henry Dehaene (membre 2A)

Parution dans le journal communal de Bierne en juin 2017