PASSY Mont Blanc

Aérodrome privé de Passy – Mont-Blanc

Le Passy dont il est question aujourd’hui n’est pas le quartier chic de l’Ouest parisien, mais une petite bourgade paisible de Haute-Savoie, située entre Genève et Chamonix, au pied du Mont-Blanc. L’activité aéronautique se résume aujourd’hui à un terrain de vélivole sur lequel flotte mollement une vieille manche à vent.

Mais il y a quelques signes alentours qui ne trompent pas : le terrain est longé par l’avenue de l’aérodrome, et à quelques pas de là, près de la voie ferrée empruntée par le petit train de Chamonix, on remarque une salle des fêtes à l’architecture qui interpelle l’amateur d’aérodromes anciens…

Pas de doute, nous sommes bien sur un haut lieu historique de l’aéronautique de haute montagne : l’aérodrome de « Passy – Mont-Blanc » aussi appelé un temps « Le Fayet – Passy – Mont-Blanc »   (dimensions : 600 m x 350 m).

L’aventure commence en 1911. A cette époque, Charles VALLET, un ingénieur marseillais, a l’idée de profiter de l’intérêt géographique et touristique du lieu pour créer une école de pilotage. Pour ce faire, il s’associe avec M. SCHMIDT, un industriel local propriétaire du terrain. VALLET fait construire un hangar en bois derrière le « café des Prairies » (aujourd’hui « le Feeling ») et achète trois BLERIOT XI.

90 ans après le café des Prairies est toujours là malgré quelques changements de propriétaires

Pour promouvoir l’activité, il organise une grande fête aérienne (une première dans la vallée de l’Arve) au cours de laquelle le pilote OULETTE effectue démonstrations et baptêmes de l’air. Comme toujours à cette époque, le succès populaire est considérable, mais les retombées commerciales bien décevantes ; un seul volontaire pour les leçons de pilotage ! VALLET abandonne, le hangar est démonté et le terrain retourne à la pâture.


L’histoire résumée sur une photo de 1935

C’est en 1928 que l’activité aérienne reprend à Passy sous l’impulsion de son maire Théophile VALLET (l’installation de Charles avant-guerre n’était visiblement pas un hasard !) mais surtout du lieutenant pilote militaire Joseph THORET qui, grâce à son expérience du vol à voile, applique à l’aviation les grands principes du vol libre : l’utilisation des courants naturels.

Le hangar Bessonneau d’origine militaire construit en 1928.
Notez les portes souples…

Le même en 2011 transformé en salle des fêtes en 1980.
Dommage que les inscriptions aient été effacées…

Le système de scellement est d’origine

La nouvelle activité prendra le nom de Thoret-Mont-Blanc (ou Thoret-la-Tempête) ; un hangar métallique racheté à l’armée est installé (transformé en 1980 en salle des fêtes municipale) pour accueillir en juin les Potez et Salmson destinés aux cours de pilotage et au transport, mais surtout le Farman Goliath « Languedoc » qui emmène les touristes tutoyer le sommet du Mont-Blanc voisin. La maîtrise de THORET des courants ascendants locaux permettant à l’énorme avion de dépasser ses capacités théoriques en matière de plafond de vol. Les retours à la terre ferme se font en vol plané, ce qui devait laisser des souvenirs inoubliables aux passagers de l’époque ! A noter que le Guide aérien Michelin de 1930 indiquait que « le terrain était peu recommandé aux avions lourds et rapides et sujet à des remous l’après-midi ». On apprécie mieux le talent de THORET dans pareilles conditions.

En 1929, c’est la société POTEZ qui reprend l’affaire et installe une de ses célèbres stations tout en conservant les mêmes activités, du cours de pilotage aux excursions alpines en passant par la promotion du matériel maison en conditions difficiles.
Mais THORET, aussi bon pilote fût-il, avait un caractère « entier » ; il est bientôt remercié par ses nouveaux employeurs et remplacé par Pierre SERGE son adjoint.
En 1933 eût lieu un grand meeting aérien inauguré par Pierre Cot, Ministre de l’Air, les commentaires au micro étant confiés à Roger Frison-Roche, le célèbre guide et journaliste.
En 1936, suite aux nationalisations, l’Aéro-station Potez ferme ses portes. La société Mont-Blanc Aviation est créée pour la remplacer (pilote et gérant Firmin GUIRON) et une section d’Aviation Populaire voit le jour malgré l’interdiction à la circulation aérienne publique de l’aérodrome de Poissy depuis 1935.

Passy – Mont-Blanc dans les années 30

et en 2010…

L’entrée en guerre marque l’arrêt des activités de l’aérodrome. Il faudra attendre février 1945 pour revoir des avions militaires capturés à l’ennemi aller mener quelques actions sur le col des Géants pour mettre fin aux dernières résistances allemandes dans la vallée d’Aoste.
L’Aéro-Club du Mont-Blanc renaît alors de ses cendres, toujours mené par GUIRON, ajoutant même quelques activités nouvelles comme le remorquage de planeurs et les stages d’hélicoptères.
En 1962 GUIRON cède sa place à Jacques ANGOT.
Au début des années 70 l’Aéro-Club quitte Passy pour Sallanches car la mairie a des ambitions immobilières pour le petit terrain montagnard.
Celui-ci ferme définitivement en 1973.
Seuls subsistent de cette époque le « bistrot » et le hangar, mais une nouvelle salle des fêtes doit se construire dans le quartier, le devenir de ce dernier est plus qu’incertain…

François PAQUET

Sources documentaires :
Atlas historique des terrains d’aviation de France métropolitaine édité par la mémoire de l’aviation civile
Passy hier et aujourd’hui de Pierre DUPRAZ
Un grand merci à Brigitte BLANC pour son accueil et la promenade
Photos : IGN – Photothèque Nationale / FP