Saint-Inglevert

 

 

L’aérodrome de Saint-Inglevert se trouve au Nord de la commune du même nom, 13km au Sud-Ouest de Calais. Il est situé sur une colline culminant à 130m au dessus du niveau de la mer et bénéficie d’une piste bétonnée de 603m x 40mm, 03-21 construite par les Allemands durant la seconde guerre mondiale.

L’aérodrome est le siége de l’aéroclub du Boulonnais, l’utilisation de la piste est soumise à demande d’autorisation. Contacter pour cela l’aéroclub, voir formulaire et coordonnées sur leur siteweb.

 

La première utilisation du site remonte à la période de la première guerre mondiale avec présence du Royal Flying Corps sur la région occupant alors des plaines d’aviation comme sur les communes de Marquise, Caffiers, Boulogne et Saint-Inglevert.

 

Voici une liste d’unités présentes sur le terrain :  ( sources François Paquet / Mike O’connor)

–  No.21 Squadron du 03 au 21 avril1918 (avions de  reconnaissance et d’appui Royal Aircraft Factory R.E.8)  ou du 13 au 22 avril 1918 selon Mike O’Connor.

–  No.214 Squadron du 29 juin au 23 octobre 1918 (bombardiers Handley Page O/400)

–  No.115 Squadron 1er au 11 novembre 1918 (bombardiers Handley Page O/400)
ou du 1er novembre 1918 au 4 mars 1919 (source Mike O’Connor)

–  No. 97 Squadron du 17 novembre 1918 au 4 mars 1919  (source Mike O’Connor)

–  No.100 Squadron  du 17 novembre 1918 au 4 mars 1919 (source Mike O’Connor)

On y retrouve également la présence de l’aviation navale US en 1918 avec la 1ère et 2ème escadrille sur Sopwith Camel avec cantonnement dans la commune de Saint Inglevert ( lieu ?). Il serait question d’un séjour dans un château ?

( source  Narayan Sengupta   http://www.usaww1.com )

 

La localisation actuelle n’est pas celle des débuts (voir photo ci-dessous). L’aérodrome fut en effet créée en 1920 et se trouvait alors au bord de la route quittant la commune. La route d’accés actuelle longe d’ailleurs le terrain initial utilisé alors pour l’aviation populaire et comme station frontière douanière de l’aéronautique civile. Ce terrain en herbes allait devenir un haut lieu de l’aéronautique régionale avec installation d’un club et aménagement de deux hangars avions ( 34mx30mx 8.50m), radio à ondes ultra courtes avec deux pylones de 30m de haut pour la vérification en douane des avions étrangers y faisant escale, bâtiment d’accueil en l’occurence l’habitation en bord de route à l’entrée du terrain actuel et même un bureau méteorologique.

 

Le Petit Journal 02 septembre 1922, page 3

ALLO ! ALLO !    Une hélice de rechange s’il vous plaît !

Calais, 1er Septembre. Un avion du type Goliath quittait l’aérodrome de Croydon, hier matin, à 5 heures, avec une dizaine de passagers, à destination du Bourget.

En arrivant au-dessus de la Manche, le pilote, le comte Henri de Pérignon, dut prendre de la hauteur pour éviter une tempête qui sévissait sur le détroit. Il s’aperçut alors qu’une des deux hélices était fortement endommagée par la pluie diluvienne contre laquelle il luttait et qu’un moteur donnait mal. Par prudence, il arrêta le moteur en même temps que son second, par téléphone sans fil, avisait l’aéro-port du Bourget ainsi que le poste de Saint-Inglevert, à 5 kilomètres de Calais, où il comptait atterrir pour réparer la panne.

Comme le pilote l’avait prévu, tout était prêt sur le terrain de secours de Saint-Inglevert où, en moins d’un quart d’heure, une équipe de spécialistes changea l’hélice en remettant le moteur au point.

Et, tandis que l’avion décollait, l’aide pouvait aviser le Bourget que le retard à l’arrivée ne comporterait à peine que quelques minutes. En effet, au lieu de 7h45, heure habituelle d’arrivée, le Goliath atterrissait sans encombre à l’aéroport à 7 heure 57. »

Le terrain fut également le 6-7 juillet 1935, le rendez vous d’un grand meeting aérien avec présence et évolution de nombreux appareils.

Extrait d’un article des  » Ailes du Nord – juillet 1935  » – Collection Jean Luc Charles

Les installation de l’époque sont bien visibles avec alignement des appareils participants.

 

 

Vue aérienne d’avant la seconde guerre mondiale, pas de date précise

Les trois hangars avec le bâtiment de l’aéroclub. En arrière plan, la commune de Saint-Inglevert.

 

 

Historique de l’aérodrome en 1939-1940

– exposé de Monsieur Lobez de l’association Histopale (cf lien ci dessous) –

A la déclaration de guerre en 1939, l’aérodrome allait abandonner sa vocation civile pour devenir en décembre de la même année la base du GAO 516 (Groupe Aérien d’Observation) commandé par le commandant Durant rattaché au 16ème Corps d’Armée.

Avec cinq Potez 63-11 et cinq Breguet 27/270 , l’unité allait avoir pour mission de réaliser des reconnaissances photographiques au dessus de la région Nord Pas de Calais et participer à des exercices au profit d’unités d’artillerie.

Au matin du 10 mai 1940, la Luftwaffe passe à l’attaque et effectue ses premiers raids de bombardements sur la région. L’aérodrome de Marck prés de Calais est pris pour cible ainsi que vers 5h15 celui de Saint-Inglevert. Durant plus d’une heure, avec de multiples passages les installations sont touchées. Prés de 110 impacts de bombes sont recensés détruisant le poste de radio guidage et un Breguet. Un second Breguet ainsi qu’un Potez 63-11 sont sérieusement endommagés. Toutefois, les installations seront rapidement remises en état afin de poursuivre sans délais les missions demandées par le 16ème Corps d’Armée.

 

extrait du siteweb : http://www.histopale.com/theme/index.php (avec l’aimable courtoisie de l’association histopale)

 

Le 21 mai 1940 au matin, l’aérodrome va recevoir un visiteur de marque, en l’occurence le Génèral Weygand venu sur le Littoral en tournée d’inspection. Il se pose sur le terrain en donnant l’ordre aux personnels du GAO 516 et à son escorte de se préparer à quitter les lieux en cas de menaces trop rapprochées. En effet, des colonnes motorisées ennemies sont déjà signalées à Rue et Saint-Valery-sur-Somme.

C’est le lendemain à 4 heures du matin, que le commandant Durant reçoit l’ordre d’évacuation générale pour faire replier dès que possible l’échelon volant du GAO sur le terrain de Rouen-Boos . L’échelon roulant placé sous le commandement du lieutenant Thévenot et de l’adjudant-chef Jean, prend la route pour sa part à 5 heures pour Gravelines et Dunkerque. Quelques jours plus tard, les hommes embarqueront sur le torpilleur  »Bourrasque ». Celui-ci sautera sur une mine : bilan 19 disparus. Le reste du GAO gagnera enfin l’Angleterre à bord du Branle-Bas pour rejoindre par la suite la France et le personnel navigant à Aubière près de Clermont-Ferrand.

En ce 22 mai 1940, à 6h45, les volants évacuent à leur tour le terrain de Saint-Inglevert. Il était temps, à 7 heures, cinquante avions allemands passeront au dessus des pistes. Les conditions atmosphériques sont exceptionnellement défavorables, temps bouché, pluie, brume, plafond de 10 à 50 mètres note le commandant Durant qui donne l’ordre à ses hommes, pour éviter toute surprise de la part de l’ennemi, de survoler la mer en bordure des côtes depuis Wissant jusqu’au Havre, puis ensuite de suivre les méandres de la Seine jusqu’à Rouen. L’échelon volant comprend tout le personnel spécialiste navigant et mécaniciens et pour évacuer le plus de personnel possible chacun des cinq Potez emportera 4 à 5 passagers et chacun des cinq Bréguet, 3 personnes.

Sur ces dix appareils, quatre seulement arriveront sans encombre sur la piste de Rouen-Boos.

Le Potez piloté par le lieutenant Heilmann, gêné par la brume, se pose sur le ventre dans une prairie non loin du but. Pas trop grave, les 4 hommes d’équipage sont indemnes. Un autre Potez doit quitter l’itinéraire prévu pour ennuis de moteur et se poser à Beauvais. Le Bréguet piloté par le sous-lieutenant Goutard, pris dans le mauvais temps, doit se poser sur la plage du Tréport où il capote. Le mitrailleur l’adjudant Gilbertas et le mécanicien le sergent Nouvel sont légèrement blessés et évacués sur Rouen.

Un autre Bréguet et un autre Potez se posent peu avant Rouen à cause du mauvais temps. Enfin, le Bréguet piloté par le sergent Vidal et ayant à son bord l’adjudant Hubac le mécanicien et le sergent Rolat le radio-navigant, pris à partie par trois bombardiers ennemis, doit s’éloigner de la côte et, victime d’ennuis mécaniques, amerrit près d’un patrouilleur. Les trois hommes sont récupérés mais le sergent Rolat, victime d’une congestion, ne peut être ranimé.

A Saint-Inglevert, sur les pistes battues par le vent restaient trois appareils : un Potez détérioré par le bombardement du 10, un second par manque de pilote et un appareil Bloch 152 immobilisé sur le terrain par une panne de démarreur. Ces appareils et les réserves d’essence seront détruits par les derniers roulants à quitter le terrain.

Les occupants suivants furent les Allemands dont les chasseurs, notamment les redoutables Messerschmitt Bf 109, trouvèrent dans les pistes de l’aérodrome une base de départ supplémentaire idéale pour se lancer dans la fameuse bataille d’Angleterre.

 

Informations complémentaires sur l’historique de l’aérodrome en 1939-1940.

Lionel Persyn :   Présence de l’ERC (Escadrille Régionale de Chasse) 3/561

 

Il s’agit d’une unité présente sur Saint-Inglevert du 27 août au 22 octobre 1939 avec huit Nieuport 622 et huit Spad 510. Sa mission était de couvrir la zone de Boulogne à Calais. Il y a effectué quelques décollages sur alerte, mais vu son matériel désuet, cela n’a rien donné. Le départ de l’unité se fera le 22 octobre 1939 pour Octeville.

Les Bloch 152 ne seront livrés qu’en décembre et le groupe sera alors appelé III/10 début 1940. Il couvrira alors la région avec le II/8 à Calais, et le I/4 à Norrent-Fontes.
Par contre, le 21 mai 1940, on peut noter que des Bloch du GC II/1 ont escorté Weygand à Saint-Inglevert au départ du Bourget, via Norrent-Fontes. L’un des appareils est accidenté à Norrent-Fontes, et un second, le n°166 codé 13, sera abandonné à St-Inglevert démarreur cassé.

Le GAO 516 équipé de Bréguet 27/270 et de Potez 63/11 a été envoyé sur Saint-Inglevert apparemment dès le 3 septembre 39, et n’est parti que le 22 mai 1940 pour Rouen-Boos. Le 10 mai, le terrain a été lourdement bombardé dans la matinée, et côté pertes, on retrouve quelques appareils photographiés par les Allemands lorsqu’ils sont arrivés : un Breguet 270, et le Potez 63/11 n°289. A ajouter, le Potez 36.13 n°70 F-ALFG de l’aéro-club de Calais, et bien entendu le Bloch 152 n°166.

 

Ancienne tour de contrôle

 

Présence de la Royal Air Force

Jean Luc Van Campenhout, Jonathan Aggar et Jean Luc Charles

 

Présence également sur l’aérodrome en avril 1940 de la RAF avec le No. 615 Squadron équipé du très modeste biplan HR Gloster Gladiator Mk II.

On retrouve aussi la présence du No. 607 Squadron en 1940 équipé du même type d’appareils, voir quelques photos sur le siteweb suivant   http://norav.50megs.com/photo.html

Voici une liste des quelques pertes/accidents enregistrés par l’unité durant cette période, tous sur Gladiator :
– K6137 perdu près de Saint-Inglevert le 07.02.1940
– K7996 perdu dans le brouillard à Vitry en Artois le 26.03.40
– K8000 perdu suite à collision avec K8030 le 23.03.40

 

La présence Allemande

 

Dés la fin de la campagne de France, la Luftwaffe s’installe sur l’aérodrome en réutilisant les hangars Français et la plaine d’envol. Durant les premières semaines de la bataille d’Angletterre plusieurs unités vont venir prendre possession du terrain.

– la I.(jagd)/ LG 2 ( Lehrgeschwader ) du 20 juin au 12 juillet 1940 équipée de Bf 109 E

– le I./JG51  du 12 juillet au 20 novembre 1940 avec des Bf 109E

– le Stab de la JG51 du 25 août au 26 novembre 1940

– la II./ JG27 du 24 septembre au 5 novembre1940

– présence également du 5.(H)/32 de l’Aufkl 32 ( escadrille de reconnaissance) sur Hs 126 jusque novembre 1940

 

Fanfare dans l’ancien hangar français. Présence à l’arrière plan d’un Bf 109

 

Atterrisage d’un Junker Ju 52 à proximité d’une alvéole abri.

 

Do-17 P ( certainement du 3.(F)/10 devant les anciens hangars, prés de la tour de contrôle. Comparez avec la photos ci dessous

Trois photos extraites de la collection personnelle de Nicolas Grebert, auteur du livre :

 

Ultérieurement des aménagements seront provisoirement édifiés avec alvéoles de stationnement et hangars de maintenance, à l’Est et au Nord du terrain. Des chaussées en béton, permettent de relier les emplacements à une grande piste en dur de 600m sur 50m à l’emplacement actuel de l’aéroclub.

Dès 1941, les unités quitteront progressivement le site et l’aérodrome ne sera plus utilisé qu’épisodiquement par quelques appareils isolés ou par des avions de transport Junker Ju 52 venant ravitailler les personnels présents sur le site.

 

Sur la droite, emplacement des anciens hangars

 

Traces de hangars ou d’alvéoles abris pour avions construits par les Allemands. Visible également, la butte de tir.

 

En 1943, le site devient le Stützpunkt 134 Paderborn, du nom d’une petite ville de Rhénanie, avec présence de d’unités de défense s’incluant dans le dispositif du Mur de l’Atlantique. Une position d’artillerie sera ensuite aménagée en avril avec la1./451 Artillerie Abteilung avec quatre piéces de 15cm s.FH18 en encuvement de terre établis en bout de piste. Durant l’hiver, cette unité laissera la place à la 4./1143 Heeres – Artillerie – Abteilung avec quatres canons de 10.5cm l.FH 324. Ces pièces seront ensuite placées sous casemates de type 669 construites à proximité des encuvements d’origine orientées vers le Nord Ouest pouvant tirer jusqu’à 13km de distance soit 8 km en mer. Il s’agit des casemates que l’on distingue encore de nos jours en bordure de la piste.

 

 

Lors de l’évacuation de la région, les allemands firent sauter plusieurs charges sur la piste créant de nombreux entonnoirs pour la rendre impraticable.

 

L’aprés guerre

 

Suite aux destructions causées par les Allemands lors de leur départ, l’aérodrome ne sera pas remis de suite en service pour l’aviation civile.

Un rapport du 10 avril 1957 confirma l’abandon d’un projet de réaménagement préférant la plate forme voisine de Calais-Marck plutôt que celle de Saint-Inglevert. Le site de l’aérodrome allait s’enfoncer peu à peu dans l’oubli devenant au fil des ans un vaste terrain vague servant au stockage de recoltes et débris divers.

Il faudra attendre l’année 1986 et la fermeture de l’aéroclub de Boulogne-sur-Mer pour voir le projet de réamenagement de la plateforme de Saint-Inglevert soutenu par un groupe de passionnés.  Ces derniers vont alors s’investir durant quatre années dans le dégagement de l’ancienne piste et le déblaiement des abords investissant leurs deniers personnels et avec le concours d’entreprises amies.

C’est ainsi que le 30 juillet 1989, la piste fut inaugurée … l’activité aéronautique revenait à Saint-Inglevert.

 

Survol du terrain, à droite les quatre casemates de type 669 du Stützpunkt 131 Paderborn

 

Aujourd’hui, l’aéroclub est trés actif, des cours de pilotage sont dispensés, on y rencontre de nombreux passionnés de tous âges qui partagent pleinement leur passion de l’aviation dans une ambiance trés conviviale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Lima Zoulou en approche

FK9 du Royal Patagonian Squadron et Lima Zoulou

Sources :

–   Siteweb de l’aeroclub       http://www.acduboulonnais.com

–    http://www.histopale.com/theme/index.php

–    Atlas Historique des terrains d’aviation en France 1919-1947 ( DGAC )

–    Archives du Service Technique de l’Aviation Civile ( Bonneuil-sur-Marne)

–    Le Mur de l’Atlantique dans la baie de Wissant ISBN n° 9-782746-606289    

Retrace également l’historique de l’aérodrome avec plusieurs photos d’époque de l’occupation allemande avec un plan de masse du site.

Remerciements :

Mr Lobez, vice président de l’association histopale pour l’exposé historique de l’aérodrome.

Les membres de l’aéroclub de Saint-Inglevert

Jean Luc Charles, Jonathan Aggar, François Paquet, Jean Luc Van Campenhout, Lionel Persyn, Jacques Calcine, Nicolas Grebert, membres de l’association  »Anciens Aérodromes ».